Les bruissements des tempêtes publiques du blocage de 2016 ont expiré depuis longtemps, mais les humeurs de l'ancien chef du gouvernement, Abdel-ilah Benkiran, s'exagèrent et s'enveniment dans de secrets conciliabules ; et se fond une vie mauvaise. Leur nouvelle cible: Aziz Akhannouch (et l'avenir du scrutin du 8 septembre). «Akhannouch est un homme crédible» (2016), «Akhannouch est un homme honnête et de bonne naissance» (2017), «Akhannouch est un homme droit» (2019). Ces déclarations proviennent d'un seul homme : Abdel-ilah Benkiran qui, dans un live Facebook pétri de contradictions, a décrit cette fois le ministre de l'agriculture comme «un homme douteux, inapte à gouverner, sans idéologie et sans histoire, qu'il ne faut pas envoyer sur le banc de la primature». Mais c'était, surtout, une bruyante impétuosité destinée à dénaturer, à déplacer les problèmes qui tiennent le plus au cœur du Maroc et à prendre en otage l'avenir du pays. Le discours de Benkiran dangereux qui surfe sur des pensées dissidentes, des éléments de division, des mésintelligences anciennes destinées à présenter le PJD comme la seule option à qui on peut se fier, alors que le Maroc électoral réclame un scrutin pur de l'esprit de chantage et de servilité et qui embrasse la cause de l'ordre. C'est ce qu'on vient de voir encore une fois avec la sortie de Benkiran, où tout se mêle, le vieux levain populiste, la rhétorique chagrine, le ressentiment, l'esprit de fronde, le besoin de provoquer, la fantaisie sceptique, avec un peu de cette ingratitude envers les droits du suffrage universel. Comme en 2016, dans toutes ses crises, dans tous ses périls qu'a traversés ses composantes, le PJD (et Benkiran en particulier) parle le langage d'une démagogie grossière, et non de la raison et des véritables intérêts du pays. Comme moyen d'attaque, comme cri de guerre, l'ancien chef du gouvernement s'est fendu d'un trop long monologue qui promène la discussion sur trop de points ; une verve incandescente, certes, mais hypocrite, d'un homme qui brouille tout, compromet tout en se trompant lui-même, faute d'une lucidité précise des grands événements à venir aussi bien que des besoins de l'heure actuelle. Pire, Benkiran a donné l'impression qu'il était favorable au boycott qui a frappé, en 2018, des produits de grande consommation détenus par Afriquia, premier distributeur de carburants au Maroc, dont l'actionnaire majoritaire est le ministre de l'agriculture Aziz Akhannouch, les eaux minérales de Sidi Ali du géant marocain Holmarcom, et les produits laitiers de Centrale Danone, filiale du groupe français éponyme. Les médias qui, à l'époque, ont évoqué la piste d'un règlement de compte politique qui ciblerait M. Akhannouch, ont désormais une nouvelle piste à creuser. Benkiran a été attendu sur la politique intérieure, sur la vie morale et matérielle du Maroc. Il n'en est rien, il sème le doute sur l'union du pouvoir et de la liberté, alors que son parti peine d'imprimer à sa politique un caractère élevé. La langue politique ne se paie pas de lieux-communs, d'injures personnelles, de formules vagues, de développements emphatiques. Des déclamations creuses d'un homme qui ne pèse plus rien, implacable, exclusif, qui voit autour de lui les partis et les hommes se transformer et se rapprocher. Le Parti de la Justice et du Développement (PJD), impopulaire, rabat sa dernière carte. Diaboliser ses adversaires. En condamnant «l'utilisation obscène de fonds pour attirer les électeurs et certains superviseurs des bureaux de vote», sans nommer aucun parti, selon un communiqué publié mercredi, les islamistes prouvent qu'ils sont à court de souffle. Alors que le PAM et le RNI sont les principaux partis à pouvoir prétendre diriger le prochain exécutif, le PJD se répand en griefs contre ceux qui peuvent le déloger du gouvernement, notamment le RNI, qui appartient à la coalition gouvernementale, piloté par Aziz Akhannouch, ministre de l'Agriculture depuis 2007, devenu la bête noire du PJD. Encore une fois, que signifient les paroles de Benkiran, où se mêlent les mensonges, les iniquités, les légèretés ? Par elles-mêmes, elles ne peuvent rien produire, elles ne sont qu'un symptôme, une protestation confuse et désarmée ; elles n'ont que la valeur d'un acte tout négatif destinées à camoufler les fautes ou les malheurs du PJD, dont ses édiles portent nécessairement le poids. Une sortie symbole d'une exhalaison stérile de mécontentements aigris et accumulés, et d'un homme en fin de cycle qui saisit une occasion de protester sans avoir les moyens réguliers, permanents, décisifs, de peser sur ses déterminations.