L'agitation est à son comble chez les opérateurs des secteurs de la climatisation et des glaces. Si jusque-là, la canicule tarde à s'annoncer comparé à l'année dernière, ces professionnels sont loin d'être inquiets pour la bonne marche de leur business cet été. L'été, c'est demain. Certains professionnels le guette en se frottant les mains. Aux premières loges pour profiter de la chaleur, les distributeurs de climatiseurs et de ventilateurs qui tiennent à ne pas rater cette saison d'été. «La saison se prépare à l'avance. Nous avons commencé les livraisons de notre nouvelle gamme de ventilateurs depuis quelques jours», souligne Jean de Poncins, directeur général de Fagor Maroc. La filiale marocaine du groupe espagnol cible en fait «tous ceux qui aimeraient allier confort et pratique». «Ce nouveau ventilateur de dernière génération est doté d'un écran d'affichage LCD d'où l'usager peut contrôler la température et la puissance et programmer l'heure. Sa consommation est de 55 watts, soit l'une des plus faibles consommations dans cette catégorie de produits», précise le fabricant. Pour son prix fixé à 740 dirhams, Fagor Maroc prévoit d'en écouler près de 500 unités cet été. «C'est pour répondre à une demande que nous avons décidé d'introduire cette nouvelle gamme de ventilateurs», souligne Jean de Poncins. Sur le marché de la climatisation, Fagor Maroc a plutôt préféré se concentrer sur le segment résidentiel (entreprises, bâtiment, hôtellerie…). «Le particulier reste toujours un segment très saisonnier même si nous en avons en Espagne. Au Maroc, nous avons opté pour un positionnement sur les produits qualitatifs», signale le patron de Fagor Maroc. Pourtant, la plupart des opérateurs sont présents sur les deux fronts (résidentiel et particulier). C'est le cas de LG Electronics, qui revendique le rang de N°1 sur le segment résidentiel, aussi bien au niveau mondial qu'à l'échelle nationale, avec 20 à 25 % de parts de marché. «Nos distributeurs agréés qui font de la vente directe ont commencé à faire leurs commandes en avril dernier. Certains parmi eux stockent tandis que d'autres le font à la demande», fait remarquer Youssef Berrada, directeur du département climatisation chez LG Electronics. Engouement rituel pour la clim' Au Maroc, le marché de la climatisation se porte très bien. De plus en plus de personnes équipent domiciles et bureaux. «La demande s'accroît d'année en année avec le boom de l'immobilier, mais elle est particulièrement forte pendant l'été», dit-on auprès de Ventec Maroc, qui représente la marque Carrier. Pour cet autre professionnel, «cet engouement pour les climatiseurs résulte non seulement de la chaleur étouffante durant l'été, mais également de la baisse des prix de ces appareils». Il semble qu'en près de quinze ans, le prix a été divisé par trois. C'est un produit qui s'est démocratisé et qui est maintenant à la portée de beaucoup de personnes, assurent les responsables interrogés. Tout le monde peut se faire installer un climatiseur chez lui. Les distributeurs disposent d'une large gamme de produits. Les climatiseurs muraux (disposés sur les murs) sont très demandés. Ils représentent deux tiers des ventes. Ce sont les moins chers et les plus pratiques, est-il souligné. Il existe aussi les consoles (installées en allège), les gainables (placés dans le faux-plafond), les cassettes (fixées au plafond), les mobiles (climatiseurs sur roulettes) et les armoires (placés verticalement). Au cours de la dernière décennie, les prix ont baissé régulièrement, en parallèle à la réduction progressive des droits de douane. Mais, depuis six ans, le niveau de ces droits s'est stabilisé à 2,5 % (pour les appareils en provenance d'Asie et 0 % pour ceux en provenance d'Europe). Toujours est-il que les prix ont continué à baisser, en raison de l'arrivée massive des produits chinois sur le marché, qui ont tiré les prix vers le bas. «Avec l'entrée en vigueur de l'accord de libre échange avec l'Egypte, les climatiseurs égyptiens sont en train d'envahir le marché en prélude à l'été», signale un professionnel. Aujourd'hui, la concurrence est d'autant plus rude que «beaucoup se lancent dans ce business sans professionnalisme et importent d'Asie des contenaires entiers de climatiseurs», se plaignent les opérateurs du secteur. Selon eux, les appareils sont importés sans pièces détachées et, très souvent, il n'y a ni personnel qualifié ni service après-vente. Pour l'anecdote, le marché est tellement juteux qu'un boucher de Marrakech aurait même abandonné son échoppe pour se lancer dans l'importation de climatiseurs ! Glace : Venezia Ice met le paquet «Pour cet été, nous avons prévu de lancer de nouveaux parfums», renseigne Sghir Bougrine, le patron-fondateur de Venezia Ice, franchise marocaine créée en 1999. L'enseigne, qui aujourd'hui compte plusieurs points de vente à Casablanca, Fès, Marrakech, Agadir et Rabat, vient de s'installer à Tanger le 21 mai dernier. L'ouverture de ce point de vente en période pré estivale n'est pas fortuite. Au Maroc, les grosses consommations de glace ont lieu pendant l'été. Coïncidence ou pas, Venezia Ice, spécialisée dans la fabrication de crèmes glacées artisanales, ouvrira un point de vente ce 21 juin à Mohammedia, puis deux autres à Rabat dans les quartiers de l'Agdal et de Hay Ryad. L'enseigne, qui débite plus de 4.000 litres par jour, va encore revoir sa production à la hausse durant l'été. Un boom qui avait d'ailleurs conduit le fabricant à déplacer son laboratoire du quartier Mâarif à Casablanca au technopôle de Nouacer il y a un peu moins de trois ans. L'entrepreneur marocain avait investi quelque 15 millions de DH pour le développement de la centrale de production, avant de procéder à une extension qui lui a coûté 5 millions de dirhams supplémentaires. «Le secteur est en pleine expansion. La consommation de glaces n'est plus seulement liée au climat, mais également à l'évolution des mœurs culinaires. Le résultat est que nous réalisons aujourd'hui une bonne moyenne annuelle. C'est nous qui avons ouvert le marché», précise Sghir Bougrine. Toujours est-il que les pics de consommation de glace coïncident essentiellement avec la saison chaude. «La chaleur, les MRE et autres estivants sont autant de facteurs qui font exploser les ventes», confie le patron fondateur de Venezia Ice. D'ailleurs, selon de nombreux professionnels, près des deux tiers des ventes annuelles sont réalisées durant la période estivale et notamment en juillet et août. Pour eux, c'est surtout la faiblesse du pouvoir d'achat et les habitudes de consommation qui expliquent cet état de fait. Les glaces demeurent inaccessibles pour une grande partie des Marocains. Certes, l'offre se diversifie et tend à se démocratiser. «La concurrence et la diversification des produits ont permis à toutes les catégories socioprofessionnelles d'accéder aux glaces et crèmes glacées par une offre de prix très compétitifs», dit-on près de Stella. Aujourd'hui, il est possible de déguster des glaces à partir de trois dirhams. Mais, pour les crèmes glacées, et de manière générale pour les marques réputées, il faut compter beaucoup plus. À titre d'exemple, les tarifs pour une crème glacée commencent à 18 DH la boule (à emporter) et peuvent dépasser les 100 DH la composition. Cela dit, une bonne partie de la clientèle («les vrais dégustateurs» selon un fabricant) ne jure que par le haut de gamme et les grandes marques. Il n'en demeure pas moins que, de manière globale, la consommation reste faible. Pourtant, celle-ci est passée de 0,3 litre en 2004 à 0,5 litre par an et par habitant, contre 7 litres sur le pourtour méditerranéen, 3,5 litre en Tunisie et 26 aux Etats-Unis. Par ailleurs, la clientèle demeure essentiellement jeune, les adultes ne dégustant les glaces qu'occasionnellement. Il faut dire que les industriels de la glace sont pour beaucoup dans la démocratisation des produits. C'est le cas par exemple de Pingouin, doyenne du marché, qui a été repris par Mobigen (produits Henry's), et qui est actuellement leader sur le marché. Elle revendique les trois quarts du marché et réalise près de 70 % de ses ventes entre juin et août. «À l'instar de l'été dernier, où nous avions lancé sur le marché de nouveaux produits, nous nous apprêtons à en faire autant d'ici fin juin avec le lancement de produits impulses sous forme de bâtonnets», dit-on auprès de Pingouin. Le portefeuille de la société est composé de trois marques (Pingouin et Miko), auxquelles il faut ajouter les glaces Henry's qui existent sur le marché marocain depuis 1994 et qui représentent quasiment la moitié du chiffre d'affaires de Pingouin. Aujourd'hui, il y a une importante floraison de nouvelles enseignes, franchises ou concepts originaux dédiés à la commercialisation de glaces artisanales fabriquées localement ou importées. L'ancienne formule des glaciers traditionnels consistant à vendre des glaces à côté d'autres produits (café, jus…) est d'ailleurs en passe de céder la place à des points de vente spécialisés, sauf peut-être pour l'incontournable Oliveri à Casablanca. En effet, la concurrence a contribué à faire progresser le marché de la glace artisanale qui représente, aujourd'hui, près de 50 % de la consommation nationale, selon un professionnel. Au Maroc, après Casablanca, c'est la Région Tanger-Tétouan qui s'offre le plus de glace. Et partout la consommation évolue.