Jusque-là, l'export avait la faveur des producteurs d'agrumes au Maroc. Depuis un certain temps, cet intérêt est plus porté vers le marché intérieur, de plus en plus juteux. Pourtant, des dysfonctionnements et des contraintes subsistent. Le séminaire organisé par l'Association des conditionneurs d'agrumes du Maroc (ASPAM), le mardi 2 juillet 2013 à Casablanca, s'inscrivait dans une perspective d'améliorer la commercialisation des agrumes au Maroc. Au fil des années, le marché intérieur a considérablement augmenté de taille. Il absorbe désormais entre 65 et 70% de la production national d'agrumes. En dépit de cette importance en termes de volume, beaucoup de contraintes liées à l'amélioration des revenus des producteurs, à l'emballage et au conditionnement subsistent. A cela s'ajoutent, les difficultés relatives à la traçabilité, à la protection du consommateur et bien d'autres problématiques restent en suspens et nécessitent des réponses. Des contraintes à la pelle Le marché des fruits et légumes assure une production annuelle de 12 millions de tonnes au Maroc, ce qui est un volume non négligeable. Quant à l'exportation, elle ne représente que 1,3 tonne et a observé une tendance baissière lors de ces dernières années. Khadija Chikri, ingénieur au ministère de l'Agriculture a clamé au cours de la rencontre : «Les oranges locales subissent une concurrence de plus en plus ardue de celles provenant de la Turquie, de l'Egypte et de l'Espagne au niveau international». Cela dit, le domaine agrumicole est entravé dans son essor, non seulement par les coûts de conditionnement, mais aussi par l'impact de la chaîne de froid sur son poids qui diminue. Par conséquent, avant d'arriver sur le marché local, les agrumes perdent près de 40% de leur poids, ce qui fait passer le coût du produit à la cueillette de 3 à 5 DH. Outre cela, Ahmed Darrab, Secrétaire général de Maroc Citrus estime: «Il existe un anachronisme au niveau des prix de l'emballage qui sont plus onéreux sur le marché local qu'à l'exportation en raison des impôts et taxes». Toujours selon lui, l'obstacle majeur qui inhibe une meilleure commercialisation des agrumes au niveau local est la pléthore d'intermédiaires qui existe dans le secteur. Ce foisonnement d'acteurs au niveau commercial est à l'origine de perte de revenus conséquents pour les producteurs, et même pour les consommateurs qui achètent à des prix plus chers. De ce fait, l'intermédiation peut s'arroger une grande partie de la plus-value. D'autres experts du domaine ont fait remarquer certains aspects de leur filière qui seraient à l'origine des dysfonctionnements. Ils jugent que cette dernière est inorganisée et les deux tiers de la production sont sous-valorisés. Au niveau régional, il subsiste aussi une grande disparité au niveau des prix, accentuée par le jeu de l'offre et la demande. Enfin, l'autre facteur de blocage se situe au niveau des marchés de gros par lesquels les agrumes doivent obligatoirement transiter. A ce niveau, les professionnels pointent du doigt deux éléments, à savoir que 7 à 8% de taxes sont payées dans ces marchés. En poussant la réflexion plus loin, ils estiment que les produits agricoles de la campagne payent pour des municipalités urbaines où les marchés de gros sont installés. Les membres de l'organisation Maroc Citrus arguent que ce transfert fiscal des campagnes vers les villes est inopportun, en raison du manque de ressources des communes rurales. Un secteur tiré par le contrat-programme Dans le sillage du Plan Maroc Vert, un contrat-programme a été mis sur pied (2008-2018) par l'Etat pour dynamiser le secteur agrumicole. Cela a permis de constater un besoin d'investissement de plus de 9 Mds de DH pour la filière. Le contrat-programme a aussi permis de dépasser l'objectif initial des 105.000 ha de surface pour la culture des agrumes. Les grandes lignes de cette feuille de route ont pour but d'améliorer la production et la commercialisation, d'augmenter la capacité de conditionnement et l'apport en devises via la promotion à l'exportation. Cinq ans après, le lancement du contrat-programme, des progrès ont été réalisés. Concernant l'augmentation de la production, 25.000 ha de nouvelles plantations ont vu le jour. La production est de 19T/ha actuellement contre 14T/ha en 2009. Dans le cadre de sa stratégie d'accompagnement, l'Etat octroie 200 DH/T pour les exportations vers la Russie. La filière des agrumes génère environ 3 Mds de DH en devises actuellement. L'objectif du contrat est d'atteindre 8 Mds de DH en 2018. Eu égard au timing, cela reste possible pour certains professionnels, mais à condition de pallier les contraintes d'offre et de miser sur la qualité (traçabilité, calibrage, normalisation, etc.). La lutte contre le paiement en liquide sur les marchés de gros était un leitmotiv lors des débats. Et pour cause, le paiement au noir installe dans l'opacité les prix réels des fruits et légumes au Maroc. Cela rend âpre la répartition des revenus entre les différents intervenants dans ce marché (producteurs, intermédiaires, transporteurs, conditionneurs, etc). En définitive, l'amélioration de la commercialisation des agrumes au Maroc passera nécessairement par une réforme en profondeur de la filière où la juxtaposition des intervenants rendra cette tâche complexe.