A en croire les documents secrets déclassifiés, mercredi 18 janvier, par l'Agence centrale de renseignement américaine (CIA), concernant le conflit du Sahara et le rôle de l'Algérie, le gouvernement de ce pays misait sur l'épuisement du Maroc, lié au coût de la guerre et de la mobilisation permanente de près de 100 000 soldats. Selon une note de la CIA, datée d'avril 1987, l'Algérie estimait donc que le poids économique du conflit aurait raison de la volonté marocaine. Relatant les positions des belligérants (Maroc et Front Polisario), la CIA explique que ni l'un ni l'autre n'était en mesure de remporter une victoire militaire décisive, permettant de mettre définitivement fin au conflit. L'Algérie, qui soutenait déjà le processus d'indépendance du Sahara, l'avait également compris. Ainsi, plutôt qu'une victoire militaire, le gouvernement de ce pays à l'époque, misait sur l'épuisement du Maroc. Cela dit, les différentes parties prenantes et l'Algérie semblaient bien conscientes de l'impasse de la situation et s'accordaient sur la nécessité d'une solution politique, poursuit la CIA. Ainsi, des négociations directes auraient eu lieu entre les gouvernements algérien et marocain, assure l'agence américaine. Dans le même temps, l'Algérie semblait proche d'un compromis, prévoyant une large autonomie du Sahara occidental inclus dans le Maroc mais sous une forme fédérale et sous tutelle des Nations Unies, à en croire le document. Algérie-Maroc : les scénarios de la CIA En mars 1987, un rapport de la CIA sur les relations entre l'Algérie et le Maroc explique qu'aucun des deux pays ne souhaite une guerre. Le rapport évalue cependant quelques scénarios, avec par exemple l'hypothèse d'un envoi de guérilleros algériens de l'autre côté de la frontière, ou de bataillons armés pour soutenir le Polisario, le Maroc étant peu préparé pour gérer la première option en particulier. La CIA répète que si l'Algérie ne se lance pas dans ce genre d'initiative, c'est probablement pour éviter une guerre directe avec son voisin. L'agence évalue cependant les facteurs qui pourraient provoquer une guerre (détérioration économique, pression radicale à Alger, mauvais calcul militaire…). L'agence liste aussi des options que chacun des deux pays pourrait utiliser pour faire pression sur l'autre Pour le Maroc : raids surprises, faire planer des bombardiers au-dessus des régions clés… Pour l'Algérie: bombardement d'aérodromes, envoyer deux ou trois bataillons au nord du mur pour épuiser les défenses, mais se replier avant l'arrivée des renforts… Selon la CIA, l'Algérie surestime l'ampleur des relations entre les Etats-Unis et le Maroc, tout geste (militaire) mettant en péril « les efforts américains pour maintenir une relation cordiale avec Alger ». Le 17 mars 1983, un papier intitulé « scénarios de guerre entre Algérie et Maroc » avait été diffusé à plusieurs dizaines de destinataires. Une large part du document reste classifiée, donc masquée, mais les destinataires dont les noms sont apparents sont de hauts représentants de l'Etat américain (Maison blanche, Pentagone, Navy, administration…)