Le boycott. Un mouvement social qui surgit de temps à autre dans les sociétés pour protester contre le prix élevé d'un produit. Au Maroc, un mouvement similaire a été observé sur les réseaux sociaux en 2018 contre trois produits de première nécessité. Réussi à un grand niveau, ce mouvement de boycott a poussé les entreprises ciblées à revoir leurs tarifs. Deux ans après, et alors que le pays, à l'instar du reste du monde, vit une crise crise sanitaire et économique inédite, un autre mouvement de boycott a resurgi. Cette fois-ci, il cible l'huile de table produite par l'entreprise Lesieur-Cristal et dont le prix a subitement explosé. Excités, les internautes sur les RS appellent carrément à un « boycott économique« , espérant pousser le gouvernement à intervenir en cette conjoncture de crise où le pouvoir d'achat du Marocain ne peut supporter une quelconque augmentation. Joint par Hespress Fr à ce sujet, l'universitaire et président du centre indépendant des analyses stratégiques, Driss Effina estime qu'en général, il a été démontré que les campagnes de boycott donnent un effet direct sur les entreprises productrices, notant qu'il y a parfois des hausses de prix injustifiées, et d'autres justifiées. Dans le cas des augmentations de prix pour des raisons injustifiées, et lorsqu'il y a boycott, l'économiste explique que « les entreprises concernées essaient de se rattraper, soit en baissant le prix soit en les adaptant« . Il rappelle en ce sens le boycott de 2018, quand « les entreprises touchées par la campagne de boycott ont été contraintes de réviser leurs prix, ce qui a servi de leçon aux autres entreprises qui envisagent d'augmenter les prix ». Aujourd'hui, poursuit l'économiste, « le boycott est considéré comme une arme civilisée qui commence à donner ses effets à travers les réseaux sociaux. Et c'est aussi une sorte de sensibilisation et d'intelligence collective qui est traduite à travers cet acte civilisé ». Un impact « insignifiant » sur l'économie nationale Le prix de quelques produits a augmenté récemment. Une augmentation qui des fois est liée à la hausse des taxes au niveau national ou international. Est-ce que le boycott peut également exercer une certaine pression sur le gouvernement pour revoir les taxes à la baisse et éviter une augmentation des prix, surtout en cette période de crise sanitaire et économique que traversent le pays du monde entier ? Interrogé sur ce point, Driss Effina indique que « sur la question d'augmentation des taxes, les marges étaient d'ores et déjà importantes. Au lieu que l'entreprise traduise cela sur sa marge de bénéfice, elle envoie la balle au consommateur final et le laisse supporter à sa place cette augmentation, en haussant les prix de son produit. Et ça, c'est problématique ». L'économiste n'est donc pas « pour que l'Etat révise ses taxes, mais pour que l'entreprise répartisse équitablement les nouvelles charges entre ses gains et ses marges et le client final », notant que « l'entreprise ne doit en aucun cas répercuter cette hausse d'impôts uniquement sur le consommateur final ». D'ailleurs, les entreprises ont l'habitude de ce genre de pratique, précise-t-il. « À chaque fois qu'il y aune augmentation de carburant, des droits de douane, des taxes, etc, elles essaient de les répercuter sur le consommateur final. D'ailleurs, on a constaté lors de cette crise sanitaire du Covid-19, même s'il y a eu une baisse des chiffres d'affaires (CA), les marges de bénéfices des entreprises sont restées les mêmes, et elles ont même gagné plus sur tous les plans », souligne Driss Effina, faisan observer que « lorsqu'il y a une baisse du CA, cela ne veut pas dire que la rentabilité de l'entreprise a baissé. Cette dernière garde toujours son niveau« . L'autre question soulevée par Hespress Fr est de savoir si les mouvements de boycott d'un produit ont un impact sur l'économie nationale d'un pays. Sur ce point, l'économiste souligne que sur le plan quantitatif, « l'impact est insignifiant« . « C'est plus médiatique pour moi qu'économique. Donc l'impact reste insignifiant sur l'économie nationale et les indicateurs macro-économiques. Parce qu'une entreprise X, qui produit un produit X, et dont le prix s'est élevé, en général, son CA est insignifiant par rapport au CA national qui est de l'ordre de 3000 milliards de dirhams au Maroc et l'ensemble des entreprises qui opèrent dans le pays que ce soit dans le secteur formel et informel. Si nous ne prenons que le CA national du secteur formel, en 2018, le chiffre officiel était dans les 1600 milliards. Donc l'impact du boycott d'un ou plusieurs produits reste insignifiant sur l'économie nationale« , conclut l'universitaire.