Mauvaise campagne agricole 2004-2005 et incapacité des agriculteurs à honorer leurs engagements, autant d'éléments qui viennent aggraver la crise que traverse notre pays et qui assombrissent le tableau. Dans un contexte qui cède au pessimisme, l'allègement de la dette coûtera 3 milliards de DH à l'État. Le pessimisme est de mise chez bon nombre d'opérateurs et de décideurs. Le Maroc traverse une mauvaise passe et les cris d'alarme sonnent de tous les côtés. Face, entre autres, à l'érosion de la compétitivité de nos textiliens devant la déferlante chinoise, la hausse du prix du carburant suite à l'incapacité de la Caisse de compensation de supporter la différence avec les cours mondiaux et une campagne agricole qui sannonce médiocre. La conjoncture laisse prédire que l'année agricole 2004-2005 sera difficile. Dans une récente déclaration, le ministre de l'Agriculture, du Développement rural et des Pêches maritimes, Mohand Laenser, a annoncé que l'année agricole 2004-2005 est une année difficile, mais pas catastrophique. Le ministre a aussi reconnu que la production des céréales perd cette année entre 35 et 40% par rapport à une année normale, faisant remarquer que les céréales ne représentent que 30% de l'ensemble de la production agricole du pays. Le gouvernement essaie datténuer la panique en rappelant que le Maroc a connu des années plus dures en 1995 et 1999 et qu'une production globale de 45 millions de quintaux est à l'ordre du jour. Toutefois, selon les calculs techniques effectués par les services du département de l'Agriculture, la récolte atteindra 25 à 30 millions de quintaux dans le meilleur des cas. De toutes les manières, la production demeure de loin inférieure à 60 millions de quintaux, niveau d'une année normale. Le déficit hydrique national moyen de 24% accompagné des vagues successives de froid, de grêle et de chaleur ont compromis une des campagnes céréalières les plus décevantes au cours des dernières décennies. Dans plusieurs régions, l'été s'est installé précocement et a fait fondre les espoirs des agriculteurs. Dans les localités où les moissons ont déjà commencé, les rendements sont largement inférieurs à ceux dune campagne moyenne. Une fois de plus,ces mauvaises performances de lagriculture, nous rappellent que le Maroc reste à la merci des aléas climatiques. En ce qui concerne l'agriculture orientée vers l'exportation, il semble que la campagne soit sauvée. Du côté de l'APEFEL (Association des Producteurs et Exportateurs de Fruits et Légumes), la campagne a été relativement correcte pour les primeurs. Les opérateurs prétendent même pouvoir dépasser le contingent fixé au Maroc. Un autre secteur sur le dos de l'Etat Au moment où le Fisc prétend que le secteur de l'agriculture devrait être imposé et, partant passer le relais de l'exonération à d'autres secteurs plus porteurs, il bute sur un certain nombre de problèmes à cause de la sécheresse et du poids de la dette des agriculteurs. Face à cette situation d'urgence, le gouvernement s'est précipité au chevet des agriculteurs. Et pour cause, l'agriculture, secteur-clé de l'économie, aurait des effets d'entraînement sur d'autres secteurs, et ce dans un contexte qui laisse à désirer. Aussi, apprend-on auprès de la deuxième chaîne que le Conseil de gouvernement ne s'est pas tenu le matin de jeudi dernier comme d'habitude. La raison invoquée : le Premier ministre devait présenter au Souverain le programme de soutien à l'agriculture. SM le Roi a ainsi décidé de prendre des mesures lors du Conseil des ministres de l'après-midi. Les mesures prises sont relatives à l'alimentation humaine et du bétail en eau et autres palliatifs aux pertes de revenus dans le milieu rural. La stratégie du Crédit Agricole Marocain (CAM) consiste en l'abandon des créances de 100.000 petits agriculteurs déjà recensés et qui évoluent dans des conditions très précaires. Cette opération permettra au CAM d'assainir ses comptes tout en se constituant des provisions. Le coût de l'opération est estimé à 3 milliards de DH. Comment ce montant sera-t-il réparti ? Le CAM supportera les 2/3 et l'État le 1/3 restant. Mais en fin de compte, c'est l'État qui va supporter l'apurement des dettes des agriculteurs. Selon le ministre de l'Agriculture, ces mesures ont désormais un caractère structurel concernant la nouvelle orientation du Crédit Agricole qui demeure un outil de référencepour l'agriculture malgré le changement de son statut. Le CAM traitera les dossiers liés à la sécheresse en apportant des solutions adéquates et devra se pencher sur la prochaine campagne agricole. En ce qui concerne les mesures qui dépassent le cadre de la sécheresse, des crédits spécialisés seront ainsi accordés aux exploitants qui souhaitent procéder à la reconversion de leurs terres. Le CAM accordera également des prêts aux jeunes diplômés et aux personnes ayant opté pour le départ volontaire de la fonction publique et intéressées par le secteur agricole. Une nouveauté dans la stratégie du CAM est le crédit revolving. Ce dernier consiste à permettre aux agriculteurs de rembourser leur dette si l'année agricole est bonne et de surseoir au remboursement au cas où l'année est mauvaise; ce qui leur permettra de préparer la saison suivante précisant que l'agriculteur bénéficie d'une période de cinq ans pour honorer sa dette. Le programme revêt assurément un grand intérêt pour un secteur aussi vital pour notre économie comme celui de l'agriculture. Mais, jusqu'à quand ce secteur restera-t-il dépendant des aléas climatiques ? Qu'est-ce qui lempêche de relever la tête et, à l'instar des autres secteurs, assumer pleinement ses responsabilités en commençant par le paiement des impôts ? Aujourd'hui, une nouvelle chance s'offre à nos agriculteurs et la balle est dans leur camp.