La publication du rapport de l'indice mondial de l'innovation de 2013, ressuscite le débat séculaire sur le niveau du développement technologique du pays. Cela a aussi conduit à une réflexion approfondie sur les voies à emprunter pour faire figurer le Royaume sur la cartographie mondiale de l'innovation. L'impératif de la compétitivité, afin d'assainir les comptes extérieurs, a définitivement remis en selle le triptyque : innovation, recherche et développement (R&D) sur le devant de la scène nationale. Cet engouement est corroboré par la tenue des 1ères Assises nationales de la R&D, en septembre dernier à Skhirat. Moins d'un mois après ces assises, Abdelkader Amara, ministre de l'Industrie, du Commerce et des Nouvelles technologies a présidé, récemment à Casablanca, une conférence portant sur les outils de mesure de l'innovation dans le cadre de la présentation de l'indice mondial de l'innovation, plus connu sous l'anglicisme «Global Innovation Index» (GII). Sacha Wunsch-Vincent, rédacteur du GII a d'emblée rappelé que le Maroc occupait la 92ème place sur 142, d'après le rapport de l'indice mondial de l'innovation de 2013. Toutefois, il estime que ce classement est à relativiser en raison de la pléthore d'indicateurs pris en compte (84). De plus, les critères de classement varient constamment, avec parfois des données jugées vétustes pouvant accuser près de deux ans de retard. Nonobstant ces imperfections, le rapport met en évidence une corrélation avérée entre le niveau d'innovation et de recherche des pays et leur développement économique. C'est dans ce sillage que le pays s'est doté d'un ambitieux programme incarné par «Maroc innovation». Celui-ci est la feuille de route pour ancrer le Maroc sur la voie des pays producteurs de haute technologie. Ce programme dédié à l'innovation a d'ores et déjà posé les jalons d'un cadre législatif national en matière de propriété intellectuelle (projet de loi) et ce, dans l'optique d'accroître les brevets d'invention au Maroc. En revanche, Omar Fassi-Fihri, secrétaire perpétuel de l'Académie Hassan II des sciences et techniques a mis l'index sur certaines défaillances chroniques, lesquelles inhibent tout essor technologique. Des progrès noyés par des carences La conférence présidée par le ministre de tutelle pourrait aussi être appréhendée comme une grande célébration de la créativité, du fait que celle-ci était l'occasion de primer les lauréats de la 8ème édition de l'innovation. Cela dit, Amara a en partie focalisé son intervention sur les avancées du pays en matière de recherche et d'innovation. C'est ainsi qu'il a rappelé que le fonds de soutien à l'innovation, pourvu de 50 Mds de DH, a jusqu'à présent bénéficié à 50 projets d'innovation. A cela, s'ajoutent la labellisation des clusters appartenant à six secteurs et l'ambitieux objectif d'atteindre 1.000 brevets d'invention en 2015. Mais c'est sans doute l'annonce de l'augmentation de 40% des demandes de brevet d'origine marocaine qui semblait le plus retenir l'attention de l'auditoire. Par contre, Omar Fassi-Fihri, était moins laudatif sur ces progrès. En s'appuyant sur le dernier rapport sur l'état de la science au Maroc (2012), il a mis en évidence certaines faiblesses susceptibles d'annihiler les ambitions du pays en matière de recherche scientifique. Ainsi, la part du PIB consacrée à la R&D n'est que de 0,73% avec une très faible participation du privé à ces dépenses (0,2%). En 2010, 760 doctorats ont été soutenus à l'échelle nationale, ce qui reste faible par rapport au nombre de doctorants inscrits. Le classement mondial concernant la science place le Maroc en 58ème position, tandis que la Tunisie occupe la 55ème place. A cela s'ajoute le faible nombre d'ingénieurs (10.700 sur l'ensemble du territoire). Cela représente 6,73 ingénieurs pour 10.000/hbts contre 8,73 en Tunisie et 540 au Japon. Ces quelques données témoignent clairement des contraintes pesant sur la révolution scientifique à opérer dans le pays. Par ailleurs, Jean Guinet, directeur du Laboratoire de recherche pour les études en sciences et technologie de Moscou, a estimé pour sa part, que le Maroc doit saisir les opportunités d'apprentissages technologiques que lui offre la mondialisation. Aujourd'hui, eu égard à la crise, les firmes internationales par l'entremise de l'externalisation (transfert de technologie), tentent d'accroître leur productivité, ce qui est une opportunité historique pour le Royaume. Du reste, Jean Guinet est persuadé que le Maroc ne doit pas uniquement se contenter d'un transfert de technologie, au contraire il doit s'ériger en producteur en la matière. Vers la révolution technologique Omar Fassi-Fihri, suggère que, dans l'optique d'opérer une révolution technologique qui permettra la réussite des différents plans sectoriels, il faudrait remplir trois conditions sine qua non. Tout d'abord, il est nécessaire de dynamiser le domaine de la recherche, ce qui passe par une coordination plus harmonieuse du secteur. Ensuite, certaines politiques publiques doivent être ficelées de sorte à développer la culture de la science. A ce titre, le concours national de l'innovation est une initiative exemplaire. Et enfin, le développement d'une politique linguistique est indispensable pour une meilleure maîtrise de la science. Pour sa part, Jean Guinet a martelé que le Maroc doit jouer un rôle stratégique dans la gestion de ses talents et incubateurs d'idées. Et pour cause, les multinationales livrent une concurrence féroce aux pays émergents pour s'adjuger les faveurs de leurs matières grises. La conséquence de cela est une fuite massive des cerveaux. D'où l'intérêt, pour le pays d'être plus réactif à cette problématique. L'autre élément, pouvant placer le Royaume dans la cartographie mondiale de l'innovation, est la diversification des collaborations en matière de recherche scientifique (USA, Asie, UE, etc.).