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Mauritanie : Le désert et les 40 contrôles
Publié dans Finances news le 13 - 12 - 2013

Le climat en Mauritanie est aride. Mais ce qui nous a le plus marqué, c'est le laxisme de la population locale, la fermeté des autorités et le manque criant d'infrastructures. La campagne électorale touchait à son terme, lors de notre passage : 74 partis se disputaient la scène politique.
Nous traversons le fleuve Sénégal en quelques minutes. A peine arrivés du côté Mauritanien, un militaire court à notre rencontre et demande le passeport du journaliste marocain, alors que la pirogue n'a même pas accosté. Il le prend par le bras et le fait descendre violemment de la pirogue sans rien dire. Il se retourne alors vers ses collègues, leur montre le passeport vert de loin et pousse le journaliste vers eux tel un chasseur fier de son gibier. Les militaires ont les yeux rivés sur le passeport. Ils encerclent le journaliste et le tirent par la main dans une chambrette sur le quai. En claquant la porte violemment, ils lui demandent de mettre son sac à dos sur une table, de l'ouvrir puis de s'asseoir. Commence alors l'interrogatoire. «Quel est l'objet de ta visite ?» «Je suis en vacances et je veux découvrir le pays». «Que fais-tu dans la vie ?» «Je suis employé au Maroc». «Vas-tu rendre visite à quelqu'un ici ?» «Non, je vais juste traverser le pays pour rentrer chez moi». L'interrogatoire s'arrête là ; les militaires vont dans l'autre coin de la salle et discutent d'autres choses. Leur dialecte est difficile à comprendre, mais vu leur manière de parler, ce n'est pas au sujet du journaliste.
Ce dernier est ensuite prié de quitter la salle. En sortant, il essaye de récupérer son sac. «Non ! Laisse-le !», crie un militaire. Le journaliste va donc laisser son sac entre les mains «bienveillantes» de son comité d'accueil. Quelques minutes plus tard, on lui demande de revenir dans la salle, la porte est à nouveau fermée violemment. Tout est fait pour déstabiliser l'étranger, ou plutôt «l'étrange visiteur», car les Marocains qui font la traversée sont généralement dans leurs voitures ou dans des camionnettes. A nouveau, il aura droit à la même série de questions, dans l'ordre ! Mais il a l'air convaincant. On lui demande alors de reprendre son sac et de partir. Il range ses affaires puis quitte la salle avec un militaire qui détient toujours son passeport et qui le tient toujours aussi fermement du bras. Dehors, il lui demande 1.000 Ouguiyas (environ 30 DH), avant de tamponner son passeport. Ce pécule atterrit dans la poche du militaire bien évidemment.
Après cet accueil des plus musclés, nous commençons à comprendre les avertissements de nos compagnons de route et nous nous demandons ce qui va suivre. Qu'est-ce qui motivait une telle indélicatesse dans leur approche ? Difficile d'y répondre. Plus de trois heures de tracasseries (vérification des papiers, reçu de devises, racket) ont été nécessaires pour que nous puissions enfin sortir du poste contrôle mauritanien pour rallier la capitale Nouakchott, située à 205 km plus au Nord. Il était 11h 30 quand nous montions à bord d'un taxi (Mercedes 190) qui, au passage, était en parfait état. Ce qui contrastait radicalement avec l'état de la route, plutôt choquant. Elle était délabrée et émaillée par des nids-de-poule. Les taximen ont l'habitude de conduire au milieu de la route pour éviter les crevaisons au contact de la chaussée accidentée. En plus, les gens roulent vite, très vite même, sans doute grâce à la bonne visibilité qu'ils peuvent avoir sur la route.
Le paysage est facilement descriptible : du désert entrecoupé de villages fantômes. Le conducteur nous a raconté que l'Etat construit ces villages avec écoles et dispensaires, mais les populations préfèrent vivre sous leurs tentes. Nous parler n'empêchait pas le chauffeur de rouler pied au plancher. Le danger était omniprésent. Il faut éviter les nombreux pièges qui parsemaient cette route exigüe, tout en accordant une importance particulière aux poids lourds qui venaient en sens inverse. L'autre élément frappant sur ce tronçon était le nombre de barrages policiers. Pas moins de dix-sept sur une distance de 205 km. La Mauritanie est certes en proie à des actes terroristes, mais cela justifie-t-il cette présence policière à outrance ? L'autre paramètre phare pendant le trajet était qu'il fallait savoir tenir son mal en patience. Pour chaque poste de police, notre transporteur était dans l'obligation de faire la collecte des passeports, descendre de la voiture, avant de les présenter dans les différents bureaux de police se trouvant sur le trajet en direction de Nouakchott. En prime, nous nous faisions dévisager avec une haine palpable. L'inconnu provoque automatiquement le mépris des policiers. Il est clair que l'absence d'un système de sécurité informatisé mis en réseau sur cet axe est à l'origine de ces moult contrôles exaspérants.
La providence nous a aussi épargné la mort à deux reprises. D'abord, notre véhicule a évité in extremis un cratère béant, avant d'être à deux doigts de renverser un troupeau d'ânes à 130 km/h. Dans cet environnement hostile où le désert règne en maître, la «Baraka» est notre unique espoir pour arriver à bon port. En cours de chemin, le chauffeur s'arrête et nous ordonne de descendre de la voiture. On fait semblant de ne pas l'entendre. Il nous fixe des yeux et répète sa requête. On lui demande pourquoi, alors il descend et fait le tour de la voiture en venant vers nous. Nous descendons à ce moment-là car nous risquons de le voir partir, et nous planter au beau milieu de nulle part. Il nous demande alors de lui payer une somme additionnelle à celle convenue. On renégocie au milieu de ce coin perdu et nous regagnons nos places.
Nouakchott : La douche froide
Après 3 heures de route et bientôt 24 heures sans fermer l'œil, nous arrivons à la capitale Nouakchott. Il faut dire que notre déception était grande, car la ville était tout aussi dénuée de charme que les paysages arides que nous avons traversés. Du moins, ce que l'on avait vu. On y remarque une absence de plan urbain structuré et des avenues non asphaltées. Sans oublier que la ville ne dispose pas d'infrastructures d'assainissement... La liste est loin d'être terminée. Et pourtant, notre chauffeur mauritanien qui est un globe-trotteur chevronné nous avait bien prévenu. «Attention, Nouakchott se réduit à un grand village pour un Dakarois ou un Casablancais». A peine arrivés dans la capitale que nous avions foncé vers la gare routière afin de trouver un moyen pour continuer en direction de la frontière marocaine située à 480 km plus au Nord. A 18 heures, après avoir payé 18.000 Ouguiyas, l'équivalent de 500 DH par personne, nous prenons la route à bord d'un véhicule particulier non autorisé à transporter des personnes, en compagnie de deux autres passagers. Il s'agissait d'un quinquagénaire marocain (commerçant) qu'on avait fini par lui donner le surnom de «Hajj» et d'un jeune Sénégalais prénommé Driss, vendeur de voitures. Driss fait régulièrement ce voyage. Il part jusqu'à Tanger où l'attendent de vieilles voitures venues d'Europe qu'il conduit avec ses amis jusqu'en Guinée pour les revendre. Pour Driss, «c'est toujours un cauchemar de faire cette route».
Nous sommes tous fatigués, mais la route est encore longue pour quitter la Mauritanie. Le stress de la matinée retombe, mais il est remplacé par la faim et le froid. Cette fois, le conducteur était marocain, mais très proche des Mauritaniens, au regard de son look et de sa manière de parler. Son prénom est composé et difficile à retenir. Nous décidons de lui affubler le sobriquet de «Chauffeur» pour des raisons de commodité. Pour lui, le facteur temps est dénué de tout sens comme pour beaucoup de gens en Mauritanie qui passent le plus clair de la journée allongés par terre à boire du thé. Lui aussi s'arrêtait par moments pour prendre son remontant fétiche. Ce qui était un rituel avec lequel il ne transigeait guère. Et toute cette nonchalance était au détriment de notre impatience d'arriver à la frontière marocaine. Les contrôles de la police mauritanienne ne faiblissaient guère et il était inutile de ranger nos titres de voyage, car «Chauffeur» les réclamait à chaque barrage. Ce qui horripile au départ devient tout à fait normal, car l'on finit par s'y accoutumer.
Après 5h de route, «Chauffeur» nous a signalé que nous étions à 100 km de la frontière et qu'il était préférable de trouver un endroit pour passer la nuit à cause du froid. Quelque temps plus tard, il était presque minuit, nous arrivons près d'un abri de fortune. Une sorte de maisonnette sans porte avec de petits matelas sales et puant d'une épaisseur de quelques centimètres. Une autre nuit blanche se profilait, mais cette fois-ci, il fallait aussi résister au froid qui devenait notre principale source d'inquiétude. Dans ces zones désertiques, à ce moment de l'année, les températures se rapprochent de zéro la nuit et jusqu'au petit matin.
En attendant de dormir, nous prenions place sur un tapis usé jusqu'aux dernières fibres en nous appuyant sur de maigres oreillers truffés de sable et qui constituaient l'unique ameublement de fortune. Pour autant, ce décor peu reluisant n'altérait en rien notre désir de passer la nuit sous un toit. La précédente nuit, passée sans fermer l'œil et sans alimentation suffisante, commençait visiblement à avoir raison de nous. A peine installés, un profil se dégageait dans l'obscurité pour venir à notre rencontre. Même s'il y avait deux lampes alimentées par de vieilles batteries de voiture, il était impossible de voir son visage. L'intensité de la lumière, quoique électrique, était moindre que celle d'une bougie. Un homme d'une trentaine d'années, s'apparentant au gérant des lieux - un lieu qu'il a choisi d'appeler auberge - nous suggéra de manger des pâtes (spaghetti) et de la viande. Ce menu qui n'a rien d'extraordinaire avait suscité beaucoup d'enthousiasme dans notre pièce, car cela faisait bien longtemps que nous n'avions pas mangé un vrai repas digne de ce nom. La commande passée, le jeune homme, qui assurait la gérance de l'auberge, cumulait aussi les fonctions de cuisinier et de gardien. Quelle polyvalence ! Mais dans ces coins perdus dénués de toute civilisation, où le premier dispensaire se situe à des centaines de kilomètres, la débrouillardise est de rigueur. Il faut savoir tout faire pour survivre. Une quinzaine de minutes après, notre cuisinier nous avait amené les plats de viande et de pâtes. Comme assortiment, nous avions eu droit à une carafe d'eau et de sel qui faisait office de sauce. Quant à la viande, elle avait l'allure d'une carcasse de dos d'âne bouilli. Son goût et sa texture étaient indescriptibles. Nous avions tout de même fini par tout avaler. Dans ces conditions de voyage exécrables, où les nerfs sont à vif, il ne fallait surtout pas montrer des signes de faiblesse au chauffeur. La règle est de se conformer à la masse et de faire comme tout le monde. Après l'épisode du dîner, vient celui du thé qui est l'une des rares choses bien faites dans cette contrée. Il était près d'une heure et demi du matin quand tout le monde s'affairait pour dormir. «Chauffeur» et «Hajj» avaient regagné la voiture pour prendre leurs couvertures. Rompus à ce périple, ils étaient bien lotis pour braver un froid insupportable. En revanche nous, nous étions très mal préparés à cette chute vertigineuse de température, car vêtus de légers pulls. Erreur de néophyte ! La nuit fut longue et était pareille à celle passée à la belle étoile du fait que notre local était dépourvu de porte. Tout le vent glacial du désert le parcourait...
Après une nuit chaotique, notre voiture quittait l'auberge. On était mercredi. Il était juste 7 heures du matin. En route, les barrages des forces de l'ordre mauritaniennes se succèdent et se ressemblent. «Chauffeur», tel un agent de sécurité, continuait son travail répétitif, celui de collecter les titres de voyage (passeport, carnet de vaccination, bulletin de devises, fiche d'entrée) pour les remettre à la police. A 11h30, nous étions enfin arrivés au dernier poste frontière mauritanien, situé à 3 km de la frontière marocaine. Celui-ci avait pour principale mission de délivrer le précieux sésame qui est l'autorisation de sortie du territoire mauritanien pour regagner la frontière marocaine. «Chauffeur» s'était de nouveau emparé de nos papiers pour les présenter aux policier. Pendant ce temps, nous l'attendions avec un certain enthousiasme pour regagner le Maroc. Un quart d'heure plus tard, il fit irruption, nous exhortant de regagner le QG des gardes-frontières mauritaniens. Nous étions stationnés à une dizaine de mètres. En chemin, «Chauffeur» disait à tout le monde que les Marocains ne rencontreraient pas de difficultés majeures pour regagner leur pays. En revanche, il se tourna vers les Sénégalais pour leur lancer : «Vous allez devoir payer 3.500 Ouguiyas, l'équivalent de 100 DH». Une telle injustice vous laisse de marbre surtout quand vous êtes cartésiens, essayant de trouver une logique à toutes les situations. Pourquoi un Sénégalais ayant tous ses papiers en règle au même titre qu'un Marocain devrait payer pour franchir une frontière qui légalement n'exige aucune contrepartie financière ? S'attroupant devant le bureau des responsables chargés du contrôle des papiers et de la délivrance de l'autorisation de sortie, chacun d'entre nous trépidait à l'idée de récupérer son passeport avec une mention symbolisant l'autorisation de sortie du territoire mauritanien. Comme le présageait si bien «Chauffeur», les Marocains étaient les premiers qui s'étaient vu remettre l'autorisation de sortie. Peu de temps après, c'est au tour des Sénégalais qui devaient entrer dans le bureau des contrôles. «Après l'appel, je suis entré dans le local qui, à mes yeux, était l'endroit de tous les dangers, puisque l'absence de normes et de critères objectifs pour refuser ou délivrer le cachet de sortie était justement la règle. Une fois dans le QG, je me suis vite aperçu de l'existence d'un ordinateur de bureau. Ce qui était exceptionnel à mes yeux, du fait qu'ayant traversé la Mauritanie du Sud au Nord avec des postes de contrôle à n'en plus finir, je tombais enfin sur un ordinateur. Après avoir vérifié la conformité de mes papiers, scanné mon passeport avant de le cacheter (autorisation de sortie), le policier me demanda, sur un ton martial, de lui donner 100 DH (3.500 Ouguiyas). Je lui rétorquai que je ne les avais pas sur moi et que je devais sortir du bureau pour aller les chercher. A mon retour, je voyais que celui-ci m'attendait de pied ferme. Muni de mon passeport, il se tenait devant son bureau avec ses collègues. A peine rentré dans le local, je lui tendis 100 DH qu'il avait immédiatement pris pour les ranger dans un tiroir qui faisait office de coffre-fort. On se croirait dans une Banque centrale, or on était bel et bien dans un poste de police. Une quantité impressionnante de billets (toutes devises confondues) remplissait ce tiroir qui était censé contenir des documents officiels. Il n'était qu'onze heures du matin et la recette qui provenait du racket des pauvres voyageurs à destination du Maroc ou d'Europe était déjà substantielle. «Par contre, il était improbable pour nous d'évaluer cette quantité d'argent. Le policier s'était aussitôt empressé de refermer son coffre-fort», explique notre journaliste sénégalais à la sortie du poste.
Cela dit, la quantité astronomique de ce butin en fin de journée ne faisait aucun doute, en raison de l'important flux de voyageurs sénégalais ou autres (maliens, guinéens, ivoiriens, etc.) qui seront déplumés à leur tour. De nouveau en possession de l'intégralité de nos papiers, nous sortons du territoire mauritanien. Direction, le No man's land...
Le no man's land
Les trois kilomètres nous séparant de la frontière marocaine symbolisaient pour nous une délivrance. Franchir cette distance de tous les dangers est un chemin de croix. Dépourvu d'asphalte, ce chemin reste sablonneux par endroits et rocailleux par moments. Une atmosphère foncièrement anxiogène était perceptible dans la voiture. «Chauffeur», comme à son habitude, tentait de divertir ses passagers en débitant ses blagues. Notre hantise était aiguisée par le craquement des pneus au contact des gros blocs de pierre. Aucun des deux pays, en l'occurrence le Maroc et la Mauritanie, n'exerce sa souveraineté sur ces 3 km. Un mythe tourne autour. Certains disent que les bords de la route sont minés. D'autres parlent de cadavres ensablés sur ces mêmes bords. Des informations difficiles à vérifier. Quoi qu'il en soit, au fur et à mesure que nous avançons dans cette route, l'excitation monte en voyant flotter le drapeau rouge à l'étoile verte au loin. Driss est content, il sourit. Sur cette même route de non-droit, des voyageurs (hommes, femmes et enfants) ayant pour bagage un maigre sac à dos, s'aventurent allégrement à pied. Qu'est-ce qui les poussent à prendre de tels risques ? S'agit-il d'une témérité irréfléchie? N'ont-ils rien à perdre ? N'ont-ils pas assez de pécules pour traverser à bord d'un véhicule ? Autant de questionnements qui nous taraudaient l'esprit. Mais il était impossible de leur poser toutes ces questions. C'était peine perdue de demander à «Chauffeur» de s'arrêter dans un milieu aussi périlleux. Il ne l'aurait jamais accepté de toute façon. En tout état de cause, une chose reste certaine : le désespoir peut conduire à commettre des actes inconsidérés, à l'image de ceux qui désirent immigrer vaille que vaille. A côté de ceux qui empruntent dans les barques de fortune bravant, au péril de leur vie, une mer plus que démontée pour regagner les côtes espagnoles, ou des Mexicains qui empruntent le «train de la mort» pour fouler le territoire américain, ces marcheurs du «no man's land» sont des nains. Mais ne sont-ils pas les mêmes qui, une fois sur le territoire marocain, rejoignent Tanger pour y emprunter ces fameuses barques connues de tous ? Nous n'aurons pas assez de temps pour mettre de
l'ordre dans cet enchaînement de questionnements que nous assénait ce décor plutôt macabre où l'être humain est réduit à l'anonymat.


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