La relance économique tant souhaitée par les pouvoirs publics suite à la crise sanitaire actuelle qui continue de peser lourdement sur l'économie ne saurait être réelle sans un financement adéquat. Or, nous savons tous que pour remettre certains secteurs sur les rails de la production voire de la rentabilité, l'Etat a cassé la tirelire. Il semble qu'il a bu le calice jusqu'à la lie pour venir en aide à des pans de l'économie très fortement sinistrés. Et ce dans un contexte où les rentrées d'argent se raréfient. En dehors du Fonds Covid-19, il est fait recours à d'autres sources de financement notamment bancaires pour aider le tissu économique dans toutes ses composantes à surmonter les difficultés suite à l'arrêt brutal des activités et à la fermeture des frontières pour les activités fortement dépendantes de l'étranger. Face au resserrement des marges de manœuvre de l'Etat et à la limitation des ressources, on est censé s'interroger sur le rôle du marché des capitaux dans une économie comme la nôtre. Force est de rappeler que depuis plusieurs années, le marché des capitaux subit le plein des réformes afin qu'il puisse accompagner le Maroc dans sa quête continue de l'émergence. A l'instar d'autres économies, le marché des capitaux peut constituer une source de financement complémentaire importante aussi bien pour les entreprises privées que publiques et peut ainsi drainer l'épargne grâce aux mécanismes d'appel public à l'épargne et de levée de fonds auprès d'investisseurs nationaux et internationaux. En effet, en dépit des propos rassurants de Nezha Hayat, présidente de l'AMMC quant à la résistance du marché des capitaux face aux désastres de la crise sanitaire liée à la Covid-19, force est de constater que ledit marché n'a pas été et n'est toujours pas à l'abri de ladite crise. Des mesures ont été déployées à bon escient pour y remédier, mais sont-elles pour autant suffisantes ? « L'AMMC a autorisé 10 émissions obligataires d'un montant total de plus de 10 Mds de DH entre mars et juillet et les levées sur le marché des titres de créances négociables (TCN) ont dépassé les 24 Mds de DH », annonce Nezha Hayat dans une déclaration récente à la MAP. Et d'ajouter : « Nous avons également veillé au maintien de la transparence des émetteurs qui ont respecté leurs obligations d'information malgré les conditions et ont pu répondre à la nouvelle obligation réglementaire de publication d'un rapport ESG (données environnementales, sociales et de gouvernance) ». L'AMMC a aussi ajusté les seuils de variation quotidienne des cours en bourse afin d'atténuer les mouvements brusques des prix des actifs cotés. Les écueils à éviter… Les propos rassurants ne sont pas du goût des opérateurs et des professionnels qui pointent du doigt les difficultés rencontrées par les émetteurs. « Le Private Equity souffre d'un manque d'opportunités de liquidité, que ce soit au niveau de cessions industrielles, d'introductions en bourse ou d'opérations secondaires », explique un opérateur. Et d'ajouter : « Il faudrait poursuivre la recherche d'incitations fiscales ou de levée de toute distorsion défavorable pour canaliser l'épargne longue, notamment des particuliers, vers des instruments innovants et susceptibles d'avoir un impact socioéconomique positif ». Autre écueil sur lequel butent les opérateurs est l'usage insuffisant du rating, en dehors des établissements financiers. Ce dernier continue ainsi à freiner la dynamique du marché des capitaux. Ajoutons à cela l'absence de Market Makers sur des titres de référence, à l'instar des animateurs du marché des bons du Trésor, de tels animateurs devant se développer de préférence en toute indépendance des organismes de crédit bancaire. Le cadre réglementaire n'est pas en reste Le cadre réglementaire reste parfois inexploité. On peut citer à cet égard, le marché international ouvert aux institutionnels, mais dont les montants investis par ces derniers demeurent extrêmement faibles. D'où les questions à se poser : Pourquoi ça n'a pas fonctionné alors que c'est une piste de diversification à exploiter ? Quelles sont les perspectives qui permettraient d'apporter une flexibilité ? Est-ce que les perspectives sont de plus en plus contraignantes pour un investisseur institutionnel afin qu'il puisse accompagner le financement de l'économie et diversifier ses investissements ? Des questions qui taraudent les esprits des plus avertis. Une chose est cependant sûre : la crise sanitaire liée à la Covid-19 a mis à rude épreuve notre économie. S'il y a un enseignement à tirer de cette crise inédite est qu'il ne faut pas trop traîner dans les réformes et donner plus de temps nécessaire au temps parce que le manque à gagner est parfois redoutable. Lire également : Bassim Jaï Hokimi identifie les forces et les faiblesses du marché de capitaux