◆ A fin mai, le portefeuille des créances en souffrance détenu par les banques atteint 73,74 milliards de DH. ◆ BAM s'empare de la problématique en étudiant plusieurs options pour la financiarisation des prêts douteux.
Par Y. Seddik
Le niveau des créances en souffrance est intimement lié à l'environnement économique. L'allongement des délais de paiement, les défaillances des entreprises et l'aggravation de la sinistralité sur les secteurs les plus sensibles n'arrangent pas les choses. Au Maroc, le taux de sinistralité du secteur bancaire tourne autour de 8%. Selon les statistiques monétaires publiées par Bank Al-Maghrib à fin mai 2020 (tenant en compte deux mois et demi de confinement), le portefeuille des créances en souffrance détenu par les banques atteint 73,74 milliards de DH. La hausse est de 5,5% par rapport à l'encours de janvier, et de 8,9% par rapport à mai 2019. Sur l'encours total, et en Year-to-date, les créances en souffrance ont augmenté pour les ménages de +9,9% à 32,05 milliards de DH. Chez les entreprises, l'évolution est disparate : les sociétés financières affichent une variation stable (0,00%) sur les créances en souffrance, qui se chiffrent à 658 MDH. En glissement annuel, ces derniers ont baissé de 22%. Pour les sociétés non financières privées, le portefeuille sinistré augmente de 2,3% à 41 milliards de DH. Sur l'année glissante, ce solde progresse de 5,8%. Bref, le constat est clair : le secteur bancaire marocain ploie sous un stock de crédits en souffrance, lequel a un coût certain. Car, d'un côté, il pèse sur sa rentabilité, et de l'autre, il entrave sa capacité à financer proprement l'économie. Des solutions à l'étude Sur le front de la supervision bancaire, Bank Al-Maghrib fait toujours montre d'une proactivité. Avant même le déclenchement de la crise sanitaire, le régulateur se penchait sur le projet de la création d'une structure de défaisance. Objectif : éponger ces prêts non-performants. «S'agissant de la défaisance et des solutions pouvant alléger les bilans des banques d'une partie des créances en souffrance, les schémas envisageables peuvent porter notamment sur des opérations de titrisation, de cession directe de créances ou de restructurations industrielles et financières. La finalité de ces mesures est de résorber une partie de l'encours de prêts non performants en vue de permettre aux banques de consentir de nouveaux crédits», nous expliquait Bank Al-Maghrib fin mai dernier. Rappelons que les opérations de défaisance ont permis à nos voisins espagnols d'éviter des faillites bancaires lorsque le pays était frappé de plein fouet par la crise immobilière de 2011-2012. D'ailleurs, les professionnels estiment que ce modèle serait le plus scruté dans le cadre de l'étude lancée par BAM. «Bank Al-Maghrib suit avec les banques les discussions pour la mise en place d'une structure de gestion spécialisée dans le recouvrement des créances et l'option de création d'un fonds de reprise des créances en souffrance», a-t-on appris. Elle a parallèlement lancé une étude avec l'appui de la Société financière internationale (SFI), filiale du groupe de la Banque mondiale, pour examiner les options et les freins aux plans légal, réglementaire et opérationnel. Marché secondaire Pourquoi donc ne pas vendre directement ces actifs «toxiques» au lieu de créer une bad bank ? C'est une autre possibilité étudiée par le régulateur. En effet, le concept du marché secondaire de la gestion des créances douteuses est assez récent. En Europe, par exemple, le marché est embryonnaire, non régulé et atomisé. Sur les 1.000 milliards d'euros d'actifs toxiques logés dans les banques européennes, seuls 130 Mds d'euros y sont vendus. D'ailleurs, l'Union européenne, dans le but de favoriser le rachat et la gestion de ces prêts non-performants, va créer un système électronique de négoce, qui permettrait de diminuer les coûts de transaction et d'attirer un nombre plus important d'acteurs. BAM aurait donc pensé au même plan : délester les bilans bancaires et faire émerger un marché secondaire des créances douteuses. Car, finalement, leur accumulation ne ferait que planer des besoins de recapitalisation et fragiliserait la transmission de la politique monétaire du régulateur.