La comptabilisation des intérêts de retard sous forme de provisions peut parfois se traduire par une ponction sur la trésorerie de l'entreprise. Le texte régissant les intérêts de retard reste muet sur plusieurs points. Dans un pays comme l'Hexagone, la loi autorise la prise en charge des intérêts de retard au titre de l'exercice de leur encaissement et non au titre de l'exercice de naissance. λ Les difficultés liées à la comptabilisation des intérêts de retard décryptées par Houssifi El Houssaine, expert-comptable. Finances News Hebdo : Est-ce que vous êtes d'avis que les intérêts de retard de paiement doivent faire l'objet de provisionnement en matière d'écriture comptable ? Houssifi El Houssaine : Les adeptes du provisionnement appliquent à la lettre les diktats du principe de séparation des exercices comptables, prévu par la loi comptable. Cette option a fait couler beaucoup d'encre, alors que le Conseil national de la comptabilité, habilité à légiférer sur le plan comptable, garde le silence. Cet organe est attendu sur ce genre de questions pour émettre un avis, et ce afin de mettre un terme aux différentes confusions. À mon avis, cet organe doit être dynamique et évoluer en fonction de l'évolution des activités et des réalités du contexte. Les dérogations aux principes ne sont nullement prohibées. Dans cet ordre d'idées, la France, qui prône les mêmes principes, a autorisé la prise en charge des intérêts de retard au titre de l'exercice de leur encaissement et non au titre de l'exercice de naissance. Il n'est donc pas commode d'alourdir les produits d'un contribuable malheureux du fait de ses relations commerciales et d'augmenter son assiette fiscale. Cette augmentation se traduira par une pression fiscale et une ponction sur la trésorerie de l'entreprise qui peut-être, souffre déjà d'un déficit. F. N. H. : Est-ce que le cadre juridique régissant les intérêts de retard est aujourd'hui assez clair ? H. E. H. : En effet, il est capital de rappeler que l'introduction de ce texte vise l'amélioration des délais de paiement des entreprises. Seulement, son application risque de rencontrer plusieurs difficultés. Le texte reste malheureusement muet sur plusieurs points. On peut citer, à titre indicatif, les questions suivantes : les dispositions de la loi s'appliquent-elles aux dettes fournisseurs étrangers liés à des sociétés marocaines par des contrats internationaux ? Les dispositions s'appliquent-elles aux fournisseurs intra-groupes et aux factures en litiges ? Nous attendons toujours que les réponses à ces questions soient dévoilées et afin d'éviter aux sociétés les surprises de la jurisprudence. Il est également proposé de transposer les dispositions relatives à la lutte contre les retards de paiement dans les opérations commerciales à celles réalisées dans le cadre des marchés publics. Cette transposition va permettre de contrecarrer les difficultés liées à la pratique des intérêts moratoires. F. N. H. : En présence de ce texte, l'abandon de la comptabilisation des intérêts par les bénéficiaires serait-il toléré ? H. E. H. : L'entrée en vigueur de ce texte donne lieu à la création d'un droit. Son abandon serait considéré, aux yeux de l'Administration fiscale, comme une libéralité devant regagner la base imposable. Cet abandon, qui devrait être rencontré chez les contribuables qui défendent que l'argent ne fait pas des petits-enfants, est très développé par le DOC, lequel précise que la facturation des intérêts entre musulmans est interdite sauf... lorsqu'il est d'usage de le faire. Alors, l'alternative pour cette catégorie de contribuables est soit de piocher dans la finance islamique une qualification à ces intérêts, soit encaisser le coût fiscal. F. N. H. : Quel est le rôle du commissaire aux comptes en matière de vérification des intérêts de retard ? H. E. H. : Les entreprises soumises au commissariat aux comptes sont dans l'obligation de publier dans leurs rapports de gestion une information sur la décomposition du solde des dettes à l'égard des fournisseurs par date d'échéance. Dans la rédaction de son rapport, le commissaire est invité à se prononcer sur la sincérité et la concordance avec les comptes annuels, au regard de cette information. Seulement, l'émission d'un avis dans le rapport du commissaire aux comptes n'est pas suffisante. Nous pensons qu'à l'instar de la réglementation française, une alerte doit être adressée par le commissaire aux comptes à une entité chargée de veiller à l'application de cette loi. Propos recueillis par S. Es-Siari