Les habitants de Tiaret, au nord-ouest de l'Algérie, n'ont plus que deux semaines à tenir sans eau, à en croire une promesse du ministre de l'intérieur. Ils doivent s'attendre au pire quand on connaît les promesses creuses du régime algérien et son incurie politique. Cela faisait déjà plus d'une vingtaine de jours que la population de cette région déshéritée est confrontée, dans l'ignorance totale, à la coupure de l'alimentation en eau potable. Bien évidemment, le problème est passé sous silence dans les médias locaux, rattrapés finalement par l'éclatement de protestations violentes, le week-end dernier. Le pourrissement de la situation et la crainte d'un nouveau Hirak a poussé le président Abdelmajid Tebboune à en parler ouvertement dimanche, ordonnant le déplacement dans la wilaya d'une délégation officielle pour éteindre le soulèvement. «La mesure la plus importante (prise par le chef de l'Etat) est mon déplacement à Tiaret en compagnie de mon collègue, le ministre de l'Irrigation, pour trouver les solutions adéquates et trouver les solutions conjoncturelles à la situation», a déclaré le ministre de l'Intérieur Brahim Merad. En quoi le déplacement d'une délégation ministérielle peut-il mettre fin à la soif d'un million d'habitants de la région ? Les propos du ministre pourraient faire bondir toute personne normalement constituée. Mais, dans «la superpuissance régionale», la déclaration n'a pas suscité la moindre indignation. Deuxième mesure annoncée, le ministre a évoqué la mobilisation d'une flotte d'une centaine de camions-citernes pour approvisionner la ville de Tiaret, chef-lieu éponyme de la wilaya, et les communes avoisinantes. Une centaine de citernes pour des centaines de milliers d'âmes, il faut vraiment oser ! Dans un pays vivant constamment dans une réalité parallèle, le ministre a promis l'accélération de la réalisation d'ouvrages hydrauliques sous quinze jours, comme s'il s'agissait de repeindre la façade d'un immeuble. Pourtant, tout profane en génie civil peut parler pendant des heures de la complexité de la conception et de la mise en œuvre de tels ouvrages. Le problème de l'eau à Tiaret et en Algérie, en général, n'est pas récent. Mais la nouveauté réside dans l'incompétence criante des responsables désignés par Tebboune et la politique délibérée de faire taire les problèmes, en exerçant un contrôle strict sur la presse et la société, comme dans un univers orwellien. Les promesses officielles vont vite se heurter à la réalité. Dans des vidéos postées sur les réseaux sociaux, de simples citoyens de Tiaret assurent qu'il n'y a plus aucune goutte d'eau dans les barrages de la région, mettant en garde contre une explosion sociale, dont l'ampleur est imprévisible. Il y a quelques jours, fin mai dernier, la ville d'Oran, deuxième ville du pays, et ses alentours ont été complètement privés de l'eau potable. Plus aucune goutte dans les robinets pendant une semaine. Encore aujourd'hui, les coupures et les rationnements restent fréquents dans plusieurs secteurs. Même la capitale Alger est touchée par le phénomène. Au cours des derniers jours, des activistes et des personnes lambda ont filmé de longues files de citoyens attendant leur tour pour remplir de l'eau dans des bidons, des seaux ou tout ce qu'ils leur tombent sous la main. En Algérie, plus de la moitié de la population vit dans des zones soumises à un stress hydrique élevé ou très élevé, selon les chiffres de la Banque mondiale. Le problème de l'accès à l'eau potable y provoque, depuis le début des années 2000, des mouvements de protestation qui ont souvent dégénéré en heurts, notamment au nord. La société civile algérienne met en garde contre un possible « Hirak de la soif » dans des zones défavorisées étranglées déjà par de vives tensions sociales.