* Jouahri conduit la politique monétaire du Royaume dune main de maître. * Il est surtout un homme de consensus qui rappelle, à bien des égards, un certain Driss Jettou, alors Premier ministre. * Qui sera son digne épigone ? Cela peut paraître incongru daborder la question de la succession de Jouahri à la tête de Bank Al-Maghrib. Surtout eu égard au respect et à ladmiration que force ce grand Monsieur de la finance. Pourtant, cette question paraît légitime. Car, tôt ou tard, il va falloir y songer. Si ce nest déjà fait. Cette question paraît dautant plus légitime quaujourdhui, il semble difficile de lui trouver un digne épigone au sein du landerneau financier. Quand bien même personne nest irremplaçable. «Il existe beaucoup de compétences marocaines qui peuvent diriger Bank Al-Maghrib, si lon se fie aux diplômes et à lexpérience notamment. Mais cela ne suffit pas. Loin de là. Cest un poste qui demande non seulement une profonde connaissance du marché financier en général, mais qui exige surtout du charisme, de la réactivité et un certain courage politique. Et il nest pas évident de retrouver tout cela chez un seul individu», confie un observateur. Pour un analyste de la place, «il faut savoir quen face, il y a des acteurs financiers de poids, comme le Groupement professionnel des banques du Maroc, quil faut pouvoir gérer; ce qui est loin dêtre évident. Selon lui, «conduire la politique monétaire du Maroc exige de pouvoir prendre les bonnes décisions au bon moment, sans avoir peur dirriter les banquiers notamment». «Toutefois, je pense que le prochain gouverneur de Bank Al-Maghrib sera le fait dune promotion interne, car il y opère de très bonnes compétences qui ont, de surcroît, lexpérience du métier». Même son de cloche chez un autre analyste. «Jouahri a incontestablement apporté à lInstitut démission une dimension autrement plus importante que par le passé. Tant du point de vue de son fonctionnement interne, que par la manière avec laquelle il conduit la politique monétaire. Cest un pur produit financier du système financier qui a pratiquement fait un sans-faute depuis quil est à la tête de Bank Al-Maghrib. Je suis davis quil sera difficile de lui trouver un successeur avec autant de qualités», soutient-il. Pourtant, au regard du paysage financier actuel, lon pourrait croire que son successeur aura moins de difficulté à assurer la relève. Pour dire que sa «seule préoccupation» sera dassurer une bonne conduite de la politique monétaire. Car il faut savoir quà sa nomination en avril 2003 à la tête de BAM, le contexte était bien plus différent. En effet, en plus de la conduite de la politique monétaire, Jouahri avait une autre priorité : mener à bien les projets de réforme des statuts de Bank Al-Maghrib et de la loi bancaire afin de renforcer le rôle de la Banque centrale en institutionnalisant son indépendance et en lui confiant la responsabilité de la conception et de la mise en uvre de la politique monétaire, ainsi que celle de la réglementation et du contrôle de l'activité des établissements de crédit. Un chantier quil a mené avec brio, tout en veillant constamment à la stabilité des prix. 7 ans après Après pratiquement 7 ans passés à la tête de Bank Al-Maghrib, lon peut sans conteste affirmer que ce Gémeau, qui bouclera ses 71 ans le 10 juin prochain, a réussi sa mission. Comme il la dailleurs fait auparavant en tant que ministre des Finances (au milieu des années 80), mais aussi à la CIMR. Mais Jouahri nest pas seulement un financier aguerri à lexpertise reconnue. Cest un homme de consensus qui rappelle, à bien des égards, un certain Driss Jettou, alors Premier ministre. Un homme de poigne aussi qui, souvent, irrite ces banquiers rebelles en les rappelant à lordre. Un homme toujours égal à lui-même. Même au moment où léconomie marocaine essayait de faire face au vent frais de la crise financière internationale. Cela, il a dailleurs eu à le prouver lors du Symposium organisé en juin dernier sur ««Le rôle des banques centrales et du FMI dans la détection et la gestion des crises financières : leçons de lexpérience récente» et qui a regroupé déminents experts de la finance, dont notamment Dominique Strauss-Kahn, DG du FMI, ou encore Jean-Claude Trichet, président de la BCE. Son talent dorateur, mais également sa parfaite maîtrise du sujet, ont fait lunanimité. Disponible, jovial, courtois, mais également doté dun franc-parler qui suscite le respect, Jouahri est surtout un homme desprit qui conduit dune main de maître la politique monétaire du Royaume, avec lobjectif constant dassurer la stabilité des prix et de lutter contre linflation. Surtout au plus fort de la crise. Sans aucun doute, cette franchise et cette transparence quil cultive depuis quil est arrivé à la tête de lInstitut démission font de lui, malgré les cris dorfraie lancés parfois ici et là par certaines intelligences, lhomme de la situation. Un homme qui reste constant dans sa ligne de conduite, plaidant continuellement pour une cohérence et une convergence entre la politique monétaire, la politique budgétaire et le régime des changes. Et de sa gouvernance, on retiendra surtout un acte fort. Un acte quil a posé un certain septembre 2008 et qui a eu pour corollaire moult commentaires : le relèvement dun quart de point du taux directeur pour le porter à 3,5%. Une première dans les annales de léconomie marocaine, puisque jamais gouverneur de Bank Al-Maghrib na eu le courage de prendre une telle décision. Et ce, depuis lindépendance du Royaume ! Alors, qui sera son digne épigone ? Cest là toute la question.