Le Policy Center for the New South (PCNS) et le Centre HEC de Géopolitique à Paris, ont organisé ce vendredi, la 11è édition des « Dialogues stratégiques », axée sur « l'impuissance de la puissance ». Lors du premier panel sous le thème « L'Afghanistan, un sanctuaire pour les djihadistes? », modéré par Nouzha Chekrouni, Senior Fellow au PCNS, quatre experts en relations internationales ont, sur la base de l'exemple américain, pointé la vacuité des stratégies militaires dans la guerre contemporaine, outre une forme d'impuissance du multilatéralisme et des mécanismes de gestion des conflits. Selon eux, le retrait américain de l'Afghanistan appelle à une réflexion nouvelle sur ce que signifie la scène internationale, le rôle de ses acteurs, ses enjeux et ses moyens. Ils ont noté que l'histoire de l'Afghanistan est intimement liée au djihadisme, surtout depuis les attentats du 11 septembre 2001, ajoutant que « de George W. Bush à Biden, aucune politique n'a réussi, ni à faire taire les armes, ni à apaiser les conflits, ni à éradiquer le terrorisme ». A ce titre, ils ont souligné que la crainte que l'Afghanistan ne redevienne un sanctuaire de djihadisme a incité plusieurs pays, notamment la Russie, la Chine et l'Iran, à emprunter une voie plus pragmatique dans leurs rapports avec les Talibans. Le directeur du Centre HEC de géopolitique, Pascal Chaigneau, est revenu sur les limites de la puissance, en se basant sur les cas de l'Irak, de la Libye, du Yémen, mais fondamentalement de l'Afghanistan, après le désengagement américain « rapide et dans des conditions délicates ». « Le tout militaire, s'il n'est pas adossé à une plus grande vision et continuité politique et à un souhait d'embrayer sur les sociétés sociologiques, donne en dépit de 20 années d'efforts militaires des résultats qui sont ce que nous venons de constater », a indiqué cet avocat de profession et spécialiste en Droit international. Abordant les conséquences éventuelles de la situation afghane sur la bande sahélo-saharienne, le Général de Corps d'armée (France) et co-président de la fondation « The First Alliance », Olivier Tramond, a estimé que l' »on est plus dans le domaine des perceptions que dans la réalité », relevant que « le Mali n'est pas l'Afghanistan ». « D'abord, le régime actuel du Mali n'a jamais été mis en place par une puissance étrangère, comme ce fut le cas à Kaboul. Ensuite, aucun pays voisin, et je pense au Pakistan qui aide les Talibans, n'agit de la sorte massivement au profit des djihadistes actifs dans le nord du Mali. Autre point, la majorité de la population malienne est inquiète que la sécurité et la paix soient menacées après un retrait des interventions internationales », a-t-il soutenu. Revenant sur « la fin des armistices ou la reddition des gagnants », Abdelhak Bassou, Senior Fellow au PCNS, s'est interrogé sur les raisons derrière la construction d'une puissance militaire, soulignant qu'aujourd'hui, « force est de constater que les puissances militaires ne gagnent pas les guerres, voire n'atteignent même pas leurs objectifs ». « La puissance militaire n'est pas pour autant la guerre et l'une de ses fonctions principales est à l'inverse de la prévenir. On peut même soutenir que la guerre est toujours son échec, parce qu'elle est l'ultime recours et signe une impuissance à atteindre le but recherché par des voies pacifiques, parce que la violence la met au défi et peut conduire à son autodestruction », a indiqué ce spécialiste des stratégies de sécurité et de défense, qui s'est inspiré de l'article « puissance militaire, puissance incertaine » de Serge Sur, paru en 2015. Evoquant les dangers pour l'Inde du désengagement d'Afghanistan, Rodolphe Monnet, chercheur associé au Centre HEC de géopolitique, a avancé que « le premier est d'ordre stratégique, à savoir l'entente cordiale Afghanistan-Pakistan-Chine qui va barrer le nord-est du pays, le deuxième est à court terme et lié à la situation sécuritaire au cachemire, alors que le troisième concerne la peur de la politique étrangère du multi-alignement ». Depuis 2016, le PCNS et le Centre HEC de Géopolitique organisent chaque semestre une édition de leurs Dialogues stratégiques. En ouvrant cette rencontre, le président exécutif du PCNS, Karim El Aynaoui, a souligné que cet évènement « a survécu à l'épreuve du temps, qui est une épreuve essentielle dans l'anti-fragile », ajoutant que cette édition, consacrée à deux grandes questions complexes, s'inscrit dans la philosophie du think tank depuis sa création. Le second volet des Dialogues stratégiques se focalisera sur le Bassin indo-pacifique, à la confluence de deux océans. Un premier panel s'attachera à définir les contours géoéconomiques et géopolitiques de cette notion à géométrie variable, alors que le second traitera des enjeux du positionnement géostratégique. Cette plateforme d'analyse et d'échange Nord-Sud réunit une communauté d'experts, de militaires, d'ambassadeurs et de responsables politiques, afin d'analyser et de débattre des grandes questions géopolitiques et sécuritaires à l'échelle internationale, ainsi que des problématiques communes à l'Europe et l'Afrique.