Dans cet entretien, Mohamed Taoufik Adyel, Ex-Ingénieur Général et Conseiller de Ministres de l'Energie, des Mines, de l'Eau et de l'Environnement du Royaume du Maroc, Conseiller et Expert International en Energie, Eau, Environnement et Développement Durable et membre de l'Académie française de l'Eau livre son analyse de la stratégie énergétique du Maroc, lancée en 2009 avec des objectifs ambitieux à l'horizon 2030. Il nous explique pourquoi il est nécessaire de faire un bilan à mi-parcours de cette stratégie, et quels sont les principaux enjeux et défis à relever pour la réussir. Il nous propose également des pistes de réforme et d'amélioration, en tenant compte plusieurs aspects dont : la valorisation des acquis et la correction des insuffisances, ainsi que l'adaptation de la stratégie énergétique aux évolutions du contexte national et international, la consolidation des réformes, la mise en place d'un cadre législatif et la prise en compte des interactions du Nexus : Energie-Eau-Climat-Environnement-Alimentation. Maroc diplomatique : Pouvez-vous évoquer les orientations stratégiques et les perspectives de développement durable du secteur énergétique au Maroc, ainsi que les impératifs de la transition énergétique ? Pouvez-vous porter un regard sur ces perspectives et préconiser des recommandations à cette fin ? Mohamed Taoufik Adyel: Le Maroc connaît une réelle dynamique globale vertueuse de réformes majeures et un vaste chantier de programmes d'envergure entrepris sous la conduite éclairée de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Que Dieu L'assiste, afin d'assurer un développement durable bénéficiant à tous nos concitoyens et à toutes les régions de notre pays, notamment dans les secteurs de l'Energie et de l'Eau. Cette dynamique vient compléter les importantes réformes et mesures entreprises sur les plans économique et social afin d'assurer une croissance économique durable, de promouvoir l'emploi, de soutenir le secteur privé, d'accompagner les initiatives des jeunes, d'améliorer l'attractivité des investissements directs étrangers, de lutter contre la pauvreté et l'exclusion, de réduire les disparités régionales, de mieux intégrer le Maroc à l'économie mondiale et de renforcer son rôle et son rayonnement international, notamment en Afrique. Notre secteur de l'Energie se trouve à un moment particulièrement important dans le processus que nous avons initié, conformément aux priorités de notre stratégie énergétique, en vue de la réalisation de projets majeurs et l'adoption de réformes ambitieuses nous permettant un développement accéléré des énergies renouvelables, une promotion volontariste de l'efficacité énergétique et une inscription accrue dans la dynamique de développement de la coopération régionale et internationale et d'intégration des marchés régionaux de l'énergie. Ces projets et réformes permettront de lancer le Maroc dans la course vers l'objectif de la transition vers un système énergétique sûr, concurrentiel et à faible teneur en carbone, capable de s'adapter et de libérer les énergies requises pour ses propres modernisation et développement. Stratégie et gouvernance du secteur énergétique Compte tenu de l'impératif de veiller au suivi et à l'évaluation des actions entreprises depuis la mise en œuvre de la stratégie énergétique de 2009 visant des objectifs à l'horizon 2030, il est nécessaire d'effectuer une évaluation à mi-parcours de cette stratégie. En particulier, cette évaluation devrait permettre : * de mettre en exergue les acquis et les insuffisances et de mettre en œuvre les éléments nécessaires pour l'actualisation et l'amélioration de ladite stratégie énergétique qui devrait être plus intégrée plutôt qu'en silos ; * de proposer les réformes nécessaires afin de : consolider les acquis ; remédier aux insuffisances ; accélérer les actions ; améliorer la gouvernance et le cadre institutionnel du secteur ; renforcer la cohérence des politiques et les capacités de convergence des stratégies sectorielles ; contribuer au développement durable du pays et à son rayonnement aux niveaux africain et international ; * de proposer les compléments requis pour la mise en œuvre d'un cadre législatif, réglementaire et incitatif attrayant, cohérent, clair et stable afin de donner la visibilité nécessaire aux opérateurs et investisseurs, d'accélérer la réalisation des projets de développement des énergies renouvelables et de donner une impulsion forte à la promotion de l'efficacité énergétique ; * de prendre davantage en considération les interactions du Nexus : Enegie-Eau-Climat-Environnement-Alimentation. A ces égards, compte tenu de l'implication d'acteurs multiples dans le développement du secteur énergétique, il conviendra également d'adopter une approche inclusive en organisant un débat national aussi large que possible sur le développement de ce secteur. Les énergies renouvelables : L'impératif d'irriguer le territoire national En 2023, les énergies renouvelables ont représenté près de 41 % de la capacité électrique installée au Maroc, contribuant à près de 20 % du mix énergétique total. Selon ses engagements climatiques au niveau international, le Maroc devrait faire passer la part des énergies renouvelables dans la puissance électrique installée totale à 52% à l'horizon 2030 (solaire : 20% ; hydroélectricité : 20% ; éolien : 12%). La puissance électrique d'origine renouvelable en cours d'installation par MASEN est actuellement de près de 3.6 GW. Quant à lui, le groupe OCP vise l'installation d'une puissance de 5 GW d'énergies renouvelables à l'horizon 2027. Parallèlement à la réalisation de ces projets de grande envergure, le secteur privé contribue également aux efforts d'installation de centrales utilisant les énergies renouvelables, conformément aux dispositions de la Loi 13-09 et à son amendement par la Loi 40-19. En dépit de cette dynamique, l'accélération de notre transition énergétique requiert de relever quelques défis, notamment liés au cadre législatif et réglementaire. Il s'agit en particulier de l'accélération de l'adoption des décrets d'application de la Loi 82-21 relative à l'autoproduction d'énergie électrique et de l'intégration dans ces textes de dispositions permettant, notamment, de promouvoir l'autoproduction d'électricité verte et de mieux préserver les intérêts du grand nombre d'auto-producteurs existants et potentiels, particulièrement dans les secteurs résidentiel et industriel. En particulier, cette orientation permettrait : * d'adopter des dispositions réglementaires et fiscales plus incitatives pour le développement de l'autoproduction électrique verte (simplification des procédures de mise en œuvre des projets ; abaissement des droits de douane pour l'importation des batteries pour le stockage, en attendant la mise en place d'industries locales de fabrication de ces équipements ; accentuation de l'effort de baisse de la TVA sur l'ensemble des équipements requis) ; * d'autoriser les auto-producteurs verts d'injecter leur excédent dans le réseau, avec rémunération juste, au-delà du seuil maximum actuel de 20% de leur autoproduction annuelle. En optant pour des dispositions d'ouverture de la Basse Tension et de la Moyenne Tension, nous permettrions aux énergies renouvelables d'irriguer le territoire national et aux auto-producteurs existants ou potentiels dans les secteurs résidentiel et industriel de contribuer à l'atteinte de nos objectifs en termes : de développement des énergies renouvelables ; d'engagements climatiques internationaux du Maroc ; de réduction de notre dépendance énergétique ; de décarbonation de notre économie ; de promotion de l'emploi (selon les estimations d'une étude récente, l'ouverture de la BT permettrait de créer quelques 30.000 emplois, notamment pour les techniciens) ; et de mise des énergies renouvelables au service d'un grand nombre de ménages et d'industries. La décarbonation : un chantier prioritaire pour le développement de notre économie Le Maroc s'est doté d'une Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) ambitieuse qui vise la neutralité carbone à l'horizon 2050. L'ambition de la SNBC s'articule principalement sur : l'accélération du développement des énergies renouvelables ; une forte promotion de l'efficacité énergétique ; la promotion de villes durables sobres et intelligentes ; le développement d'une agriculture et d'écosystèmes forestiers durables, climato-intelligents et résilients. De ce fait, l'énergie occupe une place primordiale dans la trajectoire de neutralité carbone de développement et d'émissions nationales à l'horizon 2050. En particulier, la SNBC est parfaitement en ligne avec le chantier colossal de décarbonation que nous devons entreprendre afin de faire face aux exigences climatiques de l'Union Européenne qui a instauré une taxe sur le contenu en carbone à ses frontières, qui devrait concerner plus de 70% de nos exportations. L'ampleur des efforts que nous devrons déployer est d'autant plus grand que nous partons d'une part prépondérante du charbon dans la production de notre électricité (67 %), qui situe notre contenu en carbone à un niveau particulièrement élevé (quelques 700 gCO2/kWh, alors que les pays de l'UE sont à moins de 100 gCO2/kWh). L'efficacité énergétique : Priorité de la transition énergétique La promotion de l'efficacité énergétique est un axe prioritaire de notre stratégie énergétique. Elle est l'une des deux jambes de notre ambition de transition énergétique et devrait recevoir toute l'attention qu'elle mérite. Or le potentiel de gain en efficacité énergétique est important : environ 15 %/an. Mais ce potentiel est considérable lorsqu'on l'évalue de manière dynamique, dans la mesure où le Maroc est un pays en pleine construction (notamment en matière de logements, d'infrastructures, d'industries, d'hôtels, de mobilité, etc.) et que les gisements d'économie dans des équipements naissants sont très grands. Nous devons donc mener une politique volontariste d'efficacité énergétique et mettre en œuvre un Plan d'Action ambitieux dans ce domaine. Notre action doit cibler les principaux secteurs consommateurs, notamment l'industrie, le transport, l'habitat et l'hôtellerie et faire appel à un ensemble de mesures en termes : d'exemplarité ; d'éducation, de sensibilisation et d'incitation ; de formation ; de législation et de réglementation ; de normes et de standards ; de mécanismes innovants de financement (tiers-investisseur ; financements verts ; etc.). Le développement du gaz naturel Grâce à sa faible teneur en carbone, sa souplesse d'utilisation et sa polyvalence, le gaz naturel devrait être un élément essentiel de notre mix énergétique, de la stratégie de transition énergétique et de la décarbonation du Maroc. En outre, le gaz naturel permettra une plus grande pénétration des énergies renouvelables intermittentes dans le réseau et apportera plus de stabilité et d'efficacité au système électrique national. Par ailleurs, le gaz naturel permettra d'améliorer les performances de certaines industries, notamment grâce aux opportunités qu'il procure pour le recours à la cogénération (production simultanée d'électricité et de vapeur), d'une part, et offrira, à terme, une énergie souple et performante pouvant irriguer le secteur résidentiel, d'autre part. Plusieurs actions ont été menées durant les quelques dernières années pour le développement du gaz naturel au Maroc : Elaboration d'un Code gazier et d'un Plan de développement gazier. Une feuille de route pour le développement du gaz naturel est actuellement en cours d'élaboration par les Pouvoirs Publics. Elle permettra, en particulier, de bâtir un marché du gaz intégrant les meilleures pratiques internationales, de structurer un partenariat public-privé (PPP) pour le développement d'une infrastructure gazière durable et d'intégrer des perspectives d'accès à long terme du Maroc à l'hydrogène. Parallèlement à la mise en œuvre de cette feuille de route, il est également impératif d'élargir au Gaz naturel les compétences de l'Autorité Nationale de Régulation de l'Electricité, s'agissant de deux industries de réseau qui fonctionnent pratiquement de la même manière. Recherche-Développement-Innovation Il convient de souligner l'importance de l'action menée par l'Institut de Recherche en Energie Solaire et Energies Nouvelles (IRESEN) qui permet de consolider et de mettre en réseau nos capacités de recherche et de développement sur des thèmes ciblés, notamment liés au développement et à l'industrialisation de solutions et de filières technologiques innovantes pour le secteur de l'énergie. Par ailleurs, il semble pertinent de développer des technopôles permettant d'associer des entreprises innovantes, notamment internationales, des centres de recherche et d'organismes de formation, engagés dans une démarche partenariale afin de dégager des synergies autour de projets innovants, particulièrement en matière d'énergies renouvelables et d'efficacité énergétique. Le renforcement des moyens humains : condition indispensable au développement de notre secteur énergétique Outre leur formation, il est nécessaire d'accompagner les lauréats de nos Instituts de Formation aux Métiers des Energies Renouvelables de l'Efficacité Energétique (IFMEREE d'Oujda, Tanger et Ouarzazate) afin de les intégrer au marché et de les aider à créer leur propre entreprise pour ceux qui le souhaitent : Incubation ; accompagnement technique et financier des Start up ; etc. L'énergie Urbaine durable : Le véritable combat Le Maroc connait une urbanisation galopante, principalement dans les villes du littoral, et qui s'accompagne d'une dégradation environnementale grandissante : conséquences attendues du dérèglement climatique ; perte massive des terres agricoles de bonne qualité et de la biodiversité ; pollution des eaux souterraines ; insuffisance de l'accès à une eau potable de qualité et à des services d'assainissement ; gestion inappropriée des déchets ; impacts négatifs sur l'environnement et la santé humaine ; dégradation continue des sols et des ressources naturelles ; déficit de gestion des arrière-pays ; absence d'un réseau de transports adéquat ; développement insuffisant de l'inter-modalité. Cette problématique urbaine est l'un des enjeux les plus lourds, les plus écrasants et les plus immédiats auxquels nous devons faire face en ce début du 21ème siècle. Notre ambition et notre action pour assurer un développement urbain durable doivent être à la hauteur de ces enjeux. Nos villes doivent conduire des politiques territoriales écologiquement responsables, être des acteurs majeurs de la transition énergétique du pays et entreprendre des programmes intégrés, afin d'agir sur l'ensemble des leviers dans plusieurs secteurs : urbanisme ; habitat ; transport ; services publics d'eau, d'assainissement, d'énergie et de déchets. Nos villes de plus de 50.000 habitants devraient accompagner leurs documents d'urbanisme de Plans d'Action Energie Durable-Climat intégrant : des actions à plusieurs niveaux : Bâtiments économes en énergie ; Modernisation de l'éclairage public ; Gestion intégrée et optimisée avec valorisation énergétique des déchets ; Energies renouvelables pour les besoins des services communaux ; Mobilités urbaines durables ; Rationalisation du patrimoine communal ; Charte de bonne gestion énergétique communale. Une réalisation réussie de tels Plans d'Action suppose des prérequis incontournables : une planification urbaine appropriée ; une démarche centrée sur l'exemplarité ; des actions de sensibilisation et d'éducation ; le renforcement des compétences des ressources humaines des communes ; le recours à des Partenariats Public-Privé et à des financements internationaux, notamment liés à la lutte contre le changement climatique. En outre, la mise en œuvre desdits Plans d'Action pourrait tirer profit d'une mise en réseau aux niveaux national et international permettant de partager les expériences et les bonnes pratiques, ainsi qu'une implication dans des réseaux de coopération internationale et décentralisée (jumelages ; Cités et Gouvernements Locaux Unis ; Adhésion à la Convention des Maires ; etc.). Enfin, nos villes gagneraient à participer à des compétitions internationales afin d'obtenir des trophées et des distinctions impliquant des remises en question permanentes, un suivi, une évaluation à l'international et des comparaisons avec d'autres villes à haut niveau d'exigence. La régulation de l'électricité Le cadre législatif du secteur des énergies renouvelables (loi 13-09) permet l'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité verte (production ; commercialisation ; export ; réalisation de lignes directes de transport ; clients THT/HT ; principes d'ouverture pour les clients en MT). Afin d'accompagner ces mutations profondes, de contribuer au bon fonctionnement du marché électrique, d'accroitre l'attractivité du secteur pour les investisseurs privés et de permettre à terme de converger vers le marché européen de l'énergie, le cadre législatif a été renforcé par l'adoption de la loi 48-15 sur la régulation du secteur de l'électricité qui prévoit : l'adoption des principes nécessaires à la régulation, notamment ceux régissant la gestion du réseau électrique national de transport et des réseaux électriques de distribution ; la mise en place d'une Autorité Nationale de Régularisation de l'Electricité (ANRE). Le rôle attendu de cette Autorité est primordial pour le développement du secteur de l'électricité : programme pluriannuel des investissements relatifs au réseau électrique national de transport et aux interconnexions ; fixation des tarifs d'accès au réseau électrique national de transport et aux réseaux électriques de de distribution ; développement des énergies renouvelables ; règlement des différends ; etc. En fait, cette Loi vient combler une lacune du paysage énergétique national dans la mesure où l'ANRE est pratiquement la dernière-née des Autorités de Régulation énergétique de l'espace euro-méditerranéen, même si ses compétences se limitent au secteur de l'électricité alors que toutes les autres autorités de régulation des pays méditerranéens sont également compétentes pour le secteur du gaz naturel. Opportunités de l'introduction de l'option électronucléaire L'énergie nucléaire pourrait s'inviter à l'avenir comme une option intéressante dans le mix énergétique de notre pays. Néanmoins, l'introduction de l'électronucléaire ne semble pas opportune à court et moyen termes pour les raisons suivantes : * La taille encore insuffisante du réseau électrique national et l'impératif de tenir compte du critère de ratio de 15 % environ de la puissance de l'unité introduite relativement à la puissance électrique totale installée, sachant que les puissances des unités nucléaires standards s'élèvent à 900 MW, voire 1300 MW ; * L'opportunité d'introduire un parc de centrales nucléaires plutôt qu'une unité nucléaire isolée ; * L'investissement très lourd requis ; * Le niveau d'exigence très élevé requis tant en matière de sûreté nucléaire que de compétence des ressources humaines ; * Le retour d'expérience relativement insuffisant pour les réacteurs de petite taille destinés aux pays en développement ; * La non pertinence de l'argument avancé que le Maroc dispose d'uranium dans ses phosphates, dans la mesure où des gisements considérables d'uranium à ciel ouvert existent de manière très compétitive à travers le monde (Kazakhstan ; Canada ; Australie ; Namibie ; ....) * La dépendance attendue du Maroc pour le cycle du combustible (technologie d'enrichissement de l'Uranium que détient un nombre très restreint de pays ; gestion à très long terme des déchets). La décompensation progressive du butane : Une priorité La subvention du butane constitue un fardeau particulièrement lourd pour le budget de l'Etat. En outre, cette subvention envoie un signal inapproprié au consommateur, induisant une utilisation non rationnelle et de mauvais arbitrages. De ce fait, cette subvention va à l'encontre du développement des énergies alternatives, notamment renouvelables. Enfin, cette subvention bénéficie surtout aux ménages aisés dans la mesure où ils consomment les plus grandes quantités de butane. En conséquence, il est particulièrement indiqué de procéder à la suppression progressive de cette subvention et d'octroyer des aides ciblées aux ménages les plus démunis. Quel regard portez-vous sur les opportunités de renforcement de la coopération du Maroc avec les autres pays africains dans le secteur énergétique ? Que proposez-vous pour le renforcement du rayonnement du Maroc de l'énergie en Afrique ? Le secteur énergétique africain fait face à plusieurs défis : Situation énergétique contrastée, dans la mesure où les ressources potentielles sont considérables mais non exploitées ; Mix énergétique peu diversifié avec prédominance de la biomasse. Par ailleurs, la plupart des pays africains souffrent d'un accès insuffisant à une énergie moderne, abordable et fiable, particulièrement pour les tranches à faible revenu de leur population : Près de 650 millions de personnes n'ont pas encore accès à l'électricité en Afrique subsaharienne ; Le taux moyen d'électrification global de la population africaine s'élève à peine à 40 % ; Ce taux dépasse 50 % dans seulement 19 pays ; le taux d'électrification rurale de l'Afrique est d'à peine 23 % et est inférieur à 5 % dans au moins 17 pays. De nombreuses actions et initiatives internationales ont déjà été menées, en appui aux efforts des Etats, pour réduire la pauvreté énergétique africaine. Par ailleurs, les pays africains doivent impérativement améliorer la gouvernance et le cadre législatif et réglementaire de leur secteur énergétique afin d'attirer le financement privé et faire face à l'ampleur des investissements requis. Le Maroc accompagne déjà depuis plusieurs années une quinzaine de pays africains pour le développement de leur secteur énergétique, particulièrement dans le domaine de l'électricité : Assistance technique, études et développement d'infrastructures électriques (centrales de production ; réseaux de transport et de distribution ; électrification urbaine ; éclairage publique) ; Développement de Systèmes d'Informations ; Formation et gestion des ressources humaines ; Echange de visites. Cette contribution devrait se développer davantage et se matérialiser à plusieurs niveaux, permettant de partager l'expertise et l'expérience acquises par le secteur énergétique marocain. Parmi les domaines potentiels d'accompagnement du Maroc, on peut citer en particulier : * La gouvernance du secteur énergétique, notamment par la mise en œuvre des éléments importants suivants : Stratégie énergétique appropriée ; Dispositif institutionnel optimisé ; Cadre législatif et réglementaire clair, cohérent, stable et incitatif ; Conditions requises pour l'édification de marchés énergétiques nationaux et régionaux. * Le développement de l'accès à l'électricité L'expérience marocaine d'électrification rurale a été une réussite totale : Taux d'électrification rurale : 18 % en 1996 – 98 % en 2012 et 99.9 % aujourd'hui ; Population bénéficiaire : 12,8 Mhab. Cette expérience est déjà partagée avec quelques pays africains (contrats de concession d'électrification rurale dans deux régions du Sénégal et projets au Mali, au Tchad et au Niger) et pourrait être mise à la disposition d'autres pays africains. * La valorisation du potentiel considérable d'énergies renouvelables par la mise en œuvre de programmes ambitieux : intégrant les aspects technique, institutionnel, législatif, réglementaire, incitatif et financier ; et faisant appel à tous les acteurs concernés. * La mise en œuvre d'une politique volontariste d'efficacité énergétique, intégrant la mise en œuvre : d'institutions dédiées, dotées des compétences humaines adéquates ; d'un dispositif législatif, réglementaire et incitatif approprié ; des mécanismes de financement novateurs (Tiers-investisseur ; finance verte ; ...). * Le renforcement les compétences humaines des pays africains en les faisant bénéficier des infrastructures relativement développées au Maroc pour la formation des techniciens dans les métiers de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables (notamment les IFMEREE d'Oujda, de Tanger et de Ouarzazate). * Le développement de marchés énergétiques régionaux intégrés, priorité stratégique majeure. La coopération énergétique régionale revêt une grande importante dans la mesure où elle permet de : sécuriser les approvisionnements ; développer les échanges transfrontaliers ; mutualiser les efforts pour optimiser le développement des infrastructures requises, notamment les centrales électriques ; bénéficier des complémentarités entre mix énergétiques ; promouvoir les projets d'énergies renouvelables ; et mettre en œuvre des marchés énergétiques régionaux intégrés. A ce jour, cinq organisations énergétiques régionales sont en place en Afrique (Power Pools), permettant de tirer profit des avantages d'une intégration régionale des marchés de l'énergie : Afrique australe (le plus avancé) ; Afrique de l'Ouest (en cours de développement) ; Afrique centrale ; Afrique de l'Est ; Comité Maghrébin de l'Electricité (actuellement à l'arrêt alors qu'il avait précédé les quatre autres commissions thématiques mises en œuvre lors de l'avènement de l'UMA pour renforcer la coopération énergétique maghrébine). Le projet de Gazoduc Africain Atlantique Nigéria-Maroc contribuera à la mise en œuvre d'une interconnexion gazière au sein des pays de la CEDEAO. En outre, ce gazoduc d'environ 5.600 km, qui longera la côte ouest-africaine depuis le Nigeria, en passant par 11 pays jusqu'au Maroc et qui disposera d'une capacité maximale de 30 milliards de m3 gaz naturel par an, permettra de fournir quelques 18 milliards de m3/an pour l'exportation vers l'Europe. Ce Gazoduc, qui favorisera l'électrification et la satisfaction des besoins en gaz naturel des pays traversés, sera relié au Gazoduc Maghreb-Europe et au réseau gazier européen et permettra également d'alimenter les Etats du sahel (Niger, Burkina Faso et Mali). L'accompagnement du Maroc contribuerait à renforcer la coopération régionale et à faire avancer ces organisations vers la mise en œuvre effective de marchés énergétiques régionaux intégrés. L'importance de cet accompagnement est parfaitement en ligne avec : la volonté du Maroc de se rapprocher des pays de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ; le lancement par le Maroc de l'Alliance Atlantique Africaine ; l'Initiative Royale en faveur des Etats du Sahel ; le rôle de 1er plan que le Maroc devrait jouer en contribution à la réalisation des objectifs de développement durable de l'Afrique (vision 2063) sous l'égide de l'Union Africaine.