Les autorités ont beau promettre monts et merveilles aux populations de Tiaret, mais la réalité est têtue. Les habitants de cette localité déshéritée de l'Algérie demeurent confrontés à une crise de soif sans précédent. Depuis plusieurs semaines, les manifestants avaient coupé les routes principales de la ville avec des arbres ou des pneus enflammés. L'ultimatum de 48 heures fixé par Abdelmadjid Tebboune s'est terminé depuis belle lurette. La promesse de deux semaines donnée par le ministre de l'intérieur arrive aussi à son terme, sans que les habitants ne puissent retrouver de l'eau dans les robinets. Sur fond de contestation populaire alimentée par les pénuries d'eau, le président Abdelmadjid Tebboune a dû reporter, sine die, un déplacement à Tizi Ouzou, en Kabylie, où il avait prévu d'officialiser sa candidature à un deuxième mandat. Plusieurs localités du nord et de l'ouest touchées par la soif sont en proie à des actions de protestation. Dans certains quartiers traditionnellement à la pointe des manifestations, de petits groupes s'étaient positionnés en de nombreux endroits névralgiques alors que des policiers munis de matraques ou d'armes automatiques surveillaient la situation de plus près. L'Associated Press (AP), l'un des rares médias internationaux autorisés à se rendre sur les lieux, fait état de «violentes émeutes» à Tiaret, «après des mois de pénurie d'eau qui ont asséché les robinets et contraint les habitants à faire la queue pour obtenir de l'eau pour leur foyer.» À l'instar de tous les observateurs, l'agence de presse n'a pas manqué de relever le black-out total imposé par le régime sur les événements en cours dans cette région du Nord-Ouest, peuplée de près d'un million d'âmes. «La nouvelle des tensions s'est répandue sur les réseaux sociaux, mais n'a guère fait parler d'elle en Algérie, où de nombreux journaux et chaînes de télévision dépendent des recettes publicitaires de l'Etat», souligne AP dans son reportage. Par ailleurs, l'Algérie est un pays où le stress hydrique s'aggrave d'année en année, selon l'institut américain World Resources Institute. Le média américain apporte une preuve supplémentaire consolidant la crédibilité des rapports internationaux sur la détérioration des libertés en Algérie, depuis la prise de pouvoir, en 2019, par le général Saïd Chengriha, qui est le véritable décideur dans le pays. «La liberté de la presse dans le pays est de plus en plus restreinte et, ces dernières années, des journalistes ont été emprisonnés», écrit AP, dont le constat corrobore les différents récits sur l'ambiance de terreur et de peur qui règne actuellement en Algérie. Au milieu de cette tragédie humaine, les autorités de Tiaret ont trouvé le temps d'organiser leur festival culturel local, «dans une ambiance joyeuse et conviviale qui met à l'honneur la lecture et la culture.»