Si vous ne me voyez pas au-lendemain de la publication de cette chronique, cherchez-moi du côté de la BNPJ ! Le propos peut paraître risible, mais je suis sérieux. Il semble bien que le métier de journaliste soit à haut risque : on se rend au boulot en nétant pas très sûr de rentrer chez soi. Jugez-en ! Pour une photo princière qui na pas été publiée, Noureddine Miftah, directeur de publication de lhebdomadaire Al Ayam (et non moins secrétaire général de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux), et sa rédactrice en chef, Maria Moukrim, ont été interpellés et auditionnés par la Brigade nationale de la police judiciaire. Ce sont pas moins de 20 policiers qui ont été mobilisés pour cette «opération» avec des moyens techniques à rendre envieux James Bond. Nos confrères ont-ils commis un délit de presse ? A lévidence non. Raison pour laquelle la FMEJ est sortie de sa réserve pour «condamner le traitement abusif, intimidant et humiliant» dont ils ont été victimes (lire communiqué page 7). Tout en refusant la démission de Noureddine Miftah de la Fédération. Voilà pour les faits. Des faits qui renvoient inévitablement aux notions dEtat de droit et de liberté de presse. Sil est admis que liberté de presse ne veut point dire libertinage, il ne faut pas pour autant que le pouvoir en place se livre à un exercice délibéré de privation de liberté dexpression. Aussi, est-il bon de se demander si le fait, pour une publication, de détenir une photo princière est en soi un délit de presse. Au regard de cette réaction disproportionnée, il semble quon doive répondre par laffirmative (heureusement quil ne la pas publiée alors !). Dès lors, sopposent à nos plumes braillardes ces notions privatives que sont «lignes rouges», «sacré», «constantes de la Nation» que daucuns sapproprient selon leur humeur du jour et leur intérêt. Ces frontières, que nul confrère ne peut prétendre, actuellement, cerner avec certitude, sous-entendent expressément que la liberté dexpression saccorde au Maroc. Et ce que lon accorde, on peut légitimement le retirer : nous sommes pour ainsi dire en liberté conditionnelle. Pourtant, et il semble utile de le rappeler, les principes de la démocratie, qui se mesurent à l'une de la liberté de la presse (sans pour autant que cette dernière ne s'autorise des dérives), ne peuvent cohabiter avec une sphère médiatique assujettie aux miasmes du journalisme cosmétique, porteur de commentaires de complaisance, de dithyrambes de circonstance et de mensonge à travers lomission au détriment de lanalyse factuelle. Quel rôle serions-nous alors appelés à jouer dans la construction du Maroc moderne ? Dans ce cas de figure, et il est malheureux de laffirmer, aucun. Incontestablement, ce à quoi ont dû faire face nos confrères dAl Ayam est en profonde rupture avec le projet sociétal que le Maroc sévertue à mettre en marche. Souvenez-vous !, si vous ne me voyez pas