Depuis le printemps, les agissements algériens menacent l'équilibre stratégique au Maghreb occidental. Le danger vient du régime d'Alger qui se sert de ses passions malsaines comme d'un instrument pour atteindre ses fins. Un fait toutefois commence à prendre des dimensions démesurées : l'Algérie, dont le principe déclaré de politique étrangère est de laisser les autres nations tranquilles, est devenue obsédée par les actions diplomatiques marocaines. Le langage est antipathique, envahi du scepticisme le plus éhonté : Alger dénonce «l'arrivée de l'entité sioniste» à ses frontières, ouvrant la voie à «la déstabilisation» du pays. Ramtane Lamamra accuse le Maroc d'avoir «introduit une puissance militaire étrangère dans le champ maghrébin». «Le Mossad à nos frontières», titre le quotidien algérien L'Expression. «Israël sera chez elle au Maroc et aura l'Algérie à portée de missile, de drone et même d'incursion dans ses territoires», ajoute le média. L'ancien premier ministre algérien Abdelaziz Djerad et le président du Sénat Salah Goudjil y vont d'un monologue commun : «L'Algérie est visée». Ce dernier ajoute : «Les ennemis se mobilisent de plus en plus pour porter atteinte à l'Algérie». Les ennemis ? Jamais indiscrète ingérence d'un pays dans la conduite des affaires marocaines n'a été plus flagrante, plus malvenue. Raison de cette offensive : le Maroc et Israël ont fait un pas inédit l'un vers l'autre, mercredi 24 novembre. Les deux pays ont conclu un accord-cadre de coopération sécuritaire sans précédent, lors d'une visite historique à Rabat du ministre israélien de la défense, Benny Gantz. L'humeur sombre d'Alger voit partout des avertissements hostiles. La nomination du général de corps d'armée Belkhir el-Farouk, commandant de la zone sud où il a servi pendant quarante ans au poste d'inspecteur général des FAR ? «un signal fort envoyé à Alger». Les travaux de remblai dans la zone tampon de Guerguerat, dans l'extrême sud du Sahara;, sur la seule route menant à la Mauritanie ? «un signal fort envoyé à Alger». Rapprochement entre Rabat et Tel-Aviv ? «un signal fort envoyé à Alger». Overdose de signaux. Ce désespoir serait du plus profond comique, si l'hypocrisie, même conduisant au ridicule, n'était pas toujours odieuse. Avant quelques jours, les milices du Polisario ont décidé (avec l'aval d'Alger) d'«intensifier leur lutte armée» contre le Maroc. La situation au Sahara n'a jamais pris la forme des affrontements à grande échelle dépeints par la propagande du Front Polisario, alimentée par la presse aux bottes de la junte algérienne. Le danger, est d'être un régime qui ne pense qu'à surpasser ses voisins et rivaliser de stratégie avec eux. Un ennemi ou un rival auto-proclamé, distancé dans la course, pour se survivre ? Du déjà-vu. Début octobre, l'Algérie a appelé au retrait des forces marocaines de la zone de Guerguerat au Sahara pour «faciliter (sic!)» la quête d'un règlement du conflit dans ce territoire, après la nomination d'un nouvel émissaire de l'ONU. Rire jaune à Rabat. Une sortie ubuesque et risible d'un régime qui prône, pourtant, l'«abstention de toute ingérence ou intervention dans les affaires intérieures d'un autre Etat», un régime très jaloux de ses frontières et très sensible à toute perception de menace sur sa souveraineté. Le Maroc, qui s'appuie sur la consolidation de ses rapports avec les Etats-Unis et la communauté internationale pour promouvoir ses propres priorités en matière de politique étrangère, a pu obtenir une reconnaissance de sa souveraineté sur le territoire du Sahara et une large adhésion à son plan d'autonomie. En visite à Rabat, le 13 août, le ministre israélien des affaires étrangères, Yaïr Lapid, s'est dit inquiet, en présence de son homologue marocain, Nasser Bourita, «du rôle joué par l'Algérie dans la région, de son rapprochement avec l'Iran et de la campagne qu'elle a menée contre l'admission d'Israël en tant que membre observateur de l'Union africaine». L'Algérie, qui mène une croisade politique et diplomatique virulente contre Israël marquée parfois par des saillies antisémites, a profité de cette sortie pour geindre : «Il faut bien se rendre compte que jamais depuis 1948 un membre d'un gouvernement israélien n'a été entendu proférer des menaces contre un pays arabe à partir du territoire d'un autre pays arabe», a déclaré Ramtane Lamamra. La même Algérie, qui veut recommencer à faire sa grosse voix diplomatiquement, à rouler ses gros yeux, a récemment procédé au renforcement de son aide militaire et logistique au Front Polisario. L'Algérie affichait en 2020 le plus gros budget militaire du continent africain (9,7 milliards de dollars, soit 7,9 milliards d'euros). Contre qui s'arme un pays qui traverse une crise politique, économique et sociale qui perdure ? L'Algérie est devenue acrimonieuse depuis que le Maroc a «sécurisé définitivement le trafic civil et commercial sur la route de Guerguerat», cet axe routier essentiel pour le commerce vers l'Afrique de l'Ouest, notamment pour le transport de marchandises. L'annonce, le 10 décembre 2020 par le président Donald Trump, de la reconnaissance par Washington de la souveraineté marocaine sur le Sahara a accentué l'animosité du régime algérien. Son successeur, Joe Biden, n'a pas remis en cause cette proclamation qui s'est, depuis, fortifiée par plusieurs déclarations américaines de haut niveau. L'Algérie a fait savoir qu'elle ne comptait pas renouveler le contrat d'exploitation du gazoduc Maghreb-Europe, lequel, sur sa route vers l'Espagne, approvisionnait le Maroc en gaz. Une décision qui, sans aucun effet sur le Maroc et qui a mécontenté l'Europe, a pris effet fin octobre. En septembre, l'Algérie a fermé son espace aérien et aussi un tronçon de la route nationale qui relie sur quelque 870 kilomètres, du nord au sud, la ville de Bouarfa à celle d'Agadir. C'est la même Algérie qui a rejeté la résolution de l'ONU adoptée pour prolonger le mandat de la Minurso (Mission des Nations unies pour l'organisation d'un référendum au Sahara occidental), et qui cherche à saper la mission du nouvel émissaire de l'ONU. À l'heure actuelle, les salutaires principes de prudence et de réserve sont ignorées de manière flagrante par les hommes d'Etat algériens en exercice. Toutes les rancunes de date ancienne ou récente se ramassés en un seul sentiment de colère pour qu'Alger justifie la rupture avec le Maroc. Dans les couloirs diplomatiques occidentales, on s'étonne des allégations du régime algérien qui a accusé Rabat de soutenir le MAK (Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie) et les islamo-conservateurs de Rachad, deux organisations officiellement classés comme des mouvements «terroristes» par Alger pour pouvoir les réduire en miette. Le régime algérien, qui a également accusé le Maroc d'être impliqué dans les incendies qui ont ravagé le nord du pays et notamment la Kabylie, a achevé de convaincre la communauté internationale de l'état effroyable de son dépaysement diplomatique. Le journaliste Frédéric Bobin a indiqué ce 25 novembre qu'il«y a un profond désarroi des dirigeants algériens face aux dernières évolutions régionales», citant le chercheur Flavien Bourrat, spécialiste du Maghreb, tout en se fourvoyant sur la crédibilité d'une autre infirmation : Non, les convois de camions civils – transportant des biens exportés vers la Mauritanie et le Sénégal – ne traverseront pas la zone à l'est du mur marocain. «Souvent pour l'Algérie, avait pointé un expert, la politique étrangère est la continuation de la politique intérieure par d'autres moyens.» Le pouvoir algérien chercherait ainsi à détourner l'attention de sa population, qui le rejette, en désignant des ennemis imaginaires. Et l'on se souvient des mots de Ramtane Lamamra, qui a dit que «les services de sécurité et la propagande marocains mènent une guerre ignoble contre l'Algérie, son peuple et ses dirigeants», déclarant avoir toutes les preuves que «le royaume (du Maroc, NDLR) n'a pas cessé un jour ses œuvres inamicales, basses et hostiles contre l'Algérie depuis l'indépendance». Perfide, le royaume du Maroc !