Viande chevaline, abattage clandestin, intoxication alimentaire aux restaurants universitaires ou encore des chiens préparés pour être vendus... La multiplication de ces scandales sanitaires remet sur le devant de la scène la question de la sécurité alimentaire dans notre pays. Pour débattre de ce sujet, ainsi que des exigences de l'Union européenne en matière d'importation des produits alimentaires, la Chambre de commerce britannique au Maroc a récemment organisé une table ronde sous le thème «Politique de la mise en œuvre et du contrôle de la sécurité sanitaire alimentaire au Maroc : une exigence indispensable pour une meilleure coopération avec l'UE». Lors de son intervention, Amine Berrada Sounni, président de la Fédération nationale de l'agroalimentaire (Fenagri), a insisté sur la mise en cohérence du cadre réglementaire au niveau du marché intérieur et du marché de l'exportation : «Il ne peut pas y avoir deux types de produits marocains qui coexistent : ceux destinés au marché intérieur marocain et ceux voués à l'exportation dont le marché extérieur est trés exigeant». En effet, les contrôles réalisés dans ce cadre sont effectués conformément à la législation et à la réglementation en vigueur, notamment la loi no 28-07 relative à la sécurité sanitaire des produits alimentaires, celle no 13-83 relative à la répression des fraudes dans la vente des marchandises. Elles couvrent toute la chaîne alimentaire de l'amont à l'aval. Ainsi, les premières interventions se font au niveau des produits primaires et des unités de transformation des produits alimentaires. «Celles-ci devraient disposer d'une autorisation ou d'un agrément sanitaire leur permettant de garantir la sécurité sanitaire des produits qui y sont fabriqués avant leur mise sur le marché», souligne Saad Lhoussaine, chef de la division du contrôle des produits végétaux et d'origine végétale à l'ONSSA. Les produits finis font également l'objet de contrôle pour s'assurer de leur conformité et qualité par rapport à la réglementation en vigueur. Pourtant le consommateur est souvent victime de risques sanitaires lorsque le produit est impropre à la consommation et qu'il est néanmoins proposé à la vente souvent à cause du circuit informel. Selon les principes de traçabilité, ayant été introduits au niveau de la loi no28-07 relative à la sécurité sanitaire des produits alimentaires, les exploitants doivent être en mesure d'identifier toute entreprise ou établissement auquel ils ont fourni ou cédé, ainsi que toute personne leur ayant fourni ou cédé un produit primaire ou produit alimentaire. Les aliments pour animaux ou un animal producteur de produits primaires ou les denrées alimentaires sont tout aussi concernés par cette procédure. En outre, certaines mentions obligatoires d'étiquetage des denrées alimentaires reprises dans le décret sur l'étiquetage pourraient être considérées comme des éléments de traçabilité. Il s'agit, plus particulièrement, du numéro du lot, du nom et de l'adresse du producteur (produits fabriqués localement) ou de l'importateur et de la durée de validité du produit. Cependant, ce qui fâche dans la question de la sécurité alimentaire, c'est que les textes juridiques qui la réglementent ne traitent pas sur un même pied d'égalité le consommateur marocain et celui étranger, en particulier celui de l'UE. En effet, le premier principe de la législation de l'Union européenne relative à la sécurité sanitaire des denrées alimentaires importées de pays situés hors UE est que ces aliments doivent fournir des garanties en termes de protection de la santé des consommateurs au moins équivalentes à celles apportées par la réglementation de l'UE en la matière. Du coup certains producteurs exportateurs se focalisent sur les exigences européennes et négligent la règlementation des produits destinés au marché local, qui s'inscrit aussi dans la politique agricole du Maroc dont la sécurité du consommateur revêt une portée capitale. Ce principe fondamental est tout à fait conforme au principe de l'Accord sanitaire et phytosanitaire (SPS) pour ce qui concerne le commerce international des aliments. Un commerce qui est agonisant sous les séquelles de la crise. A l'épreuve de celle-ci, les scandales alimentaires se multiplient. Il est probable même que le scandale de la viande de cheval n'est que la conséquence de la crise financière internationale. «Nous sommes inquiets de voir croître dans l'avenir leur nombre, dans ce contexte de restrictions budgétaires», met en garde Jacky Le Gosles, Conseiller du directeur aux Affaires vétérinaires et internationales, (DG SANCO) Le second principe valable pour les aliments produits dans l'UE ou importés, c'est que l'opérateur du secteur alimentaire est responsable et n'a pas le droit de mettre sur le marché des aliments qui ne sont pas sûrs pour le consommateur. En matière d'exportation, l'opérateur doit être à même de prouver que les aliments exportés respectent la législation de l'UE ou une réglementation que l'UE a reconnue comme équivalente, respectant ainsi le premier principe. Face à ces exigences, les entreprises marocaines ne semblent pas prêtes à 100%. Selon Berrada, la mise en œuvre des standards internationaux implique une phase de transition. Pour ce faire, les opérateurs doivent s'assurer que leurs établissements répondent aux exigences générales du règlement 852/2004 relatif aux bonnes pratiques d'hygiène alimentaire et au système de maîtrise sanitaire basé sur les sept principes du HACCP (Hazard analysis critical control point). Du fait que des denrées d'origine animale (DAOA) peuvent transmettre des maladies animales extrêmement contagieuses (fièvre aphteuse, peste porcine classique...), le risque sanitaire est pris en compte et le pays exportateur (dans notre cas, le Maroc) doit présenter des garanties en termes d'absence de certaines maladies contagieuses animales. «De plus, pour ce qui concerne ces denrées, particulièrement sensibles aux contaminations microbiologiques et à la multiplication des agents d'altération des denrées et des agents pathogènes, les établissements les produisant doivent être agréés par l'autorité compétente (AC) comme conformes aux exigences règlementaires de l'UE», précise Le Gosles. La sécurité sanitaire des aliments est ainsi un autre maillon faible de la compétitivité des entreprises marocaines, bien que celles-ci exercent dans un secteur excessivement avantagé par rapport aux autres secteurs du tissu économique national.