Dans Maroc Conjoncture, lettre mensuelle du CMC, un article dédié à l'inflation et pouvoir d'achat relève que le maintien de l'inflation dans une fourchette modérée n'est qu'un tour de passe-passe qui permet d'escamoter les augmentations des prix, en les détournant de la case «Consommation des ménages» vers le compartiment «compensation» du Budget général. Au Maroc, nous n'avons pas d'autres instances qui calculent l'PC selon une approche différente et un panier qui traduit réellement la structure de consommation des ménages. L'enquête niveau de vie des ménages, qui représente la source principale de l'actuation de la structure de panier du ménage, est basée sur un échantillon qui donne des estimations avec des marges d'erreur importantes. Explications de Driss Effina, économiste et membre du Centre marocain de conjoncture. Finances News Hebdo : Quelle corrélation y a-t-il entre maîtrise de l'inflation et la préservation du pouvoir d'achat au Maroc ? Driss Effina : Il faut noter que l'inflation est mesurée à travers l'évolution des prix des produits de consommation de base et le pouvoir d'achat à travers le revenu disponible des ménages. En conséquence, toute augmentation des prix des produits de consommation de base engendrera automatiquement une érosion du pouvoir d'achat. F.N.H. : Dans l'article consacré à l'inflation et au pouvoir d'achat, paru dans Conjoncture, il est clairement souligné le fait qu'à l'aune de la libération des prix du carburant, le maintien du taux d'inflation n'est qu'un artifice. Sur quelle base, cette conclusion est-elle avancée ? D. E. : Comme nous le savons, les produits énergétiques sont consommés aux différents niveaux et secteurs de l'économie, principalement au niveau de l'industrie, du transport et de l'agriculture. Les ménages consomment aussi ces produits directement et indirectement. Le poids économique des produits énergétiques dans la structure du coût des entreprises et le panier des ménages est prépondérant. En conséquence, toute hausse des prix des produits énergétiques déclenchera une série de hausses des prix, car chaque acteur économique va répercuter cette hausse en fonction de sa position sur la chaîne de valeur, soit dans sa structure du coût si la concurrence le permet ou dans ses marges le cas échéant. Le consommateur final qui est en général le ménage, va subir cette hausse en fin de conséquence. Aujourd'hui, nous constatons que l'IPC n'arrive pas à traduire fidèlement cette hausse pour différentes raisons qui se résument dans la méthode de calcul, le panier des produits et leur structure. Malheureusement, au Maroc, nous n'avons pas d'autres instances qui calculent le même indice selon une approche différente et un panier qui traduit réellement la structure de consommation du ménage. Nous savons bien que l'enquête niveau de vie des ménages réalisé par le HCP qui représente la source principale de l'actuation de la structure de panier du ménage, est basée sur un échantillon qui donne lieu à des estimations avec des marges d'erreur importantes. De plus, la dernière enquête a été réalisée par le HCP il y a sept ans, alors que la structure du panier de consommation du ménage a changé considérablement depuis ce temps-là. F.N.H. : L'article soutient qu'il y a un décalage entre l'IPC et la perception des consommateurs du vrai coût de la vie. Dans quelle mesure ce décalage peut-il biaiser les analyses économiques ? D. E. : L'IPC, comme nous l'avons souligné ci-dessus, est calculé selon une méthodologie déterminée : en général, les prix retenus sont ceux des produits de base qui ne sont pas affectés par les hausses des prix. Ces produits sont en général consommés par une catégorie limitée des ménages. En plus, les résultats de l'IPC concernent en général une période antérieure. En effet, l'inflation d'aujourd'hui sera mesurée dans 3 à 6 mois. F.N.H. : Jusqu'à quelle proportion peut-on considérer le critère de l'inflation comme un indicateur de bonne santé économique, à l'instar d'autres indicateurs ? D. E. : Deux indicateurs sont d'une extrême importance pour le suivi des politiques économiques : il s'agit de l'inflation et du taux de chômage. L'inflation mesure la capacité des politiques poursuivies par le gouvernement à préserver le pouvoir d'achat des citoyens. Le cas échéant, il faut procéder à des hausses des revenus. Pour le chômage, il mesure la capacité de la politique économique poursuivie par le gouvernement à créer des emplois.