Les ministres sortants et les présidents des institutions du pays sont appelés à participer à une réunion ce lundi à 11 heures au Parlement. Les putschistes guinéens qui ont capturé le président Alpha Condé et annoncé la dissolution des institutions devraient en dire plus lundi sur leur plan de marche après un coup d'Etat largement condamné par la communauté internationale mais salué par des scènes de liesse à Conakry. Les putschistes ont convoqué les ministres sortants et les présidents des institutions à une réunion lundi à 11 heures (locales et GMT) au Palais du peuple, siège du parlement, dans un format qu'ils n'ont pas précisé. «Tout refus de se présenter sera considéré comme une rébellion», ont-ils prévenu. Mettre fin à «la corruption endémique» Les forces spéciales guinéennes conduites par leur commandant, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, disent, images à l'appui, avoir capturé le chef de l'Etat pour mettre fin à «la gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémique» ou encore «l'instrumentalisation de la justice (et) le piétinement des droits des citoyens». Une vidéo saisissante du président Condé, diffusée par les putschistes, le montre calme, mais défait, en jeans et chemise dans un canapé. Les putschistes ont assuré qu'il était en bonne santé et bien traité. Les militaires affirment vouloir rendre «la politique au peuple». Ils ont proclamé dissoudre le gouvernement, les institutions et la Constitution qu'avait fait adopter Condé en 2020 et dont il s'était servi pour se présenter la même année à un troisième mandat, malgré des mois de contestation meurtrière. Ils ont promis une période de transition, à la manière du voisin malien, théâtre d'un putsch lui aussi récemment. Ils ont annoncé un couvre-feu et la fermeture des frontières terrestres et aériennes. Dans la soirée, ils ont annoncé au journal télévisé remplacer les ministres par les secrétaires généraux de chaque ministère, et les préfets, sous-préfets et gouverneurs de région par des militaires. Ils ont appelé les fonctionnaires à «reprendre le travail dès ce lundi». Des mois de crise dans le pays Leur coup de force surprise parachève des mois de grave crise politique et économique, aggravée par la pandémie de Covid-19, sous la présidence très personnalisée, autoritaire selon ses détracteurs, du président Condé, au pouvoir depuis 2010 mais de plus en plus isolé. Ce coup d'Etat s'inscrit dans l'histoire tourmentée de ce pays pauvre et éprouvé malgré des ressources minérales et hydrologiques considérables, dirigé pendant des décennies depuis l'indépendance de 1958 par des régimes autoritaires ou dictatoriaux, et coutumier des actions brutales de ses forces armées. Aucun décès n'avait cependant été rapporté officiellement lundi après le putsch, malgré le crépitement intense des armes automatiques dans le centre de Conakry dimanche matin. Aucun incident majeur n'a été signalé dans la nuit de dimanche à lundi. Troisième coup d'Etat africain en un an C'est un nouveau coup de force en Afrique subsaharienne en un an, après le Mali en 2020 ou le Tchad en 2021. L'apparent épilogue de plus de dix années de régime Condé a donné lieu à des scènes de joie dans différents quartiers de la capitale, notamment dans les banlieues réputées favorables à l'opposition. Il a en revanche suscité une large réprobation internationale, du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à l'Union africaine en passant par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et l'Union européenne. La France a dit se joindre à la condamnation de la Cédéao et à l'appel à «la libération immédiate et sans condition du président Condé». Les Etats-Unis ont également condamné le coup d'Etat qui, ont-ils prévenu, pourrait «limiter» la capacité américaine à soutenir la Guinée. Le président Condé s'était de plus en plus tourné vers la Chine, la Russie et la Turquie ces dernières années. Les principaux dirigeants de l'opposition guinéenne ne se sont pas encore véritablement prononcés sur les évènements. Mais le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), coalition de mouvements politiques et de la société civile qui a mené la contestation contre le troisième mandat, a pris acte de «l'arrestation du dictateur» et des déclarations des militaires sur la Constitution.