La communauté internationale semble, depuis 2016, compter davantage sur le Maroc pour exporter plus largement son modèle de stabilité et son modèle sécuritaire en Afrique. Un tel pas suppose développement socio-économique, développement humain, arsenal juridique adapté, évolutif, et adoption des mesures exigeant le respect des droits de l'homme dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Que faut-il croire alors ? ce postulat qui suppose une validation du cadre juridique global ou des rapports ou "enquêtes" comme celle de Forbidden stories et Amnesty International ? Celle-là même qui a subi un traitement différent selon que la presse est française ou anglo-saxonne, plus circonspecte en général, chaque média comprenant un fort département juridique, car on n'y badine pas avec le droit ni avec la loi ? Comment la communauté internationale en est-elle arrivée à consacrer le leadership du Maroc en tant que pourvoyeur de stabilité et de sécurité en Afrique et ailleurs de par le monde par le biais de la coopération sécuritaire ? Tout d'abord, quelle est cette reconnaissance dont on parle largement, mondialement, mais qu'on évoque peu ou prou en faits tangibles internationalement actés ? Commençons par le début, sur le plan international et ensuite sur le plan national. Le leadership du Maroc a été entériné par des décisions fortes comme la co-présidence du Maroc du Forum Global de Lutte contre le Terrorisme (GCTF) depuis 2016 avec les Pays-bas puis à partir de 2020, avec le Canada, et dont la mission est d'endiguer le recrutement de terroristes et d'accroître les capacités civiles des pays de faire face aux menaces terroristes sur leur territoire et dans leur région ; l'ouverture du bureau programme des Nations unies pour la lutte contre le terrorisme et la formation en Afrique (ONUCT) inauguré le 24 juin 2021 à Rabat. Ce bureau installé à Rabat a pour mission de renforcer les capacités des Etats membres, via l'élaboration de programmes nationaux de lutte antiterroriste ainsi que la formation en Afrique. On se souvient de Felipe VI d'Espagne, exprimant le 17 janvier 2022 officiellement sa reconnaisance à l'annonce d'un futur bureau régional de l'ONUCT (ONU contre terrorisme) à Madrid et consacrant l'importance et la prééminence du burau programme que l'UNOCT a ouvert au Maroc en juin dernier. Et pour cause, il s'agit du premier sur le continent africain et le seul Bureau Programme consacré nominativement à la formation dans le domaine du Contre-Terrorisme à même de dispenser des formations sur mesure aux pays de l'Afrique du Nord et de l'Afrique Sub-saharienne. Pour ce faire, un pays, doit dans ses approches sécuritaires et de renseignement, avoir la capacité effective d'identification, de développement et de dissémination de standards comportementaux liés au respect et à la protection des Droits de l'Homme. En clair, l'ONU n'aurait pu assigner au Maroc la tâche de former aux standards comportementaux liés au respect et à la protection des Droits de l'Homme si son espace de liberté et de droit n'était pas régi par un cadre institutionnel juridique évolutif et crédible. Et pour cause, en 2005, une résolution onusienne adoptée par le Conseil de Sécurité, va changer les procédés sécuritaires dans la coopération entre pays dépendamment de leur respect des mesures qu'elle comporte. Il s'agit de la résolution 1624 concernant l'incitation aux actes terroristes, accompagnée d'une mesure exigeant le respect des droits de l'homme dans le cadre de la lutte anti-terroriste. Le choix, également, du Maroc en tant que co-président du nouveau groupe de Travail consacré à l'Afrique, "l'Africa Focus Group", au sein de la Coalition Internationale contre Daesh en décembre 2021, confirme ce rôle de leader du pays au niveau régional et international dans la lutte contre le terrorisme, le soutien à la paix, la sécurité et la stabilité en Afrique. Un rôle, qu'appuient des réunions de premier plan organisées au Maroc comme la réunion de la Coalition internationale contre Daech prévue le 11 mai prochain. Sa force, le Maroc la tient de la compétence et de la vigilance de ses services sécuritaires certes, mais aussi de la coordination entre échanges d'informations entre eux, dans un cadre légal bien défini. On apprend à travers l'entretien avec le directeur du BCIJ, M. Habboub Cherkaoui, que le Maroc croit fermement à l'impératif de coopération entre tous les services sécuritaires aux plan national et international. Il illustre l'impact de cette croyance par les résultats qui ont consacré cette reconnaissance mondiale. De 2002 à aujourd'hui, le Maroc a démantelé 213 cellules terroristes. Mais la lutte contre le terrorisme n'est pas que sécuritaire, comme il le souligne. Elle est aussi idéologique. On apprend ainsi, au travers de l'entretien accordé à Barlamane.com par le directeur du BCIJ, que cette coopération est l'alpha et l'oméga de la stratégie nationale de lutte antiterroriste et contre le crime organisé et qu'elle touche plusieurs volets institutionnels. En plus d'exporter son modèle sécuritaire à travers la formation, le Maroc forme depuis la création de la Fondation Mohammed VI des Oulémas africains en 2015, les prédicateurs et promeut un islam tolérant dans les pays où l'islam existe. Cette action s'inscrit, dit-il, dans une diplomatie religieuse pour contrecarrer le discours haineux en Afrique dont le Sahel. Il a également fallu réformer et renforcer l'arsenal juridique tout comme le cadre socio-économique et sécuritaire, toujours évolutifs. Monsieur Habboub Cherkaoui, parlant des services sécuritaires, affirme pour Barlamane.com, que le Maroc développe toujours ses mécanismes, ses outils pour faire face à la lutte contre le terrorisme. Sa force d'adaptation et de réponse à ce fléau confirme sa position de leader mondial. Il a donc, sur le volet juridique adopté la loi anti-terroriste 03-03 en date du 28 mai 2003, qu'il a renforcée, une fois qu'est apparue l'existence de combattants de la région Syro-irakienne rejoignant le Sahel, source de préoccupation pour le royaume, par la loi 86-14 en date 20 mai 2015. Celle-ci incrimine le ralliement ou la tentative de ralliement des foyers de tension ainsi que l'entraînement, la formation et l'enrôlement d'autrui dans des entités organisationnelles criminelles ou terroristes à l'intérieur ou à l'extérieur du territoire national. Sur le plan sécuritaire, continue M. Cherkaoui, le Maroc a adopté la biométrie empêchant la falsification des documents d'identité par les groupements terroristes et a déployé le plan Hadar dans les points névralgiques. La création du BCIJ en mars 2015, ajoute M. Cherkaoui, est venue renforcer l'appareil sécuritaire. Composé de deux brigades de lutte contre le terrorisme, une unité de lutte contre le crime organisé, une unité technique, il comprend également des services dont les forces spéciales qui participent aux opérations. La réforme du champ religieux, elle, a été actée par la mise en place du Conseil supérieur des Ouléma, qui a permis l'unification du prononcé de la fetwa, et de la Fondation Mohammed VI des Oulémas africains, de formation dans le cadre de la coopération Sud-Sud ; elle s'est poursuivie par le lancement de la radio Mohammed VI pour le Qoran, l'intégration de la femme dans le champ religieux via les formations des mourchidates au sein de l'Institut Mohammed VI pour la formation des Imams Morchidines et Morchidates crée en 2014. Toujours dans le cadre des affaires de terrorisme, les détenus islamistes qui le souhaitent peuvent bénéficier du programme volontaire 'Réconciliation" (Mousala7a) lancé en 2017 en vue de leur permettre une réconciliation avec le texte religieux et la société en vue de leur réinsertion une fois leur peine purgée, nous informe M. Cherkaoui. Et enfin, pour boucler les volets intégrés dans la stratégie nationale de lutte contre le terrorisme, déployés sur le plan national, le Maroc a mis en place, sur le plan socio-économique, dès 2005, plusieurs projets socio-économiques pour faire face à la précarité et à la pauvreté comme le lancement de l'initiative nationale pour le développement humain. Cette approche multidimensionnelle et intégrée dans la stratégie nationale de lutte contre le terrorisme a conduit un nombre conséquent de pays à" croire que la DGST est un partenaire expérimenté et privilégié pour une lutte commune contre le terrorisme et le crime organisé", affirme M. Cherkaoui. Il évoque également le rôle du capital humain, en plus des moyens logistiques, matériel et éthique. Il prend pour exemple le pôle DGSN/DGST coiffé par une seule personne. Pour le directeur du BCIJ, ce fait sert la coordination sur tous les plans, le social et le développement humain, y compris. Il en conclut que la production sécuritaire du Maroc est parfaite". C'est ce qui explique qu'il s'agit d'un "produit qui nous est jalousé, et que nous partageons et exportons", maintient-il. Ce qui ressort de tous ces faits est que la dynamique de coopération sécuritaire semble inscrite dans l'ADN du royaume. Elle s'est mise en place bien avant la mise en oeuvre de la coalition internationale de lutte contre le terrorisme (voir tableau ci-dessous). Et c'est au fil des de toutes ces années que la communauté internationale a eu le temps d'apprécier la mise en convergence des outils ou mécanismes législatifs et de développement humain avec les standards internationaux. Bien que les conditions internationales se soient musclées et amplifiées, concernant la coopération en matière de contre-terrorisme et contre le crime organisé en 2001, le Maroc partageait les renseignements en ce sens, bien avant cette période. Certes, c'est au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 aux USA et de leur condamnation quasi générale que certaines mesures sont adoptées internationalement, avec plus ou moins de suivi. La majorité des pays adhère dès lors à la coalition internationale de lutte contre le terrorisme pour combattre El Qaeda et tout réseau criminel qui cible les personnes et les pays pour les destabiliser. Parmi elles, l'adoption de la résolution de l'ONU n°1373 qui comporte une force obligatoire pour tout Etat signataire. cette résolution est liée à la répression du financement du terrorisme et elle exige aussi des Etats qu'ils mettent en place un contrôle strict des migrations, notamment en « sécurisant » les frontières, etc. Cette mesure a joué un rôle non négligeable dans la mise en place de passeports biométriques, ou de bases de données ; le renforcement du partage du renseignement et la coopération, s'agissant des risques ou menaces terroristes , l'accroissement de la coopération policière internationale ainsi que de la coopération entre services de renseignement, et les tentatives de réorganisation politique du Moyen-Orient décidée par l'administration Bush (projet du « Grand Moyen-Orient » porté par les néoconservateurs) ont eu les conséquences que l'on sait en Irak et Syrie et sur le ralliement de combattants de l'Etat islamique, disséminé par les forces de la coalition internationale en 2014, au Sahel comme on l'a vu dans le deuxième article consacré aux entretiens avec le directeur du BCIJ, M. Habboub Cherkaoui, pour Barlamane.com. La recrudescence des cellules terroristes, notamment à la faveur de la migration de ces combattants de la zone syro-irakienne, continue d'inquiéter le Maroc dans cette région déjà infestée principalement par Al Qaeda, AQMI et EIGS – ces deux dernières comme on l'a vu précédemment puisant leurs origines dans les GIA ( des années 90) et GSPC algériens qui sévissent encore au Sahel. Elles ont même contre toute attente, proliféré à l'époque où le pouvoir algérien bénéficiait de plus d'aides financières, logistiques et techniques en tant que chef de file de la lutte antiterroriste au Sahel. Rappelons, à ce propos, que le Maroc au lendemain des attentats meurtriers de Casablanca en 2003 et de Madrid qui ont suivi en 2004 a totalement éradiqué le GICM (Groupe islamique des Combattants marocains) , qui utilisait également le Sahel dans les années 90 comme base arrière pour préparer les actes de déstabilisation du Maroc et pays tiers. Il semble que les coopération internationale, triangulaire et Sud-Sud ainsi que l'échange de renseignements et la formation, dans un cadre de développement humain intégré, dont les mesures liées à la migration et la sécurisation ds frontières (telles que prescrites par la résolution de l'ONU n°1373) constituent les bases du leadership du Maroc. "Amen to that", comme disent les anglo-saxons. Pourvu que la porosité des frontières au Sahel et le développement socio-économique fassent l'objet d'une mobilisation internationale pour une Afrique pacifiée. DES ETAPES CLES DE LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME & DEVELOPPEMENTS Avant 2001 : la DGST (anciennement DST) a alerté la communauté du renseignement sur l'intérêt porté par Al Qaida à la zone du Sahel en tant qu'espace opérationnel en perspective. 1998 : les informations de la DGST sont corroborées par les attentats visant les ambassades américaines respectivement à Nairobi et à Dar Es Salaam en Tanzanie. 2001 : Attentats du 11/09 New York : La majorité des pays condamne l'attaque et adhère à la coalition internationale de lutte contre le terrorisme pour combattre El Qaeda et tout réseau criminel cliblant les personnes et les pays pour les destabiliser Destruction du camp d'entraînement Khalden en Afghanistan Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, l'apport de la DGST a été déterminant dans la localisation et la destruction du camp grâce aux renseignements communiqués au partenaire US Résolution de l'ONU n°1373 Force obligatoire pour tout Etat signataire : répression du financement du terrorisme, contrôle strict des migrations, sécurisation des frontières 2003 : attentats du 16 /05 Casablanca GICM (Groupe islamique des Combattants marocains)
2004 attentats du 11/03 Madrid GICM Le Maroc éradique le GICM Le démembrement des cellules acquises au GICM au Maroc permet depuis 2004 à un grand nombre de partenaires européens de démanteler à leurs niveaux dans leurs pays respectifs et à temps, des cellules interconnectées, constituées de vétérans d'Afghanistan, chargés d'exfiltrer les terroristes du Maroc et d'accueillir les terroristes formés dans les camps d'Al Qaeda en Afghanistan 2005 : résolution 1624 Elle concerne l'incitation aux actes terroristes, et s'accompagne d'une mesure exigeant le respect des droits de l'homme dans le cadre de la lutte anti-terroriste. 2008- présent : Sahel/Sahara Démembrements de cellules du polisario (EIGS, AQMI) s'activant au Sahel et arrestation de 100 combattants, visant la MINURSO, des personnes ou missions humanitaires et de la société civile, institutions américaines, françaises, espagnoles, nigériennes, burkinabés, maliennes. 2011 affaire d'Amgala :Hicham Debja en relation avec l'émissaire Nourredine Lyoubi au Sahel au Mali, en détention au Maroc. Affaire traitée par les services sécuritaires du Maroc notamment le BCIJ. 2014 : Mali, Gao neutralisation d'Ahmed Al-Tilemsi Haut responsable du groupe djihadiste sahélien Al-Mourabitoun ((« les Almoravides », fusion de son mouvement MUJAO et de moulathamoun "enturbannés" de Mokhtar Ben Mokhtar) acquis à AQMI, mort dans une opération des forces françaises dans la région de Gao en 2014. C 'est grâce au renseignement marocain que les Français ont pu l'appréhender. 2015 attentats du 13/11 à Paris Partage par le Maroc d'informations concernant Abdelhamid Abaaoud (EI). il sera abattu par les forces françaises à Paris 2016 : 13/03 attentats Côte d'Ivoire Assistance des services de sécurité marocains (cadre de coopération Sud-Sud de formation d'officiers)* dans les enquêtes menées dans le cadre de l'attentat de l'hôtel Grand Bassam revendiqué par l'AQMI. 2019 : Mali, neutralisation de Ali Maychou Considéré comme le numéro 2 du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM), une organisation djihadiste reliée à Al-Qaïda, il a abbattu par les forces françaises au Mali. Neutralisation de l'opérationnel marocain, en coordination entre les services marocains et français. 2021 : USA Janvier : Cole James Bridges/Memorial Manhattan La DGST fournit des renseignements concernant le militaire américain Cole James Bridges, sympathisant de l'EI, planifiant un attentat terroriste contre le mémorial de Manhattan. Il a pu ainsi être arrêté. Mars Action préventive de la DGST permet aux USA de procéder à des arrestations (sur la base des informations de sécurité ayant abouti au démantèlement le 25 mars 2021 d'une cellule terroriste à Oujda planifiait de rejoindre les camps de l'EI au Sahel pour mener des opérations de combat 2021 : France Renseignements du maroc concernant la femme ayant planifié un attentat contre une église en France. *Coopération Sud-Sud, en matière de lutte contre le terrorisme, du Maroc avec les pays africains dans son espace vital et sécuritaire, comprend également la formation d'officiers des pays comme le Gabon, la Côte d'Ivoire le Burkina Faso, la Guinée Conakry, Madagascar, et la Tanzanie.