Depuis quelques années, le Maroc a développé une véritable aura au sein de l'opinion internationale en matière de lutte contre l'islam radical et ses nombreuses conséquences. Les élites religieuses africaines ont été séduites par l'islam du « juste milieu » prôné par Rabat, comme en témoigne la récente mosquée Mohammed VI d'Abidjan. « Après les attentats du 16 mai 2003, le Maroc a réalisé que pour combattre le terrorisme et l'extrémisme religieux, il était primordial de définir une stratégie de lutte antiterroriste et de prévention de la radicalisation multidimensionnelle. À cet effet, un important travail institutionnel a été réalisé au Maroc, en essayant d'utiliser des ressorts médiatiques et pédagogiques pour promouvoir un islam modéré, tolérant et ouvert, en interaction avec d'autres confessions et divers systèmes de pensée. Il convient de citer en ce sens des structures officielles d'encadrement religieux telles que le Conseil supérieur et les conseils locaux des oulémas, la Rabita Mohammadia des oulémas ou encore la chaîne Mohammed VI pour le Coran », lit-on dans un rapport rédigé par l'Institut d'études de géopolitique appliquée. Lire aussi | Vers une « Chalghoumisation » des imams en France ? Le Maroc, sous la houlette de sa Majesté ces dernières décennies, s'est employé à construire un champ religieux permettant de lutter efficacement contre l'extrémisme violent. En ce sens, l'Institut Mohammed VI a été créé pour la formation des imams. Cet institut reçoit des étudiants du Maroc mais aussi d'ailleurs en Afrique. En chiffres, en plus des étudiants marocains, l'Institut accueille plus de 500 étudiants étrangers originaires du Mali, de la Tunisie, de la Guinée Conakry, de la Côte d'Ivoire, du Gabon, du Nigéria, de la Gambie, du Tchad... À la fin de l'année 2022, 2 798 imams ont été diplômés de l'Institut Mohammed-VI. Rappelons que plusieurs puissances régionales utilisent l'islam en Afrique pour servir leurs intérêts hégémoniques. Parmi les candidats les plus redoutables, l'Arabie saoudite (wahhabisme) tente d'imposer sa vision théologique littéraliste et de combattre les autres lectures de l'islam. « En plus du pèlerinage à La Mecque, de ses instances pan-islamiques – Organisation de la coopération islamique (OCI), Banque islamique de développement (BID), Unesco islamique... –, de ses myriades d'ONG, de sa propagande médiatique et numérique, qui bénéficie de relais locaux, l'Arabie saoudite attire de nombreux étudiants subsahariens (17 000 en 2021, contre plus de 19 000 pour le Maroc) », estime Joseph Boniface Camara, chercheur à l'Université de Bourgogne, dans l'un de ces articles sur le sujet du wahhabisme en Afrique. L'alternative marocaine à l'Erasmus wahhabite Depuis des décennies, la région ouest-africaine a été sous l'influence des assauts idéologiques du wahhabisme. Des bourses d'études attrayantes, la construction de mosquées... l'arsenal de la diplomatie saoudienne a conquis plusieurs villes africaines. Au début des années 1980, le roi Fayçal a construit « la plus grande mosquée d'Afrique de l'Ouest » à Conakry, en Guinée (13 000 places), ainsi qu'une grande mosquée à N'Djamena, au Tchad, rénovée en 2022. En 2017, elle a signé un chèque de 3 millions de dollars au profit du gouvernement ivoirien afin d'achever la Mosquée du Plateau, à Abidjan. Lire aussi | Aïd Al Fitr célébré mercredi en Europe et dans plusieurs pays arabes Depuis un certain temps, le Maroc a fait émerger une autre alternative à cet islam « qualifié de radical » qui étouffe bon nombre de fidèles dans les mosquées africaines. En effet, depuis quelques années, le Maroc a développé un soft power religieux sur le continent. Et l'autre levier de cette diplomatie, au-delà de la formation, c'est bien entendu la construction d'édifices religieux. Récemment, l'inauguration de la mosquée Mohammed VI d'Abidjan est un symbole de cette mutation qui est en train de s'opérer sur le continent. D'un montant de 13 millions de dollars, ce joyau a fait beaucoup d'heureux lors de la célébration de la nuit d'Al Qadr. Rappelons qu'entre 2021 et 2022, le royaume a également débloqué une première enveloppe de 900 000 euros pour rénover la Mosquée Mohammed-VI à Yamoussoukro, puis une seconde d'environ 11 millions d'euros afin de construire la Mosquée Mohammed-VI à Conakry, inaugurée récemment. « Le Maroc et ses pays ont toujours eu un lien spirituel ancestral. De plus, le Maroc, au travers de son islam du juste milieu, jouit d'une forme de légitimité », nous confie l'économiste Mehdi Fakir.