Sous l'égide de Washington, le Liban et Israël débuteront mercredi des négociations à propos de la délimitation de leur frontière maritime commune. Ces discussions sont cruciales pour le Liban, pays en faillite qui s'est lancé dans la prospection d'hydrocarbures offshore. Le Liban et Israël, deux voisins officiellement toujours en guerre, doivent entamer mercredi 14 octobre des négociations inédites sous l'égide de Washington pour délimiter leur frontière maritime, dans l'optique de lever les obstacles à la prospection d'hydrocarbures. Après des années de diplomatie américaine, le Liban et Israël ont annoncé début octobre ces pourparlers qui se tiendront au sein de locaux de l'ONU à Naqoura, localité frontalière dans le Sud-Liban, une initiative « historique » selon Washington. Quelques semaines seulement après des accords de normalisation avec Israël signés par les Émirats arabes unis et Bahreïn à la Maison blanche, mais aussi à l'approche de l'élection présidentielle américaine, les observateurs s'interrogent sur la symbolique de ces développements pour le président Donald Trump. Au-delà de ce contentieux bilatéral, ces pourparlers interviennent dans un contexte régional de fortes tensions en Méditerranée orientale autour des hydrocarbures et de la délimitation des frontières maritimes, qui implique aussi entre autres la Turquie, la Grèce et Chypre. Les négociations à Naqoura doivent débuter dans la matinée sur une base de la Finul, force onusienne déployée pour surveiller la frontière. Washington comme médiateur Les délégations libanaise et israélienne seront dans une même pièce, selon des responsables libanais. Mercredi, la médiation sera assurée par le secrétaire d'État adjoint américain pour le Moyen-Orient, David Schenker. Le diplomate John Desrocher prendra ensuite la relève. Si Israël a évoqué des « négociations directes », des responsables libanais assurent eux que les deux délégations ne se parleront pas. Deux militaires, un responsable de l'Autorité du pétrole et un spécialiste du droit de la mer, représentent le Liban, tandis que la délégation israélienne est composée de six membres, dont le directeur général du ministère de l'Énergie, un conseiller diplomatique du Premier ministre Benjamin Netanyahu et le chef de la direction des Affaires stratégiques de l'armée. Le Liban insiste sur le caractère technique et non politique des pourparlers, cruciaux pour ce pays en faillite qui s'est lancé dans la prospection d'hydrocarbures offshore. En 2018, le Liban a signé son premier contrat d'exploration pour deux blocs avec un consortium international. Problème : une partie d'un des blocs, le numéro 9, déborde sur une zone de 860 km2 que les deux voisins se disputent. Une source au ministère israélien de l'Énergie assure que la délimitation maritime peut être résolue « en quelques mois » si le processus se déroule sans encombres côté libanais. « Nous ne nous faisons aucune illusion. Notre objectif n'est pas de créer une quelconque normalisation ou processus de paix », ajoute cette source. Les pourparlers interviennent après trois années « d'efforts diplomatiques [américains] intenses », selon Washington. « Les Américains ont fait pression avant la présidentielle pour annoncer un nouvel accomplissement » diplomatique, souligne Hilal Khashan, politologue à l'université américaine de Beyrouth, ajoutant que « le Liban n'a pas de meilleur choix pour pouvoir travailler dans le bloc 9 ». Au Liban l'annonce des pourparlers a reçu un accueil méfiant. Pour le quotidien Al-Akhbar, proche du mouvement chiite Hezbollah, les pourparlers sont « un moment de faiblesse politique sans précédent pour le Liban » et Israël en est le grand « bénéficiaire ». Des affrontements toujours en cours avec le Hezbollah La dernière grande confrontation entre le Hezbollah et Israël remonte à l'été 2006. Une guerre dévastatrice d'un peu plus d'un mois avait alors fait plus de 1 200 morts côté libanais, en majorité des civils, et 160 côté israélien, essentiellement des militaires. Depuis, des réunions tripartites routinières sont organisées par la Finul avec de hauts responsables des deux armées. D'après l'ONU, les pourparlers sur une démarcation de la frontière terrestre seront menés séparément dans le cadre de rencontres tripartites supervisées par la Finul. Pour ce processus, le politologue Hilal Khashan évoque un obstacle de taille : « En cas d'accord sur la frontière terrestre, se posera alors la question des armes du Hezbollah ». Le mouvement chiite est la seule faction libanaise à ne pas avoir abandonné son arsenal après la guerre civile (1975-1990), affirmant l'importance de sa résistance face à l'État hébreu. Selon Hilal Khashan, « le Hezbollah n'acceptera pas d'abandonner son arsenal ».