* Les mesures dissuasives nont que des effets limités sur le développement du phénomène. * La croissance dune offre bien adaptée à la population-cible et la facilitation des procédures restent les moyens les plus efficaces. Les autorités ont déclaré la guerre à lhabitat clandestin. Les mesures classiques de dissuasion nont pas abouti. La méthode directe, à savoir la démolition de logements ou locaux bâtis sans autorisation, est loption la plus efficace, même si elle reste entachée de plusieurs irrégularités. Mais encore faut-il préciser que ce ne sont que des solutions provisoires qui ne peuvent résoudre le fond du problème, en loccurrence labsence, ou du moins, linsuffisance dune offre adéquate pour la population ciblée. En outre, les lois et réglementations en matière durbanisme sont très capricieuses, ce qui décourage les petites bourses à choisir le circuit légal. Le Maroc manque cruellement de logements. Le déficit est énorme. Il faut construire plus de 200.000 logements par an pendant une durée de dix ans pour pourvoir atteindre un niveau déquilibre. Cependant, la politique du logement social a donné ses fruits. Elle a permis à une bonne partie de la population daccéder à un logement salubre. Même à 200.000 DH lunité, cette offre restait hors de portée de la plupart de la population ciblée. Ce segment dhabitat a été surtout investi par la population de la classe moyenne qui navait pas les moyens de soffrir des appartements de moyen ou de haut standing sous leffet du renchérissement des prix. Lhabitat clandestin sest beaucoup développé dans les zones périurbaines qui ne sont pas touchées par le schéma directeur. «Cest le facteur prix qui explique leur prolifération. Ce sont des constructions basiques avec des matériaux dentrée de gamme, sans plan ni équipement. Les prix démarrent à partir de 30.000 DH et peuvent atteindre 100.000 DH selon lemplacement et la superficie. Les lots peuvent être livrés en létat ou clé en main», a expliqué un conseiller de la commune de Médiouna. Certes, ces logements ne sont reliés à aucun réseau deau, délectricité ou dassainissement et sont aussi mal desservis en matière déquipements sociaux, comme les bains, les souks, les écoles ou les hôpitaux mais leurs prix sont très compétitifs comparativement avec les autres logements acquis par voie légale. Il faut reconnaître que les lois en vigueur rendent difficile, sinon impossible, laccès à un logement. Selon les lois de lurbanisme, notamment la loi 12-90, la loi 25-90 et la Charte communale, pour pouvoir construire dans un périmètre rural ou périurbain, il faut avoir au moins un hectare soit 10.000 m2 pour un logement ne dépassant pas les 200 m2. Dans un rayon de 30 km de Casablanca, un hectare coûte au minimum 1 million de DH. La prolifération de ce type de logement va continuer tant que persisteront les causes du phénomène. Des images aériennes ont montré que des quartiers, voire des patelins, poussent en un laps de temps record. La superficie de la zone habitée de Lahraouine a été multipliée par trois dans une durée ne dépassant pas les cinq ans. Ce business est très attractif au point que des lobbies se sont constitués. La stratégie de lEtat en matière durbanisme navait pas doption pour les logements dans les zones rurales et périurbaines. Ce nest que durant les trois dernières années que le département de tutelle, en collaboration avec celui de lIntérieur, a commencé à se pencher sur la question. Les différents lotissements agréés dans les campagnes sont davantage destinés à des résidences secondaires quaux ruraux. Leur prix ne répond aucunement aux besoins de cette population. La promotion immobilière a drainé beaucoup dinvestisseurs ces derniers temps, mais aucun promoteur na ciblé le milieu rural ou périurbain. Outre lhabitat clandestin dans les zones périphériques, ce type de logement connaît une croissance notoire au niveau des quartiers urbains. La construction à la verticale devient monnaie courante. «Cest une pratique qui touche surtout les quartiers populaires. Mais elle commence à concerner les zones résidentielles ou les villas», annonce une source de lAgence urbaine de Casablanca, avant dexpliquer que «le phénomène crée des risques énormes du fait que ces constructions ont une moyenne dâge de plus de 50 ans et que leurs gros uvres ne peuvent supporter le surplus de poids des constructions ajoutées». La lutte contre lhabitat clandestin ne peut se faire que par voie administrative ou judiciaire. Ce commerce est assez alléchant au point que les mafias du clandestin trouvent le moyen de contourner la vigilance des autorités. Pour les spécialistes de lurbanisme et de la promotion immobilière, notamment la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), la résolution de cette problématique est un programme densemble qui regroupe plusieurs départements. La facilitation des procédures est aussi une autre bataille à gagner. Le Code de lurbanisme, tant attendu, tarde à venir et les lois en vigueur savèrent dépassées. Les enquêtes ont montré que les élus locaux, notamment les présidents des communes, ont une grande part de responsabilité. Le projet dune brigade de lurbanisme na pas encore dépassé le stade de lexpérimentation. Mais le meilleur moyen darrêter lhémorragie de lhabitat clandestin reste le développement de loffre de logements. LEtat et la communauté ont tout à gagner et sur plusieurs plans : économique, social, sécuritaire et environnemental. Cest ce qui explique le niveau dextrémisme et de criminalité qui bat tous les records nationaux dans ces zones.