Face à la réalité économique, de nombreuses promesses électorales se sont évaporées. La contribution imposée aux hauts revenus salariaux peut être qualifiée de Zakat. Dans le PLF 2013, l'Administration a reconduit, en faveur des entreprises, des mesures qui n'ont pas eu d'impact réel. L'annulation des pénalités de retard n'entraîne pas automatiquement la confiance des contribuables. Houssifi El Houssaine, expert-comptable, nous livre son analyse sur les principales mesures contenues dans le PLF 2013. - Finances News Hebdo : C'est devenu une coutume au Maroc de joindre le rapport sur les dépenses fiscales au projet de la Loi de Finances. Quelle lecture faites-vous de ce rapport ? - Houssifi El Houssaine : Le rapport sur les dépenses fiscales a fait couler beaucoup d'encre et les interprétations se sont essentiellement concentrées sur les secteurs et les rubriques fiscales. A mon avis, une attention particulière doit être portée à l'impact des avantages fiscaux en question sur la sphère économique. On ne peut parler de manque à gagner en présence de bienfaits économiques générés par les mesures concernées. C'est la difficulté d'évaluer cet impact, qui n'est plus à démontrer, qui entraîne cette focalisation sur le manque à gagner. Dans le rapport, on note que le secteur immobilier s'accapare la part du lion et on oublie qu'il existe un secteur, très important, qui bénéficie d'une exonération fiscale quasi permanente à savoir le secteur agricole. Ce secteur doit, à notre avis, intégrer le rapport des dépenses fiscales, non seulement en raison des avantages dont il bénéficie, mais également eu égard au soutien financier considérable dont il jouit. Je ne vous apprends rien en vous disant que la terre est la source de richesses puisque les physiocrates l'ont bien démontré, il y a des siècles. Il est temps que le secteur soit fiscalisé. La fiscalité de ce secteur doit épargner, dans un premier temps, la micropropriété pour s'intéresser aux grandes exploitations. - F. N. H. : Est-ce que le projet de Loi de Finances reflète une empreinte du programme économique des partis politiques de la majorité ? - H. H. : Il faut reconnaître que les programmes économiques des partis politiques de la majorité se sont émoussés devant la réalité de la crise. Des considérations comptables priment lors de l'élaboration du Budget. Cette situation apprendra aux partis à ne plus se limiter à faire l'inventaire des projets au moment des campagnes électorales, mais à se focaliser également sur les ressources de financement. Cependant, il est capital de souligner que ce projet consacre l'entrée en vigueur, bien que timide, de la fiscalité pouvant être qualifiée d'islamique. En effet, la contribution imposée aux hauts revenus salariaux pouvant être qualifiée de Zakat. Le projet de la Loi de Finances introduit, espérons-le, les jalons d'une fiscalité écologique par l'institution d'une taxe sur la plasturgie. On ne peut ignorer le rôle que jouerait l'économie verte pour l'accélération de la croissance économique en matière de stimulation de l'investissement public et privé. Dans ce cadre, le nouveau projet de code sur les marchés publics est attendu sur ce point pour imposer aux soumissionnaires aux marchés publics de respecter cette donne à l'occasion de la réalisation des différentes prestations. Sur le plan fiscal, il est temps de prévoir des avantages fiscaux au profit des entreprises qui réalisent des investissements verts. - F. N. H. : Les différentes mesures formant le projet de Loi de Finances ont été rendues publiques. Quelle est votre appréciation personnelle sur la portée de ces mesures ? - H. H. : Le projet de Loi de Finances 2013 reconduit en faveur des entreprises des mesures qui n'ont pas enregistré d'afflux de la part des contribuables. D'ailleurs, nous nous attendions à ce que l'Administration procède à une évaluation de ces mesures. Le but étant d'évaluer les opportunités et de supprimer les mesures responsables du comportement mitigé des assujettis à leur égard. Nous retenons que le gouvernement a répondu positivement aux doléances du patronat, dans l'ensemble, en attendant des jours meilleurs. Cependant, la victime de ce projet est la classe moyenne qui se voit paralysée. Et dans ce cadre, il existe une contradiction entre les déclarations politiques favorables à la création et la consolidation de la classe moyenne et les mesures fiscales proposées dans ledit projet. Inutile de rappeler l'impact qu'aura la rétention au profit du fonds sur la cohésion sociale, mais il s'avère nécessaire de rappeler l'introduction de la notion de la cotisation minimale en matière de taxe sur la valeur ajoutée. En effet, la classe moyenne paie pour la défaillance de l'Etat en matière de lutte contre le secteur informel et l'économie parallèle. Il se trouve que cette classe moyenne, qui ne fréquente pas les centres hospitaliers publics et déserte les écoles publiques, se voit encore invitée à la cohésion. Il est possible qu'on assiste à un phénomène très rare en matière de ressources humaines. Des salariés refuseraient des augmentations de salaire qui les intégreront dans le champ de prélèvements pour le fonds de la cohésion sociale et verront ipso facto leurs revenus diminuer. - F. N. H. : Dans le cadre de l'instauration de la confiance entre l'administration fiscale et le contribuable, des annulations des pénalités et majorations de retard ont été prévues. Qu'en pensez-vous ? - H. H. : Nous ne disposons d'aucune étude ayant conclu sur l'existence d'une corrélation entre la confiance et l'annulation desdites pénalités. Cette mesure aura pour droit-fil la chute des recettes fiscales pendant le quatrième trimestre. En effet, plusieurs contribuables attendront l'entrée en vigueur de la disposition pour s'acquitter de leur dû. Propos recueillis par S. Es-Siari