L'Aqmi constitue une menace réelle pour la stabilité et la sécurité dans la région du Sahel et du Maghreb, après la disparition du leader emblématique d'Al Qaïda. Oussama Ben Laden n'est plus et le risque terroriste s'est accru. Les experts s'accordent pour affirmer que l'élimination de Ben Laden, tête pensante d'Al Qaïda et instigateur des attentats terroristes du 11 septembre 2001, suite à une opération menée, dimanche 1er mai, au Pakistan, par un commando américain, ne changera pas grand-chose pour cette organisation terroriste responsable de plusieurs attentats perpétrés depuis 1995. Les filiales d'Al Qaïda aux niveaux régional et local sont devenues, selon les observateurs, quasi-indépendantes d'Al Qaïda en Afghanistan et au Pakistan. C'est le cas d'Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien. Cette nébuleuse terroriste, branche maghrébine d'Al Qaïda, opère depuis 2007 dans plusieurs pays du Sahel, en particulier au Niger et en Mauritanie, où elle commet des attentats et procède à des enlèvements, essentiellement d'Occidentaux. Les sommes énormes perçues par l'Aqmi, depuis un certain temps, en contrepartie de la libération des otages occidentaux ont fait que cette cellule maghrébine n'a plus besoin du soutien financier d'Al Qaïda pour persister et se développer. La question qui se pose aujourd'hui, suite à la mort de Ben Laden, est celle de savoir où et quand Al Qaïda ou ses filiales régionales vont perpétrer des attentats pour venger l'assassinat de leur leader emblématique ? Le directeur de la CIA, Leon Panetta, a mis en garde, lundi 2 mai, qu'«il était presque certain que les terroristes vont tenter de venger Oussama Ben Laden». L'Aqmi, chapeautée par l'Algérien Abdelmalek Droukdel, alias Abou Mousaab Abdel Wadud, constitue, ainsi, une menace réelle pour la sécurité et la stabilité dans la région du Sahel et du Maghreb. «La mort de Ben Laden n'aura qu'un impact relatif sur les filiales régionales et locales d'Al Qaïda. Cette organisation terroriste tire sa force de son idéologie et de sa capacité d'exercer une influence symbolique sur ses membres. Le rapport entre Al Qaïda et ses membres n'a pas un caractère personnel mais idéologique et symbolique. Donc, l'absence du symbole ne changera pas grand-chose. En plus, le réferentiel salafiste interdit de sacraliser les personnes. Ainsi, l'âme de Ben Laden pourrait devenir une source d'inspiration pour les membres d'Al Qaïda. Ben Laden est plus dangereux après sa mort que lorsqu'il était en vie», précise Abdelhakim Boulouz, chercheur au Centre marocain des sciences sociales à la Faculté des lettres de Casablanca. «Le chef d'Aqmi, Abou Mousaab Abdel Wadud, est lié à Al Qaïda par un acte d'allégeance. Or, l'allégeance relève du volet organisationnel. Al Qaïda va choisir un successeur à Ben Laden et cette relation entre les deux entités va durer. En plus, l'Aqmi tentera incontestablement de se venger. Donc, il faut s'attendre, tôt ou tard, à une vague d'attentats dans la région du Sahel», explique M. Boulouz. D'ailleurs, les pays de la région du Sahel sont conscients de l'ampleur du danger. Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, a reçu lundi le ministre malien des Affaires étrangères, Soumeylou Boubèye Maïga, avec qui il a discuté de la sécurité dans le Sahel menacée par Al Qaïda, selon l'Agence mauritanienne d'information. Le chef de la diplomatie malienne s'était rendu, également, la semaine dernière à Alger pour une visite axée sur la lutte contre l'insécurité due à la présence de l'Aqmi dans cette région. La lutte antiterroriste dans la région du Sahel nécessite, selon les observateurs, une coopération étroite entre les divers pays de la région, notamment en ce qui concerne les services de renseignements afin de contrecarrer les plans dévastateurs des terroristes.
Risque d'autoradicalisation et de fuite en avant de l'Aqmi Le chef de la diplomatie malienne Soumeylou Boubeye Maïga estime que la mort d'Oussama Ben Laden entraîne le «risque d'une fuite en avant» et d'«autoradicalisation» d'Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Dans un entretien paru, mardi 3 mai, dans Le Monde, M. Maïga a affirmé que «les conséquences de la mort de Ben Laden sont paradoxales. D'un côté, l'Aqmi se voit privée de sa principale source d'inspiration idéologique et opérationnelle, de l'autre, l'événement accroît à court terme le risque d'une fuite en avant», a déclaré M. Maïga au quotidien français, qui l'interrogeait sur les conséquences au Sahel de l'élimination du chef d'Al Qaïda. «Les islamistes d'Aqmi n'ont jamais eu besoin matériellement d'Al Qaida central. Mais ils bénéficiaient de sa notoriété médiatique, notamment pour coaliser les islamistes des différents pays de la région», a-t-il ajouté. A présent, poursuit-il, «la confrontation devient plus directe. La mort d'Oussama Ben Laden soustrait le Sahel du champ d'affrontement global Al-Qaïda contre Occident», a-t-il poursuivi en ajoutant que «cette concentration sur un espace dont l'immensité est un défi pour les Etats laisse craindre une autoradicalisation».