La nouvelle Constitution stipule que la loi organique sur le droit de grève doit être soumise pour approbation au Parlement avant la fin de l'actuelle législature. Le gouvernement est tenu, avant l'adoption de ce projet de loi, de mettre en œuvre les clauses de l'accord du 26 avril 2011. Abdelhamid Fatihi, secrétaire général adjoint de la FDT, estime que les retenus sur salaire que le gouvernement applique depuis quelque mois ne sont pas justifiables et sont anticonstitutionnelles. Finances News Hebdo : Quelle est votre position par rapport au projet de loi organique sur le droit de grève ? Abdelhamid Fatihi : Constitutionnellement, le droit de grève est garanti depuis la Constitution de 1962 et la promulgation de la loi organique y afférente est en suspens depuis cette date. La nouvelle Constitution de 2011, dans son article 29, reprend les mêmes termes sur le droit de grève dont les conditions et les modalités seront fixées par une loi organique. Mais la nouveauté réside dans le fait que cette loi organique doit être soumise pour approbation au Parlement avant la fin de l'actuelle législature (art 86). Aujourd'hui, notre position à l'égard du projet de loi organique sur le droit de grève ne peut qu'être fidèle à notre «oui» lors du référendum du 1er juillet 2011 sur la Constitution. Mais, le gouvernement, avant l'adoption de ce projet de loi, est tenu de mettre en œuvre les clauses de l'accord du 26 avril 2011 ayant trait à ce projet, et notamment l'abrogation de l'article 288 du code pénal et la convention 87 de l'Organisation internationale du travail (OIT) sur les libertés syndicales. F. N. H. : Ce projet peine à voir le jour. Selon vous, qu'est-ce qui bloque réellement l'adoption de cette loi qui est à sa 3ème mouture ? F. A. : Beaucoup de facteurs contribuent à ce que ce projet reste en instance. On peut les citer : La transgression des textes de loi régissant les relations du travail, notamment le code du travail, par certains patrons, et absence de la loi dans les «entreprises» agissant dans l'économie informelle; La violation des droits et libertés syndicales et absence de la volonté chez les autorités compétentes pour faire face à ce fléau; Le non respect de l'accord du 26 avril 2011 cité ci-dessus; L'absence d'un dialogue social tripartite auquel prendront part les syndicats, le patronat et le gouvernement. En sus de ce qui précède, le projet de loi sur le droit de grève doit être précédé par l'adoption de la loi sur les syndicats, et ce, conformément à l'article 8 de la Constitution. F. N. H. : Le droit à la grève a connu un tournant au cours de l'année 2012, notamment par la décision gouvernementale des retenues sur les salaires. Pensez-vous que cette décision est la solution? F. A. : D'abord, il faut préciser que la décision gouvernementale ne concerne que le secteur de la fonction publique. Ce procédé est en vigueur dans le secteur privé et dans les établissements et entreprises publiques depuis des décennies. Cette décision représente un problème, parce qu'elle s'inscrit dans un processus visant les libertés publiques en général et libertés syndicales en particulier. Les fonctionnaires sont en situation statutaire vis-à-vis de l'Etat et pas en situation de contractuels, et il n'existe aucun texte de loi autorisant le gouvernement à agir de tel. Le seul décret qui existe date du 5 février 1958 et qui a été utilisé pour licencier les grévistes fonctionnaires en 1961, 1979 et 1981, et ce, sans recourir aux retenues sur les salaires pour d'autres grévistes. Paradoxalement, aujourd'hui qu'on dispose d'une Constitution démocratique, le gouvernement agit d'une façon inacceptable au lieu d'ouvrir le débat avec les syndicats et le patronat pour arriver à un projet consensuel. F. N. H. : Donc vous considérez que les retenues sur salaires sont anticonstitutionnelles... F. A. : Oui, elles sont anticonstitutionnelles parce que le gouvernement ne dispose d'aucune référence juridique pour agir de la sorte. Et même la jurisprudence n'a considéré les retenues légales que dans les cas où les syndicats ayant donné le mot d'ordre de grève n'ont pas respecté la procédure, et notamment le préavis. Ce qui nous oblige, en tant que syndicats, à faire face à ce comportement inadmissible avec tous les moyens légaux.