* Lintégration maghrébine est un long parcours qui exige une forte volonté politique et des étapes avec des échéances bien déterminées. * La conjoncture actuelle, marquée par la crise économique et lexacerbation de la question du Sahara entre lAlgérie et le Maroc, nest guère propice pour lancer de nouveaux jalons à lintégration maghrébine. * Lanalyse de J. Kerdoudi, président de lIMRI. - Finances News Hebdo : Labsence de recherches approfondies sur la région du Maghreb se veut une triste réalité. En tant que président de lInstitut Marocain des Relations Internationales, ne pensez-vous pas quil est de votre rôle de booster ce type de recherches ? - Jawad Kerdoudi : LIMRI sintéresse particulièrement à lintégration maghrébine et a publié, sous ma signature en octobre 2003, un livre intitulé «Le Maghreb face au défi européen». Ce livre établit un diagnostic de létat actuel du Maghreb, décrit la construction européenne, regrette léchec du Traité instituant lUMA, et milite pour la construction maghrébine en mettant en exergue le coût du non-Maghreb pour chaque pays de lUnion. Outre ce livre, lIMRI a publié plusieurs chroniques sur lintégration maghrébine, en réclamant avec insistance louverture de la frontière terrestre algéro-marocaine. Il a, dautre part, organisé ou participé à plusieurs colloques et séminaires sur lintégration maghrébine. - F.N.H. : Peut-on savoir jusquà quel degré la prévalence du secteur informel dans les pays de la région pris isolément, pourrait nuire à lintégration maghrébine ? - J. K. : Je ne pense pas que la prévalence du secteur informel dans chacun de nos pays soit un frein à lintégration maghrébine. Celle-ci est bloquée, comme chacun le sait, par le différend politique entre lAlgérie et le Maroc quant à la récupération de nos provinces sahariennes. - F.N.H. : Est-ce que, daprès-vous, la dépendance des pays du Maghreb central dun seul partenaire quest lUnion européenne ne constitue pas en soi un facteur de blocage à une meilleure intégration maghrébine ? - J. K. : Certes, le Maghreb central réalise environ les deux tiers de son commerce, de ses investissements et de son tourisme avec lUnion européenne. Mais ceci ne constitue pas un blocage de lintégration maghrébine car, par exemple, le Maroc a signé plusieurs accords de libre-échange avec les Etats-Unis et dautres pays qui nappartiennent pas à lUnion européenne, et essaie de diversifier ses exportations. - F.N.H. : Quels sont les modèles dapproche dintégration maghrébine les plus appropriés pour des pays qui, en dépit des clivages politiques, présentent de fortes similitudes ? - J. K. : Je pense que le modèle de lUnion européenne est le plus approprié pour lintégration maghrébine. Il faut commencer par le volet économique, en établissement la libre circulation des biens, des services et des capitaux. Il faut accompagner cela par des politiques communes dans des secteurs stratégiques comme lagriculture, lénergie, lindustrie. Létape suivante pourrait être la libre circulation des personnes, létablissement dune monnaie commune, et progressivement mettre les jalons dune convergence sur le plan politique. Cest un long parcours qui exige une forte volonté politique, et des étapes avec des échéances bien déterminées. - F.N.H. : Est-ce que, daprès-vous, le moment est propice pour lancer de nouveaux jalons à lintégration maghrébine, sachant que dans les moments de crise le «chacun pour soi» est très fréquent ? - J. K. : Javoue que la conjoncture actuelle, marquée par la crise économique et lexacerbation de la question du Sahara entre lAlgérie et le Maroc, nest guère propice pour lancer de nouveaux jalons à lintégration maghrébine. Il faut attendre une prochaine éclaircie, et ne pas désespérer de construire lunité maghrébine qui est incontournable. En attendant, le Maroc doit renforcer sa compétitivité pour se tourner vers le marché mondial, en développant les secteurs ou il dispose davantages comparatifs.