Zineb El Adaoui, présidente de la Cour des comptes, a consacré une part importante de son rapport annuel 2023-2024 au secteur énergétique marocain, dévoilant plusieurs irrégularités devant Leïla Benali, ministre de la transition énergétique et du développement durable. Parmi les points saillants figurent «l'inefficacité des mesures de l'efficacité énergétique, le non-respect des réserves obligatoires de produits pétroliers et l'absence de progrès significatifs dans le développement du secteur du gaz naturel.» Dans son exposé devant le Parlement, El Adaoui a souligné «l'urgence de concevoir, d'adopter et de mettre en œuvre une stratégie nationale pour l'efficacité énergétique», insistant sur la nécessité d'un cadre incitatif pour encourager les mesures en ce sens. «Bien que l'efficacité énergétique soit érigée en priorité nationale dans la stratégie énergétique marocaine, aucune stratégie spécifique n'a été adoptée à ce jour. Les mesures mises en œuvre se révèlent limitées et peu efficaces», a-t-elle affirmé. Elle a également relevé que le taux d'économie d'énergie n'a atteint que 5,8 %, un chiffre bien en deçà de l'objectif de 20 % fixé pour 2030. Parmi les causes de ce retard, elle a cité le manque de ressources financières, l'adoption tardive de certains textes d'application liés à la loi n°47.09 sur l'efficacité énergétique, ainsi que l'absence d'un cadre incitatif adéquat pour promouvoir une véritable culture de l'efficacité énergétique. Concernant le secteur des hydrocarbures, El Adaoui a souligné l'urgence de mettre en place des mécanismes efficaces pour gérer et surveiller les stocks stratégiques. «Depuis l'adoption de la stratégie en 2009, les réserves des différents produits pétroliers sont restées inférieures au seuil réglementaire de 60 jours», a-t-elle précisé. À titre d'exemple, les stocks de gazole, d'essence et de butane ne dépassaient respectivement que 32, 37 et 31 jours en 2023. Elle a également relevé que la diversification des points d'entrée des importations pétrolières demeure limitée, avec une seule nouvelle infrastructure ajoutée à Tanger Med depuis le lancement de la stratégie énergétique 2009-2030. Pour le gaz naturel, El Adaoui a déploré l'absence d'achèvement des initiatives amorcées dès 2011, freinant les efforts de transition énergétique destinés à réduire progressivement l'usage du charbon dans la production d'électricité. Elle a appelé à élaborer une stratégie officielle pour ce secteur, dans un cadre légal approprié et en coordination avec les acteurs concernés afin de développer un marché compétitif et attractif pour les investisseurs. Le rapport a néanmoins mis en avant certaines avancées significatives réalisées dans le cadre de la stratégie énergétique nationale. Le Maroc occupe désormais la quatrième place en Afrique et la troisième dans le monde arabe en termes de capacité installée de production d'électricité à partir de sources renouvelables. La part des énergies renouvelables dans la capacité totale est passée de 32 % en 2009 à 40 % fin 2023, atteignant 44,3 % en août 2024. Cependant, pour atteindre l'objectif de 52 % fixé à l'horizon 2030, il est impératif d'accélérer la réalisation de nombreux projets, notamment ceux soumis par le secteur privé et en attente de validation en raison des limites de capacité du réseau de transport électrique. La gouvernance du secteur énergétique a également été critiquée. El Adaoui a noté «le faible recours aux contrats-programmes entre l'Etat et les entreprises publiques du secteur énergétique.» Depuis 2008, seuls deux contrats ont été signés avec l'Office national de l'électricité et de l'eau potable, couvrant respectivement les périodes 2008-2011 et 2014-2017. En conclusion, la responsable a exhorté à une planification énergétique plus holistique, intégrant non seulement la production et le transport de l'électricité, mais aussi la sécurisation des approvisionnements, l'efficacité énergétique et la diversification des sources d'énergie. Un tel effort, selon elle, «est essentiel pour garantir une transition énergétique réussie et atteindre les objectifs ambitieux fixés par la stratégie nationale.»