Djamel Ben Ismaïl, 38 ans, a été lynché par des dizaines d'individus qui l'accusaient à tort d'avoir déclenché des incendies en Kabylie, touchée par les flammes. Un enregistrement audio relance les lourdes interrogations sur le rôle des services sécuritaires dans cette affaire. Les efforts algériennes pour diffuser de fausses informations sur Facebook et Twitter en amont de la mort de Djamel Ben Ismaïl, étaient organisés de façon plus professionnelle que ce que l'on croyait jusqu'alors, ont estimé des spécialistes en sécurité informatique et des activistes mardi 17 août. Plusieurs faux comptes gérés d'Algérie sont accusés de mener des opérations d'interférence dans l'affaire du jeune assassiné par une foule enragée, a appris Barlamane.com. Djamel Ben Ismaïl, qui s'était porté volontaire pour éteindre les flammes près de Tizi Ouzou, a été atrocement tué la semaine dernière par une foule déchaînée. L'affaire a provoqué l'indignation et quelques manifestations dans l'ensemble du pays. La police algérienne a affirmé avoir arrêté 61 personnes «impliqués à différents degrés dans l'homicide, l'immolation et la mutilation d'un cadavre, la destruction de biens et la violation d'un siège de police», selon les autorités du pays, qui cherchent à étouffer l'affaire. Dans un enregistrement audio de deux minutes, un responsable sécuritaire algérien a exigé de certains relais sur les réseaux sociaux une obligation totale de silence sur l'affaire. Des campagnes de désinformation à des fins de manipulation politique ont été mises en lumière en Algérie et Facebook, à titre d'exemple annonce régulièrement des vagues de suppressions de comptes actifs jugés inauthentiques, liés au régime algérien. Jusqu'à présent, les autorités algériennes donnent l'impression de dégager la responsabilité de Djamel Ben Ismaïl dans le déclenchement de ces gigantesques incendies. Selon elles, la majorité des incendies qui ont frappé la Kabylie, région berbérophone, sont effectivement d'origine «criminelle» et seraient attisés par le MAK (mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie) interdit en Algérie et basé à Paris. L'enquête a permis de «découvrir qu'un réseau criminel, classé comme organisation terroriste», est derrière les incendies, «de l'aveu de ses membres arrêtés», assure la police sans pour autant apporter de preuves catégoriques. Plusieurs sources médiatiques affirment que les personnes arrêtées n'ont aucun lien avec MAK et qu'il s'agit de faux aveux. Le MAK est une des bêtes noires du régime qui l'accuse de visées «séparatistes». Saïd Salhi, le président de la ligue algérienne de défense des droits de l'homme, s'est inquiété de la dimension «politique» qu'est en train de prendre l'enquête selon lui. «Seul un procès équitable est à même de révéler la vérité et rendre justice à Djamel», a-t-il déclaré. Les députés algériens ont adopté avant quelques mois un projet de réforme du code pénal criminalisant la diffusion de fausses informations qui portent atteinte à l'ordre public et à la sûreté de l'Etat, un texte polémique contesté par les militants des droits humains et jugé liberticide. Présenté dans le cadre d'une réforme du code de pénal, le projet de loi a été débattu et voté à la hâte en une matinée dans un hémicycle presque vide. Quiconque diffusera ou propagera de fausses informations portant atteinte à l'ordre et à la sécurité publics risque entre un et trois ans de prison, voire le double en cas de récidive, selon ce texte. Les autorités ont récemment accusé des médias en ligne de bénéficier de financements étrangers, ce qui est interdit par la loi. Un autre projet de loi relatif à la prévention et à la lutte contre la discrimination et le discours de haine a aussi été voté dans la foulée, après des échanges parlementaires anecdotiques.