L'objectif de l'opération est de surmonter les obstacles administratifs et financiers des agriculteurs, et de leur donner l'occasion de se financer pour accompagner la dynamique du Plan Maroc Vert en matière d'investissement. Cette initiative sera menée exclusivement par la banque qui dispose des moyens nécessaires. Les bons résultats dégagés ces dernières années assurent à CAM une bonne marge de manœuvre. Eclairage de Jamal Eddine Jamali, secrétaire général du Groupe Crédit Agricole. - Finances News Hebdo : Pourquoi le Crédit Agricole a procédé à une opération de réhabilitation financière des agriculteurs ? - Jamal Eddine Jamali : Il y a deux éléments essentiels qui ont poussé notre banque à cette opération : d'un côté, il y a une sorte de blocage administratif et financier chez les exploitants clients de CAM. Leurs arriérés sont importants mais ils peuvent être surmontables. Nous avons décidé de réduire les taux d'intérêt, de rééchelonner la dette, surtout pour les clients à jour, et les clients irréguliers. Nous avons également opté pour la suppression des frais de dossier et des pénalités de retard. Il y a, de l'autre côté, la ferme volonté de notre groupe d'accompagner le développement du secteur à travers la dynamique du Plan Maroc Vert. A cet égard, le rééchelonnement permettra de rétablir la capacité d'investissement des agriculteurs. Après étude de dossier de chaque client, notamment ceux qui sont irréguliers ou ceux qui sont à jour. Nous offrons de nouveaux financements sous forme de pack complet par filière (céréales, fruits et légumes, viande rouge, lait, aviculture, activités économiques en milieu rural, etc). - F. N. H. : Est-ce que l'opération sera supportée par la banque où bénéficiera-t-elle de la contribution du gouvernement ? - J. J. : C'est une opération qui sera assurée exclusivement par la banque. Notre mission de service public consiste également à venir en aide aux exploitants en difficulté. La banque a réalisé de bons résultats ces dernières années, et elle dégage suffisamment de ressources pour mener à bien ces actions. - F. N. H. : Mais pourquoi avoir choisi ce timing ? - J. J. : Il y a quelques années, le Crédit Agricole finançait 250.000 agriculteurs; mais en tenant compte des règles prudentielles de Bank Al-Maghrib, on a remarqué que ce chiffre allait de plus en plus en régression. Aujourd'hui, il n'y a que 90 à 95.000 exploitants qui sont financés par CAM, car les autres se trouvent exclus ou en contentieux car ils ne respectaient pas leurs engagements, et sur les 90.000 clients de CAM, 50.000 sont déjà en irrégularité. Si notre banque ne fait rien pour les réhabiliter, le nombre de clients va diminuer davantage, à 30.000 seulement. - F. N. H. : Qu'en est-il de l'enveloppe allouée à cette opération ? - J. J. : Pour l'enveloppe allouée à l'opération pour ceux qui sont en situation irrégulière, il y a 2 Mds de DH, et pour ceux et qui sont à jour, il y a 7,5 Mds de DH. L'objectif de notre opération de réhabilitation est de donner plus de délai à nos clients pour qu'ils puissent rembourser en toute aisance leur échéance. Il y a donc environ 10 Mds de DH de crédit qu'on va réhabiliter. - F. N. H. : Quel est le bilan de Tamwil El Fellah ? - J. J. : Tamwil El Fellah n'est pas ouvert à n'importe quel projet d'investissement. Nous agissons sur les projets gouvernementaux, des projets Challenge Account pour améliorer les revenus des exploitants ; nous ciblons les projets à forte valeur ajoutée et qui répondent aux orientations et à la dynamique du Plan Maroc Vert. Ce sont des projets d'agrégation du type Pilier II. Il y a des aides de l'Etat à travers des subventions, et il y a des financements adaptés qu'on apporte pour réussir le programme. Quelqu'un qui réussit dans Tamwil El Fellah est un client potentiel de la banque. - F. N. H. : Il y a eu une bonne campagne agricole et il y a actuellement les prémices d'une bonne saison ; est-ce que cette tendance a eu un impact sur le remboursement des agriculteurs et sur le nombre des dossiers défaillants ? - J. J. : Effectivement, nous avons constaté qu'il y avait défaillance. Mais il faut rappeler que les agriculteurs traversent dix années de difficultés. Donc, ce n'est pas facile pour eux de reprendre rapidement leur situation en main, d'où la nécessité de cette opération de réhabilitation. - F. N. H. : Comment le CAM peut-il contribuer aux effort de l'Etat en matière de bancarisation, surtout qu'il est implanté dans des régions où les agences bancaires ne sont pas représentées ? - J. J. : En effet, le CAM est installé dans des zones reculées, des régions où le potentiel de bancarisation est prometteur. Le monde rural accuse un déficit en matière de bancarisation, où le CAM est sur un champ de prédilection, alors que le reste du réseau bancaire est implanté essentiellement dans les villes. Notre stratégie consiste toujours à faciliter l'accès à la banque par les ruraux. A cet égard, nous avons lancé les agences mobiles qui peuvent assurer les opérations bancaires basiques. Ces agences sillonnent les souks hebdomadaires et leurs services sont similaires à ceux d'une agence classique. Propos recueillis par Charaf Jaidani