A Tagounit, rendue célèbre par son centre de détention secret, les journées se suivent et ne se ressemblent pas. Depuis que la canicule s'installe, le rationnement d'eau se fait de plus en plus rare. Reportage. Depuis 2002 la localité de Tagounit souffre d'un problème de raréfaction d'eau potable. La région qui se trouve à 70 Km au sud de Zagora dans la vallée de Ketaoua, une oasis autrefois verdoyante est actuellement sous le joue de la sécheresse et du délaissement. A plusieurs reprises, les habitants du centre de Tagounit et des Douars environnants, avaient organisé des sit-in de protestation contre le manque d'eau et l'exclusion sociale, notamment de 2002 à 2007. La protestation est montée d'un cran. Le 16 mai dernier, une vingtaine de familles du douar de Tiraf, ont fait une tentative de marche vers la frontière algérienne qui se trouve à 7 Km du Douar. Selon Jawad Chahid, acteur associatif à Tagounit : «A plusieurs reprises, les responsables locaux ouvrent le dialogue avec la population, et font des promesses qu'ils ne peuvent pas tenir». Fait nouveau dans cette région délaissée, ce sont les femmes qui ont pris le relais pour protester et intensifier le mouvement de revendication du droit à l'eau, face au mutisme des instances élues et même des représentants de la population. Quelques associations locales, essaient de prendre le relais, en s'impliquant dans des petit projets de développement durable. A Tagounit, rendue célèbre dans les années de plomb par son centre de détention secret, qui n'était qu'un ancien Ksar du pacha El Glaoui, les journées se suivent et ne se ressemblent pas. Allons nous mourir de soif demain ? Au moment de la canicule, le rationnement en eau se fait de plus en plus rare. Fixé à cinq litres par personne, elle est distribuée tous les trois ou cinq jours. Au café du village, un thé à la mente coûte 10 DH, une somme exorbitante dans cette région où l'argent n'est pas monnaie courante. Ici tout le monde ne parle que du problème de l'eau. Allons nous mourir de soif demain ? Se demandent les gens ici. Si rien n'est fait dans l'urgence, c'est une vraie catastrophe qui risque de se produire dans cette région, avance Khalid Tahiri, un instituteur en poste à Tagounit. A quelques kilomètres de là, à la Zaouia de Sidi Saleh, le chemin qui mène vers la place du village est désert. De temps en temps, des silhouettes de femmes vêtues de noir apparaissent portant des bidons d'eau. Pourtant, dans cette région, un important effort de modernisation a été fait. Une route secondaire qui relie Tagounit à Sidi Saleh a été construite, l'électrification et la construction d'un établissement, accueille des centaines d'élèves de l'enseignement public. Pourtant, tout ce travail risque d'être compromis, si le problème d'eau potable continue. A l'école primaire de Beni Sbihe à quelques kilomètres de Sidi Saleh, les instituteurs et les élèves ont déserté l'école avant même la fin de l'année scolaire. Le manque d'eau et la canicule imposent un calendrier qui n'a rien à voir avec celui de l'administration Centrale. Même l'inspecteur pédagogique, qui vient de la délégation de Zagora, doit faire sa tournée en prenant en compte les aléas de la nature, une tempête de sable qui rend la route dangereuse ou des crues d'oueds qui bloquent les routes pendant les orages A la localité de Tagounit, les journées des habitants sont rythmées au rituel quotidien de l'acheminement de l'eau, du puits à l'entrée du village vers les habitations en pisé. Pourtant, le seul point d'eau foré par la commune, est partagé entre deux garnisons de l'armée, le 34e mahkzen mobile de Tagounit et toute la population locale. 20 centimes le bidon d'eau, c'est le prix à payer à la commune par monsieur tout le monde. Pourtant, les quelques rares touristes occidentaux qui passent dans leurs gros 4X4 vers Mhamid Lghizlan, ne savent même pas pourquoi des centaines de gens se regroupent autour d'un point d'eau jour et nuit, eux qui descendent dans des hôtels avec piscine et baignoires à Zagora. Depuis 2000, la nappe phréatique descend de plus en plus bas, ce qui se répercute sur la qualité de l'eau. En effet, l'eau de la région de Tagounit est imbuvable, elle est mélangée à des sédiments qui altèrent son goût. Depuis cette date, la commune est obligée d'acheminer l'eau douce par camion citerne et rationaliser sa distribution, une solution que les habitants de Tagounit ne tolèrent plus, au point que des centaines de familles ont immigré vers d'autres villes. Dans des quartiers entiers à Tagounit et Zaouia Sidi Saleh, les maisons sont vides, leurs habitants ont choisi de s'installer à Zagora ou même à Laâyoun en attendant des lendemains meilleurs. Dernièrement, un château d'eau a été construit et du matériel de dessalement de l'eau va être installé. Pourtant, les responsables locaux sont pessimistes, l'opération de dessalage peut ne pas donner de résultats, car le problème est lié à la gestion de l'eau au niveau national. Tiraf partir ou mourir de soif Dans le Douar de Tiraf, un des 33 douars de la commune de Kettaoua et des plus pauvres aussi, la station de pompage d'eau «Boulkhikh» n'est pas raccordée au réseau électrique de l'ONE. La pompe à eau est à la merci des pannes de moteur. Les gens ne paient pas l'eau, étant donné leur faible revenu. Une situation que les acteurs locaux jugent néfaste pour toute tentative de rationalisation de la consommation d'eau. L'utilisation aussi des techniques traditionnelles de stockage d'eau de pluie, comme les «metfias», est recommandée aussi.