Deux ONG marocaines s'apprêtent à déposer plainte contre X à Marrakech et à Paris suite aux propos de Luc Ferry selon lesquels un ancien ministre s'est fait poisser à Marrakech dans une partouze avec des petits garçons. Après l'affaire DSK, un nouveau scandale politique secoue la France. L'ancien ministre de l'Education nationale, Luc Ferry, a accusé un ancien ministre de pédophilie. La révélation a eu lieu lundi soir sur le plateau du Grand Journal de Canal +. A la grande surprise des invités du plateau et des téléspectateurs, Luc Ferry annonce qu'«un ancien ministre s'est fait poisser à Marrakech dans une partouze avec des petits garçons» assurant tenir l'information des «plus hautes autorités de l'Etat, en particulier par le Premier ministre». Luc Ferry avance ces accusations sans pour autant citer le nom du ministre incriminé. «Si je sors le nom maintenant, c'est moi qui serai mis en examen et à coup sûr condamné, même si je sais que l'histoire est vraie», avait-il expliqué. Le parquet de Paris a annoncé, mercredi 1er juin, avoir ouvert une enquête préliminaire sur les propos de Luc Ferry. L'enquête a été confiée à la brigade de protection des mineurs qui devra entendre l'ancien ministre de l'Education nationale. Au Maroc, deux associations spécialisées dans la lutte contre la pédophilie, à savoir «Touche pas à mon enfant» et «Touche pas à mes enfants» ont décidé de porter plainte contre X devant le tribunal de Marrakech. Compte tenu de la gravité des propos de Luc Ferry, l'association «Touche pas à mon enfant» vient de rendre public un communiqué dans lequel elle révèle «sa ferme intention de suivre de près cette affaire et de déposer plainte, de manière à ce qu'une enquête judiciaire soit ouverte à ce sujet». L'association ne compte pas s'en arrêter là. Une requête sera adressée aux autorités marocaines pour qu'elles interviennent d'urgence à ce sujet, de manière à préserver la dignité des Marocains et de leurs enfants. À travers son communiqué, l'ONG tient à préciser que «si le crime est avéré, le présumé coupable devra être présenté devant un tribunal pour répondre de ses faits et subir le châtiment qu'il mérite». Contactée par ALM, Najat Anwar, présidente de l'Association «Touche pas à mon enfant», a indiqué que «nous allons déposer ce vendredi 3 juin une plainte auprès du procureur général du Roi au tribunal de Marrakech. Celle-ci sera déposée par Maître Mustapha Errachidi, avocat de l'Association. Une autre plainte sera déposée dès la semaine prochaine au parquet de Paris par Maître Jean Chauvet». Et d'ajouter: «Nous demandons des éclaircissements dans cette affaire. Luc Ferry doit révéler l'identité du pédophile. Justice doit être rendue. Nous ne pouvons tolérer qu'un responsable politique français abuse de nos enfants. C'est une injure pour notre pays . Du côté de l'Association «Touche pas à mes enfants», la présidente Najia Adib a déclaré à ALM : «Quel que soit le statut de X, qu'il soit ministre ou autre, nous ne lâcherons pas cette affaire» (Voir entretien page 7). Pour sa part, Maître Yassine Krari, avocat de l'Association «Touche pas à mes enfants», a indiqué qu'il «est aberrant qu'un tel crime se produise au Maroc, que l'innocence de l'enfant marocain soit touchée et les responsables de tels actes échappent à la justice». «Luc Ferry reste un témoin. Il doit aller jusqu'au bout de ces propos et révéler l'identité du pédophile. Car il ne peut pas jeter le pavé dans la mare et se taire par la suite», a-t-il ajouté. Interrogé par rapport à la réaction de Nouzha Skalli (voir encadré ci-dessous), ministre du Développement sociale, de la Famille et de la Solidarité, Me Krari déplore le mutisme du gouvernement marocain. «Je ne peux pas croire que les responsables marocains ne soient pas au courant de cette affaire alors que l'Europe est en pleine ébullition suite à ce scandale politique. L'information a été relayée 24h/24 par tous les médias et fait la Une des journaux français. Nos responsables nient toutes connaissances de cette affaire. Cette situation peut être expliquée par deux hypothèses : soit les membres de notre gouvernement ne lisent pas la presse ou ils adoptent la langue de bois. Ce qui est dans ce second cas vraiment grave», a-t-il affirmé. En France, les accusations de Luc Ferry qualifiées par certains politiciens de «rumeurs» et «de non dénonciation d'un crime» ont désormais pris une tournure judiciaire. Luc Ferry doit s'expliquer devant la justice. En effet, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire sur les déclarations de Luc Ferry. L'enquête a été confiée à la brigade de protection des mineurs qui devra entendre l'ancien ministre de l'Education nationale et «lui faire préciser ses allégations», a affirmé Jean-Luc Marin, le procureur de Paris. Le parquet de Paris n'a pas encore précisé la date de l'audition. Luc Ferry sera entendu comme simple témoin. Il sera interrogé sur ses sources, à savoir les plus hautes autorités de l'Etat qui lui ont raconté toute cette histoire lorsqu'il était au gouvernement. Les déclarations de Luc Ferry ont suscité de vives réactions au sein de la classe politique française. A commencer par l'ancien Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin qui assure ignorer totalement les faits. «De retour d'Algérie, je découvre les propos de Luc Ferry. J'ignore totalement à quels éventuels événements il fait référence. En ce qui me concerne, je n'ai jamais été saisi, de près ou de loin, d'informations de cette nature», peut-on lire sur son blog. Plusieurs personnalités politiques ont demandé à Luc Ferry de s'expliquer et de saisir la justice. C'est le cas du ministre français des Affaires étrangères. «Si M. Luc Ferry a la preuve qu'il y a eu un comportement délictueux ou criminel (...), que M. Ferry saisisse la justice», a déclaré Alain Juppé. Pour sa part, l'ancienne garde des Sceaux, Rachida Dati, a estimé mercredi que les déclarations de M. Ferry relevaient de la «non-dénonciation d'un crime» en relevant que «la pédophilie est un crime donc, s'il sait des choses, il doit dénoncer les faits et indiquer de qui il s'agit, de quels faits il s'agit», a-t-elle affirmé. Et d'ajouter «Je ne vois pas comment la justice peut ne pas s'emparer de ces propos». Le porte-parole du gouvernement François Baroin a jugé «surprenant» les propos de l'ancien ministre de l'Education nationale . «Ce que dit M. Ferry est vraiment surprenant, parce que soit il est détenteur favorisé d'informations qui s'appuient sur des faits, et dans ce cas il a le devoir de saisir la justice, soit il rapporte des propos qu'il a entendus dans les couloirs et, dans ce cas-là, il n'est plus le philosophe de la rumeur mais il en devient un acteur essentiel», a t-il déclaré. Même indignation pour Dominique Paillé, vice-président du Parti radical qui a jugé «déplorables» les propos de Luc Ferry, estimant qu'il doit avoir le courage de s'expliquer. «Le courage c'est de dire qui et d'assumer», a-t-il insisté. Et de poursuivre : «Je pense qu'on s'aventure sur des chemins qui seront dramatiques pour tout le monde et que, à force de déballages de cette nature, on salit un peu tout: la République et la démocratie d'une manière générale et sans doute beaucoup d'individus en particulier». Au Maroc, ce scandale sexuel remet sur la table le fléau du tourisme sexuel (voir article page 6). Selon des ONG marocaines qui œuvrent dans le domaine de la lutte contre les abus sexuels sur les enfants, le tourisme sexuel est un phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur à travers le monde. Jean-François Kahn : «Tout le monde sait de qui il s'agit» Invité sur le plateau du Grand Journal de Canal+ lundi en même temps que Luc Ferry, Jean-François Kahn, le fondateur de l'hebdomadaire Marianne, a assuré que l'ancien ministre de l'Education nationale ne pensait pas à Jack Lang lorsqu'il a évoqué le cas d'un «ancien ministre qui s'est fait poisser à Marrakech dans une partouze avec de petits garçons». Interrogé par Arrêt sur images, Jean-François Kahn a en effet indiqué que, après le tournage de l'émission, il avait discuté de cette affaire avec Luc Ferry et que ce dernier lui a donné un autre nom. Un nom qu'il a refusé à son tour de donner, ajoutant: «Tout le monde sait de qui il s'agit». «Il ne s'agit pas de Jack Lang», a-t-il déclaré. Né le 3 janvier 1951 à Colombes en France, Luc Ferry est l'arrière-petit-neveu de Jules Ferry. Il est agrégé de philosophie et de sciences politiques, docteur d'Etat en sciences politiques. Il a mené pendant des années une carrière d'enseignant et de philosophe. Intellectuel très médiatisé, il s'est lancé en parallèle dans une carrière politique discrète avant d'entrer au gouvernement en mai 2002, à cinquante et un ans, en tant que ministre de la Jeunesse, de l'Education et de la Recherche lors des premier et deuxième gouvernements Jean-Pierre Raffarin . Après la refonte ministérielle de mars 2004, il quitte ses fonctions. Il a été nommé président délégué du conseil d'analyse de la société (CAS) et est entré au Conseil économique et social. «Je ne peux pas me prononcer sur des faits non vérifiés» «Je n'ai pas été saisie des éléments de l'affaire Ferry. Je ne peux pas me prononcer sur des faits non vérifiés. A ce stade, il m'est impossible d'avancer quoi que ce soit. Je démens le propos selon lequel Marrakech est la destination privilégiée des pédophiles. Le Maroc est un Etat de droit et il est pleinement engagé à protéger et promouvoir les droits de l'enfant. Notre pays n'est pas dans une logique de tolérance de la pédophilie.C'est un phénomène inacceptable», a déclaré Nouzha Skalli, ministre du Développement social, de la Famille et de la Solidarité. Quand à l'ouverture, mercredi 1er juin, d'une enquête préliminaire par le parquet de Paris suite aux allégations de Luc Ferry qui a accusé sans le nommer un ancien ministre de pédophilie, Mme Skalli a répondu : «Je n'ai pas de commentaire à ajouter pour l'instant».