Le Parlement tunisien semble profondément fracturé après les élections de dimanche, alors que les premières estimations de résultats donnent Ennahda vainqueur avec seulement 17,5% des voix, ce qui signifie que la formation du gouvernement sera probablement longue et difficile. Le futur gouvernement qui émergera de ces échéances sera confronté aux mêmes défis que leurs prédécesseurs : taux de chômage élevé, inflation, explosion de la dette publique et un puissant courant réfractaire au changement et aux prêteurs étrangers. Les divisions parlementaires ajoutent de l'incertitude à un climat politique déjà fébrile après que les électeurs du mois dernier eurent envoyé un universitaire indépendant et un homme de médias, inculpé pour corruption, au second tour de la deuxième élection présidentielle. Huit ans après que les Tunisiens se furent levés pour mettre fin à un régime autocratique qui a régné des décennies et instaurer la démocratie, beaucoup ont été déçus par l'incapacité des coalitions qui se sont succédé au pouvoir d'améliorer la situation économique et les services publics. Le vote de dimanche était la troisième élection parlementaire libre en Tunisie depuis la révolution de 2011. Mais les chiffres préliminaires de participation ont montré que seulement 41% des électeurs inscrits ont voté. Le sondage de sortie réalisé par Sigma Conseil a montré que le parti de Nabil Karoui, le magnat de médias emprisonné se classe à la deuxième place avec 15,6%. La Tunisie compte 199 circonscriptions nationales et les résultats officiels ne sont pas attendus ce dimanche. Ennahda, en cas de victoire définitive, devra cohabiter avec plusieurs courants politiques pour former son gouvernement. S'il n'y parvient pas dans un délai de deux mois, le président peut demander à une formation politique de prendre le relais. Si l'impasse persiste, il y aura une autre élection. Des partisans d'Ennahda ont traversé Tunis, la capitale, en klaxonnant dans la nuit, tandis que le chef du parti, Rached Ghannouchi, a pris la parole lors d'un rassemblement. Cependant, la part de vote accordé à Ennahda ne représente que 40 sièges environ, alors qu'il lui en faut 109 pour former la majorité. Cela représente également une nette diminution de son poids électoral depuis les dernières échéances de 2014, quand il a obtenu 69 sièges. Le parti gagnant en 2014, Nidaa Tunis, a remporté 37,6% des votes et 86 sièges. Il a rejoint Ennahda dans un gouvernement de coalition, mais depuis, il s'est pratiquement effondré. Ennahda et Qalb Tounes avaient tous les deux revendiqué la victoire aux élections. Et les deux ont exclu de collaborer dans le cadre d'une coalition. Nabil Karoui, le dirigeant Qalb Tounes, est l'un des deux candidats qui ont réussi le premier tour de l'élection présidentielle le mois dernier. Il a été arrêté en août pour des accusations de blanchiment d'argent et de fraude fiscale, ce qu'il nie, et il a contesté le choix de son incarcération dans une cellule de prison en attendant son procès. Son rival au second tour, Kais Saied, professeur de droit à la retraite, indépendant et aux vues sociales conservatrices, a été soutenu par le vote d'Ennahda lors du vote de la semaine prochaine. Alors que le président contrôle directement la politique étrangère et l'armée, la première puissance politique au Parlement nomme le premier ministre qui forme un gouvernement, lequel façonne la plupart des politiques intérieures, y compris celles relatives au volet économique.