Le décret-loi n°2.20.690 prévoyant la promulgation de dispositions exceptionnelles relatives aux amendes financières à payer pour récupérer la possibilité d'émettre des chèques, a été publié au Journal officiel n ° 5705. Ce texte prévoit plusieurs dispositions légales permettant une « grâce » partielle au profit des personnes interdites d'émettre des chèques au Maroc, en baissant significativement les amendes financières infligées en cas d'émissions de chèques allant à l'encontre de la légalité. Cela permettra ainsi aux contrevenants d'émettre à nouveau un chèque comme moyen de paiement. Dans les détails, le texte prévoit de réduire l'amende financière que le titulaire de compte doit payer pour récupérer la possibilité d'émettre des chèques, à 0,5% (au lieu de 5%) du montant du ou des chèques impayés étant sous réserve ou faisant l'objet du premier avertissement, prévu à l'article 313 du Code de Commerce. Le texte prévoit également, dans le cas des chèques soumis au second et troisième avertissement, dans le code du commerce, une réduction de l'amende respectivement à 1% (au lieu de 10% précédemment), et à 1,5% (au lieu de 20%) du montant du chèque ou des chèques soumis à ces avertissements, ainsi qu'aux autres ultérieurs. L'application de ces nouvelles dispositions est prévue pour une période de six mois allant du premier octobre 2020 au 31 mars de l'année prochaine. À travers ces dispositions, l'exécutif cherche à s'attaquer au problème de l'augmentation continue du nombre de symptômes de performance depuis le début de l'épidémie du coronavirus, c'est-à-dire à émettre un chèque sans provisions ou sans solde, qui a pour effet de sanctionner son propriétaire et le priver d'émettre d'autres chèques, mais aussi de trouver une solution structurelle à ce problème qui tendrait à s'aggraver à l'avenir. Selon l'économiste Driss Effina, universitaire et président du centre indépendant des analyses stratégiques, qui s'est confié à Hespress Fr sur le sujet, il s'agit là d'un dossier à « multiples facades ». Il rappelle dans un premier temps qu'il y avait une raison derrière la privation de ces personnes d'émettre des chèques, puisqu'elles n'ont pas respecté les procédures en vigueur et ont utilisé le chèque comme moyen de paiement sans être approvisionnées. Le fait d'amnistier ces personnes et leur redonner le droit d'émettre des chèques une seconde fois, suppose qu'elles vont changer leur comportement, estime Effina. Or, dit-il, « il n'y a pas de certitude aujourd'hui, que ces individus seront honnêtes et vont émettre des chèques honnêtement ». D'autre part, l'universitaire évoque la situation des crédits impayés qui ont augmenté significativement. Il indique que pour les 9 premiers mois de 2020, le taux a atteint 10,6%, expliquant ainsi que les difficultés ont commencé à s'installer en 2019 (7,2%) alors qu'en 2018 le taux était de 2,5%. « 10% est un pourcentage plutôt historique. Cette hausse est due au nombre important d'entreprises qui sont tombées en difficulté durant cette pandémie. Cependant ce pourcentage ne concerne pas uniquement les entreprises, mais aussi les particuliers, avec l'augmentation du nombre de personnes qui ont perdu leur emploi. D'autres ont vu leur salaire baisser, ce qui a créé une telle situation », dit-il. Pour l'économiste, la décision d'amnistier partiellement les interdits de chèques « ne fera qu'augmenter le pourcentage des créances en souffrance. Cela montre la situation très grave dans laquelle se trouvent ces personnes, soit qui émettent des chèques ou qui prennent des crédits ». En rappelant les mesures prises par le comité de veille économique (CVE) depuis le début de la pandémie, Driss Effina estime que le comité « est contraint aujourd'hui d'étudier n'importe quel dossier parce que nous sommes en situation de crise et de pandémie ». « Depuis que la crise économique a commencé à s'installer avec l'arrivée de la pandémie, on a dit que cette commission aura pour but de faire des évaluations très rationnelles. Sinon, elle ne peut pas prendre des décisions comme ça et donner des financements importants à certains secteurs qui risquent par la suite de créer d'autres problèmes », soulève-t-il, soulignant qu'il ne « pointe aucune décision spécifique prise récemment par la CVE en faveur de certains secteurs ». Pour l'universitaire, le CVE est en train « d'être utilisé par certains secteurs et certains acteurs, notamment ceux qui ont émis des chèques sans provision. Ils ont profité de la situation de crise pour qu'on leur trouve une solution à leur problématique ». In fine, Driss Effina conclut « que ce n'est pas en redonnant la possibilité d'émettre des chèques à des individus, qu'on va résoudre le problème mais on va l'amplifier davantage».