Dans son récent ouvrage intitulé « Le Maghreb face au défi européen », M. Jawad Kerdoudi, tout en établissant un diagnostic de l'état actuel du Maghreb, présente une réflexion sur les voies et moyens permettant à cette partie du sud de la Méditerranée d'aboutir à son unification. Avec l'élargissement de l'Union européenne sur les pays de l'Est, le projet de l'UMA se retrouve à nouveau sur le devant de la scène. Aujourd'hui, il ne faut pas se leurrer, l'idée d'une union maghrébine n'est plus présentée comme un choix auquel sont soumis les dirigeants de ces pays, mais plutôt comme une condition sine qua none pour leur prospérité. Ce non-aboutissement d'un maghreb uni suscite un certain nombre de questions: pourquoi toutes les tentatives pour une union réelle du Maghreb n'ont pas abouti ? Quelles sont les leçons à tirer de l'expérience européenne ? Quels sont les axes de réflexion pour la réussite du projet maghrébin ? Ce sont là quelques points auxquels M. Jawad Kerdoudi, Président du groupe de travail « Relations Maroc/Union européenne » de la CGEM a tenté de répondre dans son récent ouvrage composé de 198 pages : « Le Maghreb face au défi européen ». L'idée d'écrire un tel ouvrage, rassure M. Kerdoudi, est le fruit d'une inspiration de l'ouvrage de Jean-jacques Servan Shreiber « Le défi américain » qui était publié dans les années soixante ». Dans ce livre, M. Shreiber avait diagnostiqué le retard économique et social de la France et de l'Europe vis-à-vis des États-Unis d'Amérique. Il avait insisté sur la nécessité d'une modernisation de l'Europe, ce qui constituait à l'époque un défi. Quarante an après, l'Europe a relevé le défi. En effet, pour la création de l'Union, les pays européens se sont développés économiquement et socialement et ont constitué un ensemble qui peut rivaliser largement avec les États-Unis. Partie de six États en 1957, l'UE compte actuellement 15 et va s'élargir à 25 en 2004. Le résultat de ce travail est la constitution d'un marché intérieur unique, avec une totale liberté de circulation de marchandises, des services, des capitaux, des personnes et une monnaie commune pour douze pays sur les quinze. Non seulement le marché intérieur a été réalisé, mais des politiques communes ont été élaborées et appliquées dans plusieurs domaines: agriculture, solidarité régionale, infrastructures, finances et sécurité. Ceci dit, peut-on envisager une démarche similaire pour le Maghreb vis-à-vis de l'Europe ? L'aspiration à l'unité maghrébine est apparue dès le début du XX siècle avec plusieurs étapes, dont la plus importante s'est traduite par la signature à Marrakech du Traité instituant l'UMA en 1989. Malheureusement, toutes ces tentatives n'ont pas abouti à une union réelle du Maghreb. Les raisons sont multiples. Elles sont d'abord politiques, à savoir l'hétérogénéité des régimes politiques, la persistance des conflits territoriaux, la course du leadership et la montée de l'intégrisme musulman. Elles sont ensuite économiques et s'expliquent par la configuration concurrentielle des systèmes productifs, l'inappropriation de l'infrastructure des communications, l'insuffisance des structures de financement et le manque de cohésion des législations et entraves administratives et douanières. Ces problèmes se sont exacerbés après 1975, suite à la récupération par le Maroc de ses provinces sahariennes. La suite est telle que tout le processus de l'union s'est arrêté, et que la frontière entre le Maroc et l'Algérie est fermée. Comment faire alors face à cette situation ? Pour l'auteur, il faut agir contre l'immobilisme qui est préjudiciable à chaque pays du Maghreb du fait de la moins-value occasionnée par cette non-union, évaluée par des experts à plusieurs milliards de Dollars. Plusieurs axes de réflexions sont ainsi avancés. Il s'agit notamment de promouvoir l'action de la société civile dans les pays du Maghreb, afin de créer un fort mouvement d'opinion en faveur de l'Union, pousser à la démocratisation les régimes politiques dans tous les pays du Maghreb, activer les réformes de libéralisation de l'économie et de la société et renforcer la coopération bilatérale.