L'Etat de santé d'Abdelaziz Bouteflika se détériore, même s'il termine son mandat, il est peu probable qu'il en brigue un autre. Où va l'Algérie. L e président Algérien a quitté le Val de Grâce, pour un autre hôpital du service de santé de l'armée française. Celle-ci, comme d'habitude protège le secret médical et laisse la communication aux officiels Algériens. C'est une coutume chaque fois qu'il s'agit d'un haut responsable étranger soigné en France, ou ailleurs, et il n'y a que les journalistes pour s'en plaindre. Même dans les grandes démocraties, la santé des présidents fait partie des secrets d'Etat. Que dire des pays qui risquent d'être déstabilisés par des annonces alarmantes. C'est donc une pratique censée que celle de laisser à l'Etat concerné, la gestion de la communication. Celle de l'Algérie se veut rassurante. Elle est battue en brèche par la durée de l'hospitalisation et le mutisme du président Bouteflika, qui n'a donné aucun signe depuis plus d'un mois. La thèse de l'AVC léger ne tient plus la route et laisse place à des rumeurs qu'il est inconvenant de relayer. Ce qui est évident, c'est que même si Bouteflika se rétablit, il ne pourra plus briguer un nouveau mandat l'année prochaine. La succession est donc de toutes les façons ouverte. La classe politique algérienne, même avec une pudeur qui l'honore, est sans doute en train d'échafauder des scénarios. Depuis la mort de Boumédiène, c'est l'armée qui a fait les présidents. A chaque fois c'est son candidat qui est passé et haut la main. Cette fois, son poulain n'est pas désigné. Parce que la nature a fait son œuvre, les anciens généraux tout-puissants, les Khaled Nizar, Laâmari et les autres ont passé la main. Si elle reste maître du jeu, la hiérarchie militaire ne paraît plus aussi monolithique qu'avant. Elle a du retard à l'allumage parce qu'une partie de l'Etat-major était dans la perspective d'un nouveau mandat pour Bouteflika. Le dauphin putatif, Belkhadem est chahuté au sein même de son parti. Sa candidature est décrédibilisée. Durant le long règne du président Bouteflika, la personnalité de celui-ci n'a pas permis l'émergence d'un profil de candidat naturel. Les conditions politiques ne sont plus les mêmes. L'Algérie a été préservée de ce que l'on a appelé, bien indûment du reste, le printemps arabe. Les appels à manifester n'ont réuni que quelques centaines d'opposants, les forces de l'ordre étant à chaque fois plus nombreuses. Le peuple algérien, traumatisé par la décennie noire de la guerre civile, s'est refusé à tout aventurisme, à tout affrontement avec le pouvoir en place, qui a montré qu'il était prêt à réprimer durement toute velléité contestataire. Mais le système s'essouffle. Lors des élections législatives, la participation a encore baissé. Les résultats ont confirmé la mainmise de la coalition au pouvoir, suite à des élections jugées « crédibles » par les observateurs. Mais c'est un trompe l'œil. Soixante pour cent des inscrits ne se sont pas déplacés. Une ouverture démocratique Le FLN a été saisi de convulsions suite à ce scrutin. Les opposants démocrates n'ont pas réussi à percer, payant sans doute le prix fort de l'abstention. Le plus remarquable c'est le résultat de la coalition Islamiste, elle a été proprement balayée. Les ersatz du FIS n'ont pas réussi à prendre sa place. Là aussi, la prudence est de mise. Les candidats Islamistes, accusés d'être les Islamistes du système. Leur échec électoral ne signifie pas que la mouvance est affaiblie à ce point. Tous les acteurs, y compris l'armée, doivent agir dans un contexte de déficit d'adhésion populaire. La possibilité d'une ouverture démocratique maîtrisée est donc à l'ordre du jour. C'est la seule voie pour revitaliser un système qui ne s'appuie que sur la rente des hydrocarbures pour gérer le pays. Les affaires de corruption et de népotisme touchent les plus hautes sphères, y compris le propre frère et conseiller d'Abdelaziz Bouteflika. Malgré la manne pétrolière, l'Algérie a les mêmes déficits sociaux que les autres pays de la région. Son classement en termes d'indice du développement humain, alors même que l'Etat dégage des excédents importants, est un vrai mystère qui approfondit la crise de confiance. Peu ou prou, le futur président devra répondre à cette attente. Le profil du candidat de l'armée, logiquement, s'en trouve marqué. Un sid Ahmed Laghzali ou un Hamrouche aurait fait l'affaire, mais ils ont été grillés dans les phases précédentes des luttes de pouvoir. En ce qui concerne les rapports entre le Maroc et son voisin, il n'y a pas de chamboulement à attendre. Ce ne sont pas les présidents successifs, mais l'establishment algérois qui développent, par atavisme, une inimitié, pour ne pas dire plus, face au Maroc. Il y a une continuité depuis cinq décennies. Mais si à Alger le développement économique devient central, une question comme l'ouverture des frontières pourrait devenir négociable. Ce qu'il faut espérer c'est que l'ouverture démocratique soit la plus large possible pour ébrécher le corsage du système, dont le nerf central reste l'armée et les sécuritaires.