Alors que l'éducation sexuelle fait partie de l'éducation à la vie, ce sujet d'une grande importance qui permet de protéger les enfants des prédateurs sexuels, est délaissé par les familles marocaines. Contactée par Hespress FR, la sexologue Amal Chabach explique pourquoi les parents bloquent à l'idée de parler de sexe aux enfants. L'affaire du petit Adnane a fait jaillir des sentiments de peur et de grandes inquiétudes chez plusieurs parent, qui ont ainsi pris conscience des dangers menaçant leurs enfants. Alors que certains ont appelé au retour de la peine de mort pour le pédophile présumé pour venger la mort de l'enfant, d'autres l'ont fait car ils ont pris conscience du climat d'insécurité qui règne pour leurs propres enfants, au sein de leur entourage et dans leur quartier. Suite à cette affaire, une prise de conscience générale s'est opérée chez les parents sur la manière de mettre en garde leurs enfants contre les prédateurs sexuels. Mais passer à la pratique, en abordant ce sujet-là avec leur progéniture n'est pas une mince affaire. Parler de sexe aux enfants est un sujet délicat qui, généralement, n'est jamais discuté dans les familles marocaines pour plusieurs raisons. « Chaque chose qu'on ne maîtrise pas, et chaque chose qu'on ne connait pas, réveille en nous des peurs », avance la spécialiste en expliquant la réticence des parents à aborder le sujet. « Quand on parle de sexualité, plus précisément de l'éducation sexuelle, généralement, les gens bloquent sur ce sujet-là, d'une part parce qu'ils ne le connaissent pas, ils ont des préjugés, ils ont des croyances erronées » inculquées par leurs propres parents, par la société, l'école, et les expériences personnelles. « Il y a beaucoup de croyances sociétales, éducatives qui font que les gens bloquent. Ils ont peur de ce qu'ils ne savent pas et ont peur pour leurs enfants », assène la sexologue faisant le lien entre la peur de l'inconnu et des croyances populaires qui font qu'il est délicat d'en parler. Dans une société où parler de sexe est considéré comme « hchouma » (honteux), les parents « croient que parler d'éducation sexuelle va pousser les enfants à passer à l'acte, les encourager à avoir des rapports sexuels, ou qu'ils vont perdre leur innocence », indique Amal Chabach comme l'une des raisons principales des réticences à apprendre aux enfants à connaitre leur corps et à se protéger d'adultes qui pourraient avoir un comportement déplacé vis-à-vis d'eux. Comme autre grand blocage, la sexologue cite le mot sexe qui crée en lui-même blocage, surtout lorsqu'il est prononcé dans notre langue maternelle. « En français, ça passe, c'est comme si on parlait d'autre chose, comme si on ne parlait pas de nous, mais lorsqu'on parle avec notre langue maternelle, notre langue d'origine c'est plus fort, elle parle à notre inconscient et ça renvoi à l'interdit, à ce qu'il ne faut pas faire ». Dans la société marocaine, traditionnellement pudique en majeure partie et où la communication n'est pas le fort des familles, apprendre à bien communiquer, savoir quoi dire et comment, prend toute son importance lorsqu'il s'agit de parler aux enfants des dangers qu'ils pourraient rencontrer dans leur entourage, à l'école ou encore en jouant dans la rue avec les voisins. « L'éducation sexuelle soit on en parle pas, soit on dit aux enfants de se taire parce que c'est +houchma+. On a ces croyances qui font qu'on pense que c'est quelque chose de sale, de mauvais, quelque chose qui risque de leur créer des problèmes », explique la sexologue qui a été l'une des première à parler de sexe à la télévision publique marocaine. Selon elle, pour que ce sujet ne réveille plus autant de blocages chez les parents, « la solution c'est de changer le nom de l'éducation sexuelle parce que déjà, ce n'est pas le principal, c'est tout ce qu'il y a autour », a-t-elle déclaré. « J'ai proposé l'appellation +éducation à la vie+ ». « Si deux personnes ne se respectent pas, ne se respectent pas elles-mêmes, si elles ne savent pas communiquer, si elles ne s'aiment pas, l'amour de soi est absent, la personne ne peut pas être épanouie, et, la sexualité c'est une résultante », indique-t-elle, en abordant le thème de l'éducation à la vie qui comprend l'éducation sexuelle.