Soixante ans après l'indépendance de l'Algérie, les relations entre Paris et Alger restent marquées par un antagonisme profond, mêlant rancunes historiques et conflits géopolitiques. Dans un article éclairant publié par Le Nouvel Obs, la journaliste Sara Daniel dresse un portrait sans concession d'un divorce jamais pleinement consommé, où chaque contentieux semble raviver des plaies mal cicatrisées. «L'Algérie cherche à humilier la France», déclare Bruno Retailleau, président des Républicains, dans une critique acerbe relayée par Sara Daniel. Ce constat trouve un écho dans les discours incendiaires qui pullulent sur les réseaux sociaux. Certains influenceurs n'hésitent pas à proférer des menaces explicites : «Brûler vif, tuer et violer sur le sol français », ou encore « On va vous faire comme dans les années 1990», une référence directe aux attentats sanglants du Groupe islamique armé (GIA). Ces mots, accompagnés de gestes mimant l'égorgement, rappellent les heures les plus sombres de l'histoire franco-algérienne. L'écrivain Boualem Sansal, figure critique du régime algérien, incarne à lui seul les tensions actuelles. Gravement malade, il est emprisonné depuis près de deux mois, provoquant l'inquiétude en France et des appels répétés à sa libération. Pourtant, sur les réseaux sociaux algériens, certains réclament qu'il soit «torturé» et «sévèrement corrigé», comme le souligne Sara Daniel. Ces attaques ciblent également les opposants au régime d'Alger, illustrant un climat de répression accrue contre toute voix dissidente. Un geste diplomatique perçu comme une trahison Derrière cette flambée de tensions se cache une raison géopolitique majeure : la reconnaissance par Emmanuel Macron, en 2020, de la souveraineté marocaine sur le Sahara. Pour Alger, ce soutien explicite à Rabat, ennemi déclaré de l'Algérie, a constitué un affront de taille. «Ennemie déclarée du Maroc, l'Algérie a compris que la France se détournait d'elle au profit de son voisin», écrit Sara Daniel. Le président Abdelmadjid Tebboune, autrefois allié personnel d'Emmanuel Macron, perçoit désormais cette décision comme une trahison, renforçant un sentiment d'abandon de la part de Paris. L'accord franco-algérien de 1968 en question Face à ces tensions, des voix s'élèvent en France pour réclamer un durcissement des relations bilatérales, notamment autour de l'accord de 1968, qui facilite le regroupement familial et l'installation des Algériens en France. «La première urgence, c'est d'avoir le courage de dénoncer cet accord», a écrit Edouard Philippe dans une tribune citée par Sara Daniel. Cet accord, devenu selon ses détracteurs une véritable «filière d'immigration à part entière», est aujourd'hui au cœur des débats. Gabriel Attal, ministre de l'Education, prône une approche ferme : «Il faut assumer le rapport de force», déclare-t-il, tandis que d'autres responsables, tels que Jean-Noël Barrot, admettent que la France pourrait être contrainte de «riposter» si l'Algérie persiste dans cette posture d'escalade. Un divorce consommé ? Cette crise, déjà aggravée par la détention de Boualem Sansal, s'inscrit dans un contexte de rupture où se mêlent mémoire coloniale et rivalités contemporaines. Sara Daniel conclut son analyse en affirmant que l'Algérie «entre dans une histoire qui la déshonore», pointant une dérive préoccupante des relations entre les deux pays. Alors que le temps des symboles semble révolu, la France pourrait bien être, à en croire les déclarations des ministres du gouvernement Bayrou, tentée d'acter définitivement un divorce qu'Alger refuse encore de reconnaître et d'assumer pleinement.