Risque réel de renforcement des déficits en 2012. Forte asymétrie entre les dépenses et les recettes. Le projet de la loi organique, une opportunité pour le renforcement de la performance de la gestion publique. Au Maroc comme ailleurs, la situation des finances publiques est caractérisée par une accentuation des déficits. En ce qui nous concerne, le déficit budgétaire 2011 s'est soldé par un déficit de 50,1 Mds de DH, ou 6,1% du PIB. Le risque de prolongement de ce déficit suscite de plus en plus de préoccupations quant à la soutenabilité des finances de l'Etat, d'autant plus que le contexte est peu porteur. Devant cette incertitude, on parle désormais de la mise en place d'un nouveau modèle, et ce pour une meilleure transparence des finances publiques. C'est d'ailleurs le thème central de la sixième édition du Colloque sur les finances publiques organisé par le ministère des Finances en collaboration avec l'Association pour la Fondation Internationale de Finances Publiques (Fondafip). Les organisateurs partent du principe que la transparence est une composante essentielle de la bonne gouvernance. Dans son allocution, N. Bensouda, Trésorier général du Royaume, a rappelé la citation de Pierre Joxe, ancien premier président de la Cour des comptes française : «Il n'y a pas de démocratie sans finances publiques claires, sans transparence, sans règle de droit (...). L'obscurité en matière de finances publiques est évidemment la source de tous les abus, ou pire». Idem, le Fonds monétaire international considère la transparence des finances publiques comme étant le souci de faire connaître ouvertement au public les activités budgétaires passées, présentes et futures de l'Etat. Elle permet au débat public de reposer sur une base d'informations plus solides tout en renforçant la responsabilisation et la crédibilité des pouvoirs publics. Aussi, d'après la Banque mondiale, l'une des dimensions de l'efficacité de la gestion des finances publiques est la crédibilité du budget, un budget réaliste et exécuté comme prévu. Dans le prolongement de la mise en oeuvre du nouveau dispositif constitutionnel, le projet de réforme de la Loi Organique de Finances constitue une opportunité incontournable pour donner une nouvelle impulsion à la modernisation de l'Etat et au renforcement de la performance de la gestion publique. Quelle lisibilité budgétaire ? L'analyse du budget au cours de la dernière décennie laisse entrevoir au cours des six dernières années la non réalisation de la totalité des prévisions des recettes non fiscales, en raison notamment d'opérations de privatisation non concrétisées. L'autre agrégat important est la masse salariale. Il est vrai que l'Etat a lancé en 2005 l'opération départ volontaire à la retraite, afin de réduire le sureffectif, de permettre à l'Administration de reconstituer sa capacité de recrutement et de maîtriser la masse salariale. Or, en 2011 et comparativement à 2004, on remarque que les effectifs ont augmenté de 8% et la masse salariale de 56%. D'après N. Bensouda, le projet de réforme de la Loi Organique prévoit que les crédits ouverts pour les dépenses de personnel soient limitatifs. Le troisième agrégat porte sur la compensation. Son analyse laisse apparaître que les crédits ouverts ont enregistré une progression importante. Toutefois, leur insuffisance face aux charges de la compensation se traduit par la constitution d'arriérés de paiement vis-à-vis des opérateurs. En ce qui concerne le train de vie de l'Administration, sa réduction est devenue une nécessité pour accroître l'épargne budgétaire et réduire ainsi le niveau de déficit et les besoins de financement du Trésor. Il devrait normalement se traduire par une baisse des crédits ouverts au titre des dépenses de matériel et des dépenses diverses. Or, ces crédits ont connu une hausse systématique de 2001 à 2010. Globalement, l'évolution des recettes et des dépenses ordinaires durant les onze dernières années a toujours permis de dégager une épargne budgétaire qui a servi à financer une partie des dépenses d'investissement, à l'exception de 2011 qui s'est soldée par une épargne budgétaire négative. L'autre point important est la gestion active de la dette qui constitue aujourd'hui plus que jamais un axe majeur de la politique budgétaire et financière de l'Etat. L'encours de la dette du Trésor a connu une remontée durant les années 2010 et 2011. Aujourd'hui, les pouvoirs publics ambitionnent de maintenir le déficit budgétaire dans la limite de 3% du PIB. Une ambition qui est loin d'être réalisable à cause de la hausse des charges de compensation, de la flambée des prix des matières premières et de la crise dans laquelle sombre notre partenaire l'Union européenne. Tout cela montre fort bien que l'exécution des Lois de Finances se solde généralement par des écarts importants entre les prévisions et les réalisations. Qu'on le veuille ou non, l'étau se resserre. La mauvaise campagne agricole qui se confirme pour 2012 jette les doutes sur les chances de réalisation des recettes budgétaires. Autrement dit, ,et dans l'éventualité d'une aggravation de la conjoncture économique, le gouvernement n'aurait d'alternative que d'agir sur les dépenses d'investissement, les autres catégories de dépenses ayant un caractère incompressible. Comme le redoutent certains économistes, l'année en cours serait-elle le prélude du retour du Maroc aux politiques d'ajustement structurel ? Dossier réalisé par S. E. & I. B.