Le Maroc largement exposé aux marchés internationaux. L'entreprise marocaine sous l'emprise de la problématique du taux de change. Les types d'approche pouvant être envisagés. La financiarisation de l'économie mondiale s'est traduite par des effets d'entraînement sur l'ensemble des économies, y compris celles émergentes ou en développement. L'impact de la crise financière sur l'économie nationale via les canaux réels est un signal fort que les flux financiers sont très enchevêtrés. La conférence organisée récemment par l'Institut Marocain des Relations Internationales, présidé par J. Kerdoudi, s'inscrit dans ce sillage. Dans son intervention, Brahim Sentissi, Directeur de Cejefic Consulting, a passé en revue la déréglementation de la finance. Il rappelle à ce titre l'abandon de l'étalon-or et l'apparition des premiers produits dérivés au début des années 70. Les années 80 ont été marquées par le libéralisme. Milton Friedmann, prix Nobel d'économie, prônait l'efficience des marchés et leur équilibre optimal. Durant les années 90, on assiste à une économie entièrement déréglementée. Depuis, on constate une sphère financière qui englobe l'ensemble des classes d'actifs : les prix du pétrole et des denrées alimentaires sont devenus étroitement liés à l'incertitude mondiale. Au cours des dernières années, les marchés financiers ont été extrêmement volatils et les cours des produits agricoles et de certaines matières premières ont fortement fluctué en raison d'un changement radical dans la structure de l'économie mondiale (forte demande de la part des pays émergents en forte croissance et rareté de certaines ressources). Les produits de couverture se veulent ainsi un outil extrêmement efficaces pour se prémunir des aléas des fluctuations. Le risque d'assister à une volatilité continue des marchés financiers dans les prochaines années est très important. Dès lors, toute stratégie consistant à ne pas se couvrir et à assister passivement aux fluctuations des cours n'est plus la stratégie optimale. Entreprises marocaines : quel impact ? Le Maroc reste largement exposé aux marchés internationaux. Cette exposition se traduit par une facture énergétique très sensible aux fluctuations du marché, un creusement des déficits commerciaux et budgétaires, un assèchement des réserves de change et une augmentation de la dette extérieure. Face à toutes ces contraintes, les pouvoirs publics marocains mettent en place des mesures par le biais de Lois de Finances afin de pouvoir relever les défis. Actuellement, le Maroc est mis sous «perspective négative» par l'agence de notation S&P. Ceci risque de se traduire par une hausse de la prime du risque avec toutes les conséquences qui peuvent avoir lieu en matière de recours à l'emprunt à l'international. «L'entreprise marocaine se trouve aujourd'hui face à un double défi : les niveaux et les volatilités sur les matières premières et le change», explique B. Sentissi. Ces défis ont pour corollaire l'incertitude sur les coûts d'approvisionnement, voire la problématique du taux de change et l'incertitude accrue sur les parts de marché. Quelle attitude adopter face aux risques financiers ? D'après B. Sentissi, il faut éviter les transactions susceptibles d'amplifier le risque. L'entreprise peut également supporter le risque, c'est-à-dire le subir purement et simplement. Elle peut ainsi décider que le risque est faible et ne présente pas de menaces. Il s'agit dans ce cas d'une attitude passive et attentiste. L'entreprise peut également décider de gérer le risque en s'engageant dans des opérations réduisant l'effet des fluctuations défavorables des variables économiques sur les cash flows et par conséquent sur sa valeur. Le benchmark avec le tissu économique français fait montre que la couverture contre les aléas du marché financier demeure reléguée au second rang chez les entreprises marocaines. Le but premier est d'assurer sa rentabilité et, en particulier, conserver une marge confortable. En général, une stratégie de couverture permet à l'entreprise de se protéger contre un mouvement défavorable des devises et des matières premières, fixer sa marge et se recentrer sur son cœur de métier. Une étude a été menée en 2002 par un laboratoire de recherche français sur la couverture des risques financiers par les entreprises françaises cotées. Elle montre que 80% des entreprises interrogées utilisent des produits financiers pour gérer leur risque financier, avec : 77% qui pratiquent une couverture sélective, 60% qui disposent d'un comité en charge de la gestion des risques financiers, 100% des entreprises centralisent leur gestion des risques financiers et 37% se couvrent sur un horizon long terme et 40% sur un horizon inférieur à un an. Il y a, certes, une part de spéculation dans toute activité de couverture. Cette dernière ne doit pas se faire de manière hasardeuse car les conséquences peuvent être dramatiques. Il faut cependant savoir se couvrir et adopter une attitude rationnelle avec des critères rigoureux sur les stratégies à mettre en place. «Il est d'ailleurs opportun de penser à la création d'une salle de marchés avec des professionnels ayant une expérience avérée dans le domaine pour mener à bien une telle entreprise», explique B. Sentissi. Par S. E. Les outils de couverture Sur le court terme : Caisse de compensation : ne plus subir les aléas (couverture, autre système, etc.) ; Stratégies de couvertures au niveau des entreprises ; Sur le long terme : améliorer l'offre de produits et de prix ; Augmenter la productivité (agricole, industrielle, etc.) ; Diversifier l'offre produits (d'après la Banque mondiale, le Maroc exporte 42 produits par million d'habitants, contre 130 pour la Tunisie et 160 pour la Malaisie ) ; Développer les partenariats Sud / Sud, diversifier ses partenaires commerciaux pour répartir le risque. De manière générale : se préparer à un nouveau paradigme mondial ; Penser à réduire l'indexation sur l'EUR ; Développer les échanges avec les pays émergents ; Se réorienter vers les secteurs secondaires et tertiaires, moins sensibles aux aléas climatiques ; Aller vers l'endettement interne (si réserves de change suffisantes, ex. du Japon) ; Explorer sérieusement la piste de la finance islamique, plus connectée à l'économie réelle.