Fin des dérogations urbanistiques, non-accès au foncier de l'Etat, approche de l'échéance 2020 pour les incitations fiscales, gestation d'un nouveau programme de logement..., autant de nouveaux intrants qui plongent le secteur de l'immobilier dans l'incertitude. Après les annonces du ministre de l'Intérieur sur les nouvelles mesures, Ecoactu.ma a interpellé Taoufik Kamil, Président de la Fédération Nationale des Promoteurs Immobiliers (FNPI) pour prendre le pouls des professionnels. EcoActu.ma : Dans le cadre de la réforme des CRI, le ministre a annoncé récemment que lesdites structures ne seront plus habilitées à octroyer des dérogations urbanistiques. Tout d'abord, qu'est-ce qui explique le recours démesuré aux dérogations ? Taoufik Kamil : Il y a lieu de rappeler que les dérogations aux plans d'aménagement urbanistiques ne sont que des demandes que tout citoyen peut déposer aux autorités compétentes en la matière, auxquelles des réponses favorables ou défavorables sont données par les autorités désignées compétentes ainsi que les Walis. Une étude des besoins et de la cohérence des zones concernées par ces demandes de dérogation motive une réponse favorable ou défavorable à la requête. La pression générée par le déficit en logements qui était en 2010 de 1.2 million d'habitations a par le passé motivé les décisions favorables aux demandes de dérogation déposées. Le déficit en logements aujourd'hui est estimé encore à 400.000 unités. Les demandes sont également estimées à 200.000 unités d'habitation additionnelles par année. La mobilisation de terrains publics dans le cadre de PPP où chaque intervenant public ou privé joue son rôle, peut également apporter de la valeur au dispositif. Comment le secteur a-t-il perçu cette décision ? Et dans quelle mesure risque-t-elle d'impacter la relance du secteur ? La suppression des dérogations doit impérativement être accompagnée par la mise en place de dispositifs urbanistiques adaptés dans l'optique de répondre aux demandes sans cesse croissantes du foncier et notamment dans les grandes agglomérations. Il est à craindre que si aucun ajustement judicieux et rapide des plans d'aménagement ne voit le jour, une plus grande flambée du prix du foncier en découlera automatiquement. La FNPI a, à maintes, reprises attiré l'attention des autorités administratives sur ce point essentiel (parmi d'autres) qui va aggraver la situation de tout le secteur et des emplois qu'il crée, s'il n'est pas résolu par des mesures adéquates. Nous rappelons que le coût du foncier est de plus en plus élevé et peut représenter jusqu'à 60 à 70 % du prix de revient des logements réalisés dans les grandes agglomérations. Le pouvoir d'achat du citoyen marocain est faible, 80% de la demande est concentrée sur des logements ne dépassant pas 200.000 à 400. 000 DH avec des surfaces de 80 à 100 m2. Seules des zones d'aménagements concertées avec le secteur privé et planifiées sur tout le territoire national, pourront permettre de répondre favorablement à cette demande, sans le recours aux dérogations, terrains publics ou dispositions fiscales particulières. Néanmoins, les dérogations doivent être maintenues pour des équipements publics ou privés d'intérêt général (écoles, cliniques, centres de santé…) qui n'ont pas été planifiées ou dont le budget de fonctionnement n'existe pas. 2020 est une année importante pour le secteur puisqu'elle marque la fin des exonérations fiscales et le début d'un nouveau programme de logement. Quelles sont les attentes et les appréhensions de la FNPI pour cette nouvelle étape ? Il est indispensable et urgent de regrouper toutes les institutions administratives (ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme, celui des Finances et de l'Intérieur, DGI, ANCFCC, autorité délégante des régies…) afin d'établir une planification et des orientations et de prendre ainsi des décisions stratégiques pour la prochaine décennie concernant ce secteur dont tout l'écosystème représente 15% du PIB global du pays. Nous déplorons un manque de visibilité total qui aggrave la crise actuelle. Il y a lieu de toucher la réalité des problématiques posées et de mettre en place des solutions qui répondent aux demandes légitimes des citoyens à un droit de logement accessible conformément aux vœux de notre souverain et de notre gouvernement. Cet objectif est « REALISABLE », dans les plus brefs délais (6 à 12 mois). Le ministère de tutelle a récemment entamé l'étude de la phase post-2020 en collaboration avec la Banque mondiale. Qu'en pensez-vous de cette démarche ? La FNPI est prête à apporter toute sa maîtrise et son expérience sur tout le territoire national. Nous sommes disposés également à toute collaboration avec les organismes internationaux. Seule une synergie entre toutes les composantes de l'Etat et le secteur privé permettra d'établir la confiance et de relancer l'investissement dans ce secteur qui générera de nouveau plus d'un million d'emplois.