* Au moment où le droit marocain cite, à titre limité, les actes incriminés, son homologue français le fait dune manière extensive. * Les peines applicables au délit de fraude fiscale sont moins dissuasives en droit fiscal marocain quen droit français. * LAdministration marocaine est dépourvue de moyens. Au cours des deux dernières Lois de Finances 2009 et 2010, le législateur a procédé à une réduction du taux de lIS à 30% et celui relatif à lIR à 40%. Le but étant daméliorer la compétitivité du tissu national dans un contexte de mondialisation et daider à lamélioration du pouvoir dachat des citoyens. Bien que de telles mesures risquent de se traduire par une baisse des recettes fiscales et donc un amenuisement des entrées de lEtat, le législateur avance comme argument un élargissement de lassiette fiscale par une limitation de pression fiscale et, bien entendu, un contrôle plus rigoureux de la part de lAdministration. Un tel contrôle pourrait ainsi contribuer à la limitation de la fraude fiscale. Toutefois, et en regardant de près ce qui se passe dans la réalité, on saperçoit que le sujet de la fraude fiscale demeure encore tabou, et ce pour des raisons socio-économiques. Les citoyens, bien que conscients de limportance de limpôt, nont pas encore confiance en lEtat en tant que redistributeur. Aussi, le niveau de qualité des prestations publiques fournies par lEtat et que le citoyen juge en deçà de ses aspirations, ne fait qualimenter la suspicion à légard du Fisc. Cest ce qui explique en partie que la stratégie actuelle en matière de lutte contre la fraude a montré ses limites. Les conséquences risquent dêtre encore plus fâcheuses à cause de la morosité du contexte et, en cette période de crise, nombreux sont ceux qui fuient limpôt pour réduire leurs charges. Moins de rigueur et de fermeté Un comparatif entre les droits fiscaux français et marocain a mis en exergue le laxisme de ce dernier en la matière. En effet, celui-ci ne cite quà titre limitatif les actes incriminés et reste hésitant quant à lincrimination des complices. Au contraire, le délit de fraude est conçu de manière extensive en droit français. Le législateur français fait preuve de fermeté dans la lutte contre la fraude dans la mesure où il tient le délit même en labsence de manuvres frauduleuses et considère ces dernières comme des circonstances aggravantes, alors quau Maroc on aborde les choses avec moins de rigueur. «La cadence des contrôles nest pas très rapprochée dans le temps, ce qui encourage le phénomène dévasion fiscale», explique un expert-comptable. A titre dexemple, en matière de fraude, la minoration des recettes peut être recherchée par des moyens aussi divers que sophistiqués. Or, le droit marocain ne prévoit que deux hypothèses, à savoir la vente sans facture de manière répétitive et la délivrance de facture fictive. Les autres moyens pouvant réduire les entrées sont : la vente avec facture mais sans comptabilisation de lopération, lomission de comptabiliser des ventes par des comptes bancaires non signalés, le règlement direct des fournisseurs par les clients La dissimulation de certains achats est fréquemment utilisée comme complément de la vente sans facture avec, notamment, la connivence des fournisseurs et des clients, ce qui rend sans effet tout recoupement tenté par l'agent du Fisc opéré chez ces derniers. Le droit fiscal français offre la possibilité de poursuivre et de juger les fraudeurs, quelle que soit la technique utilisée pour éluder l'impôt que l'irrégularité a concerné. Daprès notre expert-comptable , «il ne faut pas omettre que lAdministration marocaine ne dispose pas des mêmes moyens de contrôle que son homologue française ». Aussi, il est à signaler quen voulant se concentrer sur lessentiel, lAdministration laisse échapper beaucoup de choses. Une autre question se pose en matière de fraude : celle de savoir si la matérialité du délit n'est pas suffisante pour qu'il soit constaté et que la mauvaise foi et l'intention de fraude soient présumées. Si la doctrine marocaine n'a pas encore dit son mot à ce propos, les juristes ont déjà débattu de cette querelle doctrinale, mais sans arriver à un consensus. Pour les uns, la référence à l'élément intentionnel ne fait que traduire un principe essentiel du droit pénal. L'Administration fiscale n'est donc pas obligée de prouver la mauvaise foi du fraudeur. Pour les autres, les juridictions pénales ne devront plus défendre sur une volonté de fraude probable. Quant au juge pénal, il se base sur un ensemble d'indices pour établir l'élément intentionnel du contrevenant en laissant de côté et le mobile et les excuses qui peuvent animer les actes de ce dernier. Parmi ces indices, on cite le caractère répétitif des manuvres prohibées, le professionnalisme du contrevenant, les opérations frauduleuses. A noter, par ailleurs, que les peines applicables au délit de fraude fiscale sont moins dissuasives en droit fiscal marocain quen droit français. Au Maroc, l'amende est, pour l'auteur principal, de 5.000 à 50.000 Dh et, en cas de récidive, on ajoute à l'amende l'emprisonnement de 1 à 3 mois. Et pour le complice selon les dispositions de l'article 1871 du code des impôts marocain, une amende égale à 100% du montant de l'impôt soustrait. En France, la volonté politique de réprimer la fraude fiscale est plus affichée, puisqu'il est prévu une amende de 37.500 euros et un emprisonnement de cinq ans selon les dispositions de l'article 1741 du code des impôts. La solution au problème de la fraude fiscale au Maroc serait de réformer le dispositif fiscal, à travers une responsabilisation des intervenants, et dadopter un système de contractualisation informelle pour que chacun sache ce qu'il doit à l'autre. L'Etat doit percevoir son impôt, mais que devra t-on exactement à l'Etat ou, que voudra-t-on de l'Etat en contrepartie ? Ceci favorisera la compréhension pour quelques uns du pourquoi de l'impôt et son utilité indirecte future. Une chose est cependant sûre : latténuation de la pression fiscale reste otage de la complexité de la fraude.