* La situation financière de l'Etat, assez favorable du fait des recettes du tourisme et des transferts RME, aurait pu induire une politique des changes plus flexible, pour encourager les exportations marocaines qui ne représentent plus que 50% des importations. Le projet de Loi de Finances pour 2007 a été approuvé par le Conseil des ministres le 12 octobre 2006. Ce projet se base sur les hypothèses suivantes : une croissance du PIB de 3,4%, un déficit budgétaire de 3,1%, une inflation de 2%, et un prix du pétrole à 65 $ le baril. Ce projet comporte des acquis positifs qu'il convient de souligner. Il conforte les équilibres macroéconomiques, puisque le déficit budgétaire est maintenu à 3,1% du PIB et l'inflation à 2%. Il faut reconnaître au ministre socialiste Oualalou la constance de sa politique budgétaire, puisque depuis neuf ans, il a toujours tenu à sauvegarder les équilibres macroéconomiques de notre pays. L'autre innovation importante est la réforme de l'IGR, devenu IR, réclamée depuis les Assises fiscales de 1999, et qui doit normalement être appliquée à partir du 1er Janvier 2007. Cette réforme qui coûtera à l'Etat 2,5 milliards de dirhams, portera sur trois aspects. Il s'agit tout d'abord du relèvement du seuil non imposable de 20.000 DH à 24.000 DH, ce qui exonérera d'impôts tous les salariés gagnant un salaire mensuel inférieur ou égal à 2.000 DH. Le taux marginal applicable à un salaire annuel supérieur à 120.000 DH sera réduit de 44% à 42%. Ce qui diminuera, il faut le dire très légèrement, la pression fiscale sur les hauts salaires. Enfin, il est prévu une nouvelle tranche de 60.000 à 120.000 DH au taux de 40%. Les calculs du ministère des Finances indiquent que cette nouvelle grille allègera la pression fiscale de 26% pour les petits salaires, et que cette réforme a été possible grâce à l'amélioration des recettes fiscales et à une efficacité plus grande de l'Administration dans le recouvrement de l'impôt. Le second élément positif de ce projet du Budget 2007 est l'augmentation de l'investissement public qui passe d'une moyenne de 20 milliards de dirhams durant les dix dernières années, à 25,3 milliards de dirhams en 2007, soit une augmentation de 17,8% par rapport à 2006. Cette augmentation très bénéfique pour l'économie marocaine, accompagnera les grands chantiers ouverts tels que Tanger-Med, le projet Bouregreg et les autres infrastructures : routes, autoroutes, barrages. Le troisième élément positif est la présentation au Parlement, en même temps que la Loi de Finances, de la réforme de la fiscalité locale préparée par le ministère de l'Intérieur, tendant à réduire et à rationaliser les taxes locales. Cette réforme longtemps attendue, réduira le nombre de taxes à onze au total, remplacera la patente par la taxe professionnelle et la taxe urbaine par la taxe d'habitation. Elle affectera des taxes spécifiques aux régions qui en ont grandement besoin. Enfin, elle introduira le régime déclaratif et l'unicité des procédures de recouvrement. Cependant, le projet de Loi de Finances 2007 présente également des faiblesses. Le taux de croissance du PIB prévu de 3,4% est insuffisant pour promouvoir le développement économique et social de notre pays. Toutes les études, et notamment celle de la Banque mondiale, ont montré que le Maroc doit disposer d'un taux de croissance durable de 6 à 7% pour créer les emplois nécessaires à son développement. Pour assurer ce taux de croissance durable de 6 à 7%, il faut d'une part moderniser notre agriculture pour la rendre moins dépendante des aléas climatiques. Il faut d'autre part, booster le secteur industriel et des services, notamment en développant de nouveaux secteurs d'activité. Il y a lieu dans ce sens d'accélérer le plan «Emergence», en activant les nouveaux secteurs sélectionnés par ce plan, tels que l'offshoring, l'électronique, l'automobile et l'aéronautique. L'autre faiblesse de ce projet de Budget 2007 est la compression insuffisante des dépenses publiques. Alors que les recettes totales ne vont augmenter que de 8,4% en 2007, les dépenses totales vont augmenter de 14,8%. Il est inadmissible, par exemple, que malgré les départs volontaires, la masse salariale va augmenter de 6,9% en 2007 par rapport à 2006. C'est ainsi qu'il est prévu la création de 7.000 postes budgétaires, et la titularisation de 3.000 fonctionnaires. D'après une étude du ministère des Finances, les traitements dans la fonction publique ont augmenté de 7,5% par an durant les dix dernières années. D'un autre côté, les dépenses de matériel au niveau de 17 milliards de dirhams vont également progresser de 5,35% par rapport à 2006. On peut citer également le cas du ministère de l'Education Nationale, dont le budget de 34 milliards de DH accapare 31% du Budget de fonctionnement de l'Etat et dont les performances sont loin de répondre aux souhaits de la société marocaine. Un autre élément très important des dépenses de l'Etat est le coût du service de la charge de la dette publique, qui va augmenter de 32,9% en 2007 par rapport à 2006. Il représente 30,5% du Budget général, bien supérieur au Budget d'investissement, qui ne représente que 12,9% du Budget général. Certes, la dette extérieure a été ramenée à 9,5 milliards de dirhams, mais la dette interne s'est gonflée à 49,5 milliards de dirhams. L'une des causes du fort endettement de l'Etat provient de la charge excessive de la compensation de certains produits de consommation tels que les produits pétroliers et le sucre. Le Budget 2007 prévoit 13,4 milliards de dirhams pour cette charge. On peut regretter également que la réforme de l'IGR n'a pas été accompagnée par celle de l'IS, dont le taux à 35% est trop élevé pour assurer un véritable essor des entreprises marocaines. Enfin, la situation financière de l'Etat, assez favorable du fait des recettes du tourisme et des transferts RME, aurait pu induire une politique des changes plus flexible, pour encourager les exportations marocaines qui ne représentent plus que 50% des importations. En conclusion, la gestion des finances publiques doit s'orienter dans l'avenir sur deux axes principaux. Le premier est la compression des dépenses publiques, par la réduction inéluctable des dépenses de fonctionnement, du service de la dette et de la charge de compensation. Autrement dit, l'Etat doit diminuer son train de vie. Le second axe est l'élargissement du champ de la fiscalité, par l'imposition de tous les secteurs productifs, la diminution des exonérations et un meilleur équilibre entre les impôts directs et indirects. Jawad Kerdoudi, Président de l'IMRI