Les chiffres présentés dans la note de synthèse du ministère de l'économie et des finances du projet de loi PLF rectificative 2020, montrent que la loi ne s'inscrit pas dans une perspective d'austérité, comme relevé par plusieurs économistes, notamment Driss Effina qui explique que l'Etat compte augmenter ses dépenses, ce qui représente un défi d'une grande ampleur dans un contexte marqué par la baisse de ses ressources. Dans une analyse générale livrée à Hespress Fr sur le PLF rectificative 2020, l'économiste explique que le projet de loi s'inscrit dans la volonté de relancer et redynamiser l'économie, surtout le secteur privé, la sauvegarde de l'emploi économique mais aussi dans une réforme importante de l'administration. « Dans le PLF rectificative 2020, il n'y a pas d'austérité. L'Etat veut augmenter ses dépenses en creusant le déficit budgétaire, en contractant davantage de crédit, ce qui est déjà fait. Tout cela, pour que l'effort d'investissement reste presque le même. L'Etat, et d'après les chiffres annoncés, compte investir au cours de cet exercice à hauteur de 182 milliards de dirhams. Evidemment il y a une baisse dans la loi initiale de 2020, qui est de 16 milliards de dirhams« , explique Effina. Selon les chiffres, cette baisse s'explique par l'importante chute des investissements qui sera observée au niveau des entreprises publiques, de l'ordre de près de 29 milliards de dirhams. Cela dit, les investissements qui sont comptabilisés sur le budget général de l'Etat vont augmenter pour compenser cette baisse de 16 milliards de DH, et passer à 94,5 milliards de dirhams. De même, une baisse est également observée au niveau des investissements des collectivités territoriales de l'ordre de 4,5 milliards de dirhams et qui ne seront plus que de 15 milliards de dirhams, poursuit l'économiste. Ainsi, l'investissement public, à savoir l'investissement comptabilisé sur le budget général de l'Etat sur les établissements et entreprises publics et collectivités territoriales, sera de 182 milliards de dirhams en baisse de 16 milliards de dirhams, avance Effina qui relève que cet investissement intervient dans un contexte qui sera marqué par une baisse des ressources ordinaires de l'Etat de l'ordre de 44,7 milliards de dirhams. Cet effort considérable pour que l'Etat maintienne ses dépenses, est expliqué par l'économiste par le fait que l'Etat reste l'acteur économique principal au niveau du Maroc. Concernant la ventilation des dépenses publiques, Driss Effina avance qu'il y a des restrictions budgétaires qui vont marquer un certain nombre de postes, notamment les postes de gestion, des fonctionnaires, les salaires, les dépenses liées aux équipements et autres. Toutefois, il souligne que les dépenses communes vont rester presque les mêmes, sachant que les dépenses à l'échelle globale de l'Etat vont augmenter de 1,7 milliard de dirhams, et cela montre que même dans une situation de crise, l'Etat va augmenter ses dépenses. Et l'austérité? La question qui se pose ainsi est pourquoi l'Etat ne souhaite pas adopter une politique d'austérité. Pour Driss Effina, ce n'est pas aussi facile que ça. « Si vous prenez la période précédant le Covid-19, l'Etat était toujours l'acteur économique principal dans l'économie nationale et veut garder cette position. C'est-à-dire que l'Etat veut rester le simulateur de l'économie. Et pour moi, pour le moment, c'est une bonne chose. Et c'est d'ailleurs la même démarche adoptée par d'autres pays notamment l'Allemagne ou le Japon« , explique-t-il. Il est vrai qu'on ne peut pas comparer l'économie marocaine à celle de l'Allemagne ou du Japon, raisson pour laquelle, estime l'économiste,*dans le corps du PLF rectificative 2020, il y a une tendance à privilégier tout ce qui est « Made In Morocco », et aussi, à contrecarrer tout ce qui est produit fini importé de consommation, ce qui est important. « Il s'agit d'une tendance que nous avons demandée depuis longtemps. Et maintenant l'Etat s'est retrouvé obligé d'aller vers cette position de privilégier tout ce qui est produit national, ce qui va lui permettre d'amorcer une nouvelle politique d'industrialisation de substitution et de privilège de tout ce qui est entreprise marocaine« , explique-t-il. Sur ce même point, Driss Effina avance que la situation internationale fait que les autres économies ne peuvent pas reprendre leur santé au détriment de la santé de l'économie marocaine. « Si le Maroc ne s'inscrit pas dans cette politique-là, il va contribuer au rétablissement des économies du reste du monde au détriment de la sienne. Donc c'est une tendance qui est normale et qui s'impose par la force des choses ». « Aujourd'hui, conclut-il, toutes les économies à l'échelle mondiale vont essayer de rétablir leur santé au détriment des autres. Elles vont avoir des politiques d'exportation très agressives et vont importer moins. Ce qui fait que le Maroc ne peut pas laisser les autres pays gagner sur le dos de son économie« .