Président de la Comader (Confédération marocaine de lagriculture et du développement rural) et cofondateur de plusieurs associations et coopératives, Ahmed Ouayach est un homme très engagé et très discret aussi. Son confort, il le trouve auprès des petits agriculteurs souffrant de sécheresse, de dettes Né en 1952, Ahmed Ouayach fréquente lécole primaire dans un patelin enclavé dans la province d'Azilal. Issu dune grande famille paysanne, Ahmed Ouayach comprend rapidement que dans la vie, la rigueur est de mise. En 1970, il décroche un Bac en sciences expérimentales et décide d'intégrer l'Ecole Nationale d'Agriculture de Meknès. Entre temps, le jeune homme est pris de passion pour le foot et sinscrit au Raja de Béni Mellal. Il était d'ailleurs à deux doigts d'y faire carrière, mais l'appel de la terre le mena à Meknès où, pendant quatre ans, il apprend l'ingénierie agronomique. Durant son cursus, il est élu Président du Syndicat des Etudiants Agronomes, à une époque où les temps étaient durs pour ce genre de mouvement ; mais n'empêche qu'Ahmed Ouayach a appris beaucoup de choses, notamment le militantisme pour les causes auxquelles on croit. En 1974, une fois diplômé, il veut tester la théorie dans la pratique. Il en aura absolument l'occasion puisqu'il est affecté au Nord, une région qui n'avait à l'époque aucun plan agricole. «C'était une expérience formidable et tellement riche sur le plan professionnel. Il fallait introduire un plan de mise en valeur intensif et ambitieux : remembrement, irrigation, distribution des terres, introduction de nouvelles cultures dans la région comme les betteraves ou la canne à sucre, agro-industrie et regrouper les producteurs en coopératives. Dès lors, il choppera ce virus qu'est la participation à la création de choses nouvelles, de projets comme monter des coopératives, des associations Pour suivre le conseil de son père, Ahmed Ouayach voulait multiplier ses galons dans la vie, ses galons n'étant autres que ses diplômes. «On peut assimiler les diplômes à des passe-droits pour accéder à la prise de parole». Autant dire que l'homme est connu pour être accessible mais il évite de parler de lui. «Je ne fais pas ce travail pour la gloire. D'ailleurs, je l'ai toujours dit : pour être efficace, il ne faut pas utiliser sa mission comme un tremplin pour une carrière politique ou administrative. Chacun a ses affinités politiques quil garde pour lui». Ingénieur agronome, avec une expérience professionnelle réussie de trois ans, Ahmed Ouayach pouvait se contenter de ce qu'il avait, mais il voulait creuser plus, apprendre plus son métier, c'est pourquoi il s'était inscrit dans un troisième cycle à l'Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan II pour un diplôme jumelé avec l'Institut National Agronomique Paris-Grignon. «Quand j'ai décidé de revenir sur les bancs, beaucoup me prenaient pour un fou». D'autres études il en fera, poussé par sa soif d'apprendre. Un bagage dont il use encore aujourd'hui des bienfaits car comme il le dit, l'agriculture est un panier à crabes dont personne n'a voulu. Mais de bonnes volontés ont permis de créer la Comader. «Elle réunit les petits et les grands dans une parfaite cohésion sociale ; d'ailleurs notre expérience étonne dans d'autres pays qui n'arrivent pas à réunir tous les professionnels sous un même toit». Pour sa part, Ahmed ne faillit pas à sa réputation d'homme tenace jouissant de la confiance de ses compères. Son franc-parler, lui vaut également le respect et la confiance de la profession. «Quand des gens viennent vous saluer de manière spontanée, quand on règle les problèmes des petits agriculteurs, cest là le meilleur salaire, celui-là même qui nous pousse à nous impliquer davantage». Toujours partant, il adhère à toutes les initiatives pouvant porter plus haut le secteur, notamment le Plan vert. «Je suis optimiste quant à la réussite de ce plan puisquil y a la volonté royale derrière et Akhenouch qui pilote ce plan est une personne très volontaire. Moi, je crois que nous avons une épée de Damoclès suspendue au dessus de nos têtes et quil ny a pas de temps à perdre en des discussions stériles. Et de toute façon, ce plan sétale sur 15 ans et préconise des rendez-vous annuels dévaluation et dadaptation de ce programme». Ahmed Ouayach sait de quoi il parle. Cest aussi un agriculteur de pure souche. Il gère quelques centaines dhectares directement ou sous contrat, dédiés surtout à la production de semences des grandes cultures (céréales, fourrages, cultures industrielles). Cette production sinscrit dans un vaste programme smectique qui sest caractérisé par la construction dune importante unité industrielle de semences dans la région de Berrechid. Trois autres unités sont en projet. Ses connaissances à linternational lui ont permis dintroduire des variétés de céréales parfaitement adaptées au climat du Maroc Lengagement est affaire de mentalité chez Ahmed Ouayach. Dailleurs, cet engagement ne concerne pas que le secteur agricole mais également lhumanitaire et le social. Mais lhomme veut rester discret. «De toute façon, je ne fais pas ça pour communiquer, ni faire ma pub». Il reconnaît néanmoins que rien de tout cela naurait été possible sans lappui de sa femme. Père de deux enfants, il se dit parfois vieux jeu. «Jai été élevé par un père militaire, dans la rigueur ; alors, au début jétais un peu sévère avec mes enfants, mais il faut savoir sadapter à lactualité, comme le disait un collègue : il faut sadapter à la topographie des évènements. On ne façonne pas la nature !». Pour compenser, la famille, samedi, dimanche et les vacances sont sacrés ! Une famille avec laquelle il partage des plaisirs simples comme lalpinisme ou la lecture. Et il apprécie énormément les livres dhistoire mais aussi ceux en relation avec lagriculture et ses problématiques dans le monde, et notamment la question alimentaire et leau. «Jai eu beaucoup de chance dans ma vie dont le fil conducteur était la lutte contre linjustice. Et je suis heureux que lEtat prenne conscience du monde rural. Je sais où je vais, et je planifie toute action à mener pour améliorer le secteur. En fait, ma vie est un rêve duquel je ne voudrais pas me réveiller».