«Plus de 1.000 entreprises nationales ont bénéficié des différents services du CMPP. Le centre est en phase de développer une nouvelle vision stratégique pour son développement afin de devenir un outil plus pratique. Hanan Hanzaz, Directeur Général du Centre marocain de production propre (CMPP); revient sur les réalisations du Centre, ainsi que sur les objectifs pour amener les entreprises à produire plus propre. Finances News Hebdo : Tout d'abord, pouvez-vous nous parler de la création et du rôle du Centre marocain de production propre ? Hanan Hanzaz : En application des recommandations et programmes adoptés à Rio de Janeiro en 1992 par la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, l'Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (ONUDI) et le Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) ont lancé un programme conjoint baptisé «Programme sur la Production Plus Propre». Ainsi, le Maroc a préparé la Déclaration nationale pour une production plus propre, laquelle a été signée le 12 novembre 1999 par le ministère de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat, le Secrétariat d'Etat à l'environnement et la CGEM. Afin d'appuyer l'application des différents engagements prévus dans le cadre de cette déclaration, le CMPP a été créé en 2000, en tant qu'association à but non lucratif dont le siège est situé à la CGEM. Ainsi, le CMPP était le 16éme centre à adhérer au «Réseau international des centres nationaux de production plus propre», mis en place par l'ONUDI et le PNUE, regroupant aujourd'hui plus de 54 centres dans les pays en voie de développement. Le rôle du CMPP est d'assister les industriels nationaux afin de mettre en place des mesures préventives, en adoptant la production plus propre, l'utilisation rationnelle des ressources et l'introduction des technologies respectueuse de l'environnement. F. N. H. : Quel est le fruit du travail du CMPP depuis sa création en 2000 ? H. H. : Le CMPP a contribué significativement à la diffusion du concept de la production propre au niveau des entreprises industrielles nationales à travers la sensibilisation, la formation, la diffusion de l'information, le conseil et l'accompagnement techniques. Ainsi, le CMPP a pu se positionner en tant qu'interlocuteur privilégié des industries nationales en matière de production plus propre, d'économie de ressources et de transfert des technologies respectueuses de l'environnement. Grâce à sa présence dans le réseau international des centres nationaux de production plus propre, le centre a élargi son champ d'intervention de manière à offrir aux industriels de nouveaux services en rapport avec le développement durable notamment : la gestion et la valorisation des déchets industriels, le transfert de technologies écologiquement rationnelles, le montage financier des projets de production propre, la mise en place des systèmes de management environnementaux (ISO 14 0001) et énergétiques (ISO 50 001), le calcul de l'empreinte carbone, l'écoconception, la gestion écologique des produits chimiques... Ainsi, plus de 1.000 entreprises nationales ont bénéficié des différents services du CMPP. A fin 2012, les résultats suivants ont été enregistrés : 65 ateliers techniques, séminaires et tables rondes ont été organisés au profit de 3.900 participants ; Organisation de plus de 200 sessions de formation au profit de 3.000 participants ; Assistance technique à plus de 300 entreprises industrielles pour la réalisation des diagnostics et études en lien avec la production plus propre ; Réalisation d'une dizaine d'études spécifiques sur des thématiques liées au développement durable ; Signature d'une vingtaine d'accords de partenariat avec des institutions nationales et internationales. F. N. H. : Le CMPP a été financé à ses débuts par la Suisse. Qu'en est-il actuellement ? H. H. : Effectivement, la création et le fonctionnement du Centre durant ses 9 premières années de fonctionnement (2000-2009) ont bénéficié d'une assistance technique de l'ONUDI et d'un appui financier du Gouvernent suisse, à travers le Secrétariat d'Etat aux Affaires économiques pour un montant d'environ 2 millions de dollars. Mais, à partir de 2006, le CMPP a commencé à exécuter des projets pour le compte de partenaires nationaux et internationaux et à offrir des services «payants» aux entreprises nationales. Ainsi, en 2010, le centre a pu atteindre son autonomie financière vis-à-vis de la coopération suisse grâce, d'une part, aux revenus générés par ses activités et, d'autre part, à l'appui de la CGEM. Actuellement, le CMPP prépare, en concertation avec ses partenaires nationaux, une nouvelle vision stratégique de développement. Cette vision va permettre au centre de répondre aux besoins des entreprises leur permettant ainsi d'accroître leur compétitivité et de les préparer à intégrer un marché où la qualité et le respect de l'environnement sont de mise. F. N. H. : Vous êtes en relation directe avec les entreprises, notamment les PME. Quels sont les obstacles majeurs auxquels font face ces structures pour se mettre à niveau et produire plus propre ? H. H. : Avant de parler du contexte national, au niveau international et plus particulièrement dans les pays européens, ce qui pousse les entreprises à produire d'une façon plus propre et faire appel à des services liés à l'environnement, c'est la réglementation. Au Maroc, nous avons une réglementation qui a relativement tardé et qui se met en place doucement. Ce qui est tout à fait normal, puisque ce n'est pas évident de mettre en place tout en même temps car il faut penser à l'impact que cela peut avoir au niveau de l'entreprise. Sachant que parfois le calcul de l'impact économique n'est pas rentable (mise en place des ouvrages de dépollution par exemple) surtout pour les PME et les TPE. Le CMPP a principalement travaillé avec des entreprises volontaires qui cherchent à faire des économies et en même temps réduire l'impact sur l'environnement. L'augmentation du prix de l'énergie a également fait que les industriels s'intéressent davantage à l'efficacité énergétique. Idem pour l'économie d'eau notamment pour les industriels qui utilisent beaucoup cette denrée, comme dans l'agroalimentaire. Pour ce qui est des déchets, ils peuvent devenir une opportunité. En gros, aujourd'hui au niveau national, les entreprises s'intéressent vraiment à des actions qui sont traduites par un impact économique tandis que les entreprises exportatrices, c'est plutôt la pression du marché international qui les poussent à se mettre aux standards internationaux, notamment en matière de certification ISO 14001 et de ISO 50001. F. N. H. : Le rôle du CMPP, comme vous l'avez évoqué, c'est d'aider les entreprises à trouver des financements. La crise financière internationale a-t-elle impacté les subventions accordées par les bailleurs de fonds ? H. H. : Ce qui s'est passé avec la crise financière, c'est plutôt une réorientation des objectifs de la coopération en matière d'aide au pays, mais aussi une réduction des budgets alloués. Heureusement, l'aspect du développement durable est toujours présent mais avec plus de critères d'éligibilité. F. N. H. : Combien de sociétés marocaines ont bénéficié de l'aide financière pour mettre en place le processus de production plus propre ? H. H. : En termes d'outil, je cite le FODEP (Fonds de dépollution industrielle) qui est jusqu'à présent le principal outil de dépollution industrielle. Ce fonds a accompagné les entreprises qui souhaitaient mettre en place des stations de traitement des eaux usées, des solutions pour le traitement des déchets solides industriels mais il a touché aussi le secteur de l'huile d'olive par le financement de projets visant le changement des procédés de fabrication en adoptant des procédés plus propres. Aujourd'hui, nous sommes à une centaine d'entreprises qui ont bénéficié de l'aide depuis le démarrage du FODEP en 1999. Ce chiffre reste, bien entendu, très timide. F. N. H. : Vous avez récemment signé une convention avec la Société Financière Internationale (SFI) dotée d'une enveloppe de 950.000 dollars. Où en êtes-vous de la déclinaison de cette convention ? H. H. : Cette convention porte sur trois projets. Le premier concerne une étude dont l'objectif est d'évaluer le travail qui a été fait par le CMPP et d'autres organismes nationaux en matière d'assistance technique aux entreprises pour une production plus propre et économe en consommation de ressources. Ce projet permettra d'avoir plus de visibilité sur les secteurs qui ont été touchés, l'impact en termes de réalisation, les raisons pour lesquelles les entreprises ne réalisent pas les recommandations des études même si l'approche est rentable..., afin de mettre en place les mécanismes pour généraliser l'approche de la production propre et pour accompagner les entreprises. Donc l'objectif est dresser un bilan et d'élaborer une feuille de route future pour généraliser cela à l'ensemble des entreprises du Maroc. Le deuxième projet, est d'ordre sectoriel avec l'Union nationale des industries de la conserve de poisson «UNICOP». Pour une durée de 2 ans, l'idée est d'accompagner l'ensemble des membres de cette fédération dans le cadre d'une démarche de production plus propre. Le CMPP et la SFI vont apporter l'assistance technique dans plusieurs domaines : économie de l'eau et de l'énergie, introduction des énergies renouvelables dans l'industrie, traitement et valorisation des déchets industriels... Aujourd'hui, nous sommes en phase de sélection de l'expertise qui va accompagner les entreprises. Là aussi, l'idée est de sortir avec des projets bancables et les aider à trouver les fonds disponibles au niveau national soit à travers le FODEP, le mécanisme volontaire de la dépollution industrielle, le fonds sur l'énergie, mais aussi au niveau international par l'intervention de la SFI, notamment pour les projets qui nécessitent un investissement lourd. Le troisième projet, c'est une approche territoriale au niveau d'une zone industrielle. Le choix a été porté sur les zones industrielles de Sidi Bernoussi en partenariat avec l'Association Izdihar pour prendre un échantillon d'entreprises multisectorielles et implémenter une technologie de production plus propre qui peut être appliquée à ces entreprises. Actuellement, nous sommes dans une phase de démarrage. La SFI finalise les contrats pour les consultants qui vont intervenir. Et le démarrage effectif du projet est prévu début octobre prochain. F. N. H. : Vous avez suivi le développement de la Charte nationale de l'environnement et du développement durable. Aujourd'hui, quels sont les mécanismes à mettre en place pour l'opérationnalisation de cette Charte ? Et comment allez-vous y contribuer ? H. H. : Notre pays s'est inscrit durant la dernière décennie dans une dynamique de développement globale, caractérisée essentiellement par la mise en place de nombreux plans et programmes sectoriels ambitieux. De ce fait, l'intégration de la dimension développement durable est au cœur des différents chantiers de développement récemment amorcés. Une nouvelle impulsion a été donnée à cette dynamique nationale de protection de l'environnement et de développement durable grâce aux orientations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI fixées dans les discours du Trône de 2009 et de 2010. Lesquelles orientations ont fixé l'élaboration et l'opérationnalisation d'une charte nationale globale de l'environnement et du développement durable dont l'objectif principal est de tracer une feuille de route pour faire face aux enjeux et défis qui font partie intégrante du plan d'action du gouvernement pour l'instauration du développement durable à court, à moyen et long termes. En effet, le CMPP de par sa vocation et son expertise, prend part à cette dynamique nationale, en contribuant activement à la transition vers une économie verte susceptible de concilier développement économique et protection de l'environnement. Ainsi, le centre peut devenir «un outil» au service de ses partenaires nationaux en accompagnant le tissu industriel national pour l'opérationnalisation de cette importante charte, ainsi que la mise en place des différentes stratégies et programmes.