* La photo parue sur la couverture de «Femmes Du Maroc» a eu le mérite de lancer un vrai débat sociétal et professionnel. * Lintéressée ne veut pas se prononcer pour le moment. * Selon Nadia Lamhaïdi, professeur de presse écrite, Nadia Larguet aurait pu faire prévaloir dautres atouts. Une première au Maroc ! Lapparition de Nadia Larguet, productrice et ancienne animatrice télé, sur la couverture du magazine «Femmes du Maroc» du mois de novembre, a défrayé la chronique. Il y a de quoi. Elle y pose quasi-nue avec une main posée sur son ventre de femme alourdie par la grossesse et lautre cachant ses seins. Il aura suffi dune couve pour enflammer les débats sur le droit de limage et les limites de la liberté des médias. Surtout que cette illustration touche à deux sujets sensibles : limage de la femme et les limites que la presse doit respecter. Contacté par nos soins, un haut cadre ministériel ayant requis lanonymat, nous explique que cest un geste inutile, surtout dans un contexte très sensible pour la presse écrite au Maroc. Des réactions ont fusé de partout, surtout sur le Net où la photo a bénéficié dun buzz important. Des critiques tempérées aux plus virulentes, la photo na laissé personne indifférent parmi ceux et celles qui lont vue. «Ma première réaction a été celle de la femme que je suis, et de la maman enceinte que jai été à deux reprises : je préfère de loin la photo de Nadia Larguet en robe fleurie publiée en pages intérieures. Elle y est ravissante, tenant avec amour et affection son petit ventre de huit mois», explique Nadia Lamhaïdi, professeur de presse écrite à lInstitut Supérieur de lInformation et de la Communication. Pour cette spécialiste de limage de la femme dans les médias, cette photo pose un vrai débat culturel et professionnel. «Quelles valeurs de modernité voulons-nous pour le Maroc daujourdhui et de demain ? Ces valeurs-là ne devraient-elles pas être partagées par lensemble des Marocains pour garantir un seuil minimum de cohésion sociale? Je vais illustrer mon propos : la qualité artistique de la photo, la beauté du nu sont-elles des références communément partagées par les Marocains qui sont la première cible du magazine ? », sinterroge Nadia Lamhaïdi. Cette photo a tout de même le grand mérite de créer un grand débat sur ces questions cruciales dans un Maroc en mouvement et qui tend vers la modernité. Une modernité qui est taillée sur mesure en tenant compte de la spécificité de notre société. «Sur le plan professionnel stricto sensu, la question est de savoir si cest une photo journalistique ? Je pense que cest une photo qui verse plus dans le sensationnel et sa logique relève plus du voyeurisme pour satisfaire un désir instinctif de regarder à travers le trou de la serrure ce qui se passe dans lintimité de lautre. Les personnes publiques, stars du sport et du showbiz sont les plus exposées à cette pratique journalistique», souligne Nadia Lamhaïdi. Pour elle, cette photo dessert la femme qui en est le sujet : Nadia Larguet. « Elle a dautres qualités à faire valoir, cest une très bonne professionnelle des médias : elle est derrière de nombreux concepts démissions, cest une excellente animatrice télé Ce sont justement les nouveaux rôles de la femme que les médias sont censés représenter. La charte nationale pour lamélioration de limage de la femme dans les médias insiste sur une représentation équilibrée de la femme. Certes, les professionnels des médias nen sont pas encore imprégnés. Concernant le plan daction de cette charte, le département de Mme Nouzha SKalli devrait répondre à cette préoccupation. Si cela a boosté les ventes de «Femmes du Maroc», tant mieux ! Ce que je retiens, cest que cela a provoqué un débat sociétal et déontologique majeur », poursuit-elle. Lintéressée, Nadia Larguet, préfère garder le silence pour linstant et ne pas sexprimer sur la question tant que le numéro est toujours en vente, nous explique un proche. Entre temps, certains supports de presse se sont saisis de «laffaire». Entre défenseurs et détracteurs, les arguments fusent. Les plus modernistes défendent le droit de la jeune femme de partager sa joie de maternité avec les autres femmes qui sont les premières cibles du magazine. Pour les plus conservateurs, cette image représente un total irrespect de la société marocaine qui est par essence musulmane. Ce qui biaise demblée le débat puisque lon verse plus dans la polémique plutôt que daboutir à une réflexion sur lusage de limage dans les médias. Un avis que partage Nadia Lamhaïdi qui forme les futurs journalistes : «Moi, je dirais tout simplement : Haro sur le jeu de la récupération ! Les joutes oratoires et la manie du «je taime, moi non plus», ne servent aucunement le développement de la presse nationale qui souffre dune crise de lectorat pour cause, entre autres, de crédibilité». Une chose est sûre, cette photo a poussé un peu plus loin le débat sur la liberté dexpression qui, jusquà ces jours, se concentrait sur lécrit et plus récemment les caricatures, mais jamais sur les images. Un questionnement profond est désormais lancé sur le devenir de la presse et de ses droits et devoirs, surtout sur des aspects qui semblent, à première vue artistiques, mais qui, au fond, sont tout aussi importants que le contenu. «Je note avec bonheur que des sentinelles sont en état dalerte et que la veille stratégique, lune des principales recommandations de la charte pour lamélioration de limage de la femme dans les médias, est en marche. Une société qui opère une telle introspection, où la confrontation didées est en marche, est une société sur la bonne voie. Aux médias, qui sont le miroir de la société, de refléter ce débat et de le faire partager», conclut Nadia Lamhaïdi. Dans le contexte actuel, beaucoup dévénements sont survenus sur la place et tendent tous vers limportance de rouvrir un débat sérieux sur les médias, leurs droits et devoirs. Espérons au moins quil réussira à mettre les premiers jalons de lexercice du métier dans un contexte très précis qui accompagne à la fois le développement de la société, et en anticipe les besoins en la tirant vers le haut.