L'arrivée du ministre de la défense israélien, Benny Gantz au Maroc, qui fait suite à celle du ministre des affaires étrangères, Yaïr Lapid, en août, le déplacement de plusieurs autres délégations économiques, le lancement de liaisons aériennes et la signature d'un accord de coopération sécuritaire, tout cela a provoqué une vive panique en Algérie. Solution trouvé par le régime : un vil instrumentalisme de la cause palestinienne. Alors que ses relais trafiquent les images d'une petite manifestation organisée récemment par une coalition propalestinienne de partis et d'ONG d'extrême-gauche, ainsi que les islamistes du mouvement Justice et Bienfaisance, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a annoncé lundi «l'octroi d'une aide de 100 millions de dollars à l'Autorité palestinienne, à l'occasion d'une visite à Alger de son président Mahmoud Abbas» alors que son pays traverse une vive crise économique. «En application des résolutions pertinentes de la Ligue arabe, l'Etat algérien a décidé d'offrir (à M. Abbas) ce chèque portant sur une contribution financière de l'Algérie de l'ordre de 100 millions de dollars», a déclaré M. Tebboune lors d'une conférence de presse conjointe avec le dirigeant palestinien. À la vérité, l'appareil militaro-sécuritaire, confronté à un contexte général et régional qui lui est nettement défavorable, marqué par l'isolement diplomatique du pays, la répression de la contestation politique, et la mise à l'écart des voix dissidentes, profite du dorissier palestinien pour en découdre avec le Maroc. Abdelmadjid Tebboune a en outre indiqué que l'Algérie souhaitait placer la cause palestinienne au cœur du sommet arabe qu'elle doit accueillir en mars, malgré certaines contestations sur l'exercice solitaire mené par Alger pour préparer cet événement, dont l'échec prématuré s'annonce tonitruant. Il a par ailleurs annoncé, selon les médias algériens, que son pays envisageait d'accueillir «prochainement» une conférence regroupant «toutes les factions palestiniennes», une initiative destinée à favoriser «une réconciliation entre le Fatah, le parti de M. Abbas, et le Hamas, mouvement islamiste.» Comme le dit Kamel Daoud, «la cause palestinienne a été tellement dévoyée [par certains régimes] qu'elle a perdu sa valeur aux yeux des jeunes générations. Loin d'être une cause politique, la Palestine est devenue un défouloir collectif, on arbore son nom, on le crie dans les rues arabes et dans les mosquées quand on sent que la virilité arabe est en cause. Car dans cet imaginaire collectif, gangrené par le religieux, le mot Palestine ne renvoie ni à une géographie ni à une histoire, mais à une frustration collective.» Les annonces algériennes interviennent après la conclusion d'un accord-cadre de coopération sécuritaire «sans précédent», lors d'une visite historique à Rabat du ministre israélien de la défense, Benny Gantz, en novembre. M. Gantz, un ancien chef de l'armée israélienne, a été reçu par le ministre délégué chargé de l'administration de la défense nationale marocaine, Abdellatif Loudiyi. Ils ont signé un protocole d'accord qui lance formellement la coopération sécuritaire «sous tous ses aspects» entre les deux pays, face aux «menaces et défis dans la région», selon la partie israélienne. «Il s'agit d'une chose très importante qui nous permettra aussi d'échanger nos opinions, de lancer des projets conjoints et favorisera les exportations israéliennes jusqu'ici», a souligné M. Gantz. Une annonce qui a suscité extraordinaire une levée de boucliers en Algérie. Le Maroc, plus pragmatique, a déclaré récemment être disposé à «mettre à profit» ses liens avec toutes les parties du conflit israélo-palestinien pour favoriser la reprise du processus de paix, a déclaré, lundi 29 novembre, le roi Mohammed VI. «Le Maroc poursuivra ses efforts afin de réunir les conditions propices à un retour des parties à la table des négociations», a déclaré le monarque à l'occasion de la Journée internationale de solidarité avec le peuple palestinien. Pour ce faire, le royaume «mettra à profit sa position et ses relations privilégiées avec toutes les parties et les puissances internationales agissantes», a-t-il ajouté dans un discours. Dans son discours, le roi Mohammed VI a réclamé «des efforts diplomatiques intensifs et efficaces » afin de « relancer les négociations entre les deux parties dans la perspective de trouver une issue favorable à la question palestinienne dans le cadre de la solution à deux Etats», sur la base des frontières de 1967 et des résolutions du droit international. Le souverain a en outre appelé à préserver l'identité arabe et islamique de Jérusalem ainsi que «son statut juridique, historique et démographique». Mohammed VI est président du comité Al-Qods, chargé de contribuer à la sauvegarde des lieux saints musulmans à Jérusalem.